Je suis religieusement quatre émissions quotidiennes, soit Indéfendable, STAT, Si on s’aimait et Occupation double Andalousie.

Je n’abandonne pas les téléromans 5e Rang, Sorcières, Alertes et À cœur battant. Je poursuis l’écoute d’Aller simple, Avant le crash, Une affaire criminelle, Entre deux draps et Après le déluge.

Et heureusement, j’ai déjà vu Fragments, Le temps des framboises, Les yeux fermés, Portrait-robot, Plan B et Mégantic, ce qui me fait gagner énormément de temps.

Ma question : comment faites-vous, gentils lecteurs et aimables lectrices, pour ne jamais perdre a) la boule et b) le fil de vos séries de fiction préférées ? Il y en a tellement, sur toutes les chaînes québécoises, que la liste des émissions non visionnées dans l’enregistreur s’étire sur quasiment trois écrans.

Comme pour la pile de livres sur la table de chevet, personne ne passe au travers et on finit par tout abandonner et effacer, découragé par la montagne de titres à escalader.

Si votre horaire télé compte encore quelques trous, par miracle, sachez que les plateformes numériques sautent à pieds joints dans la rentrée telle une instagrammeuse dans un tas de feuilles mortes, au Vermont, avec un châle en tricot crème posé sur les épaules.

C’est le cas du Club illico de Vidéotron qui proposera jeudi les deux premiers épisodes (sur un total de dix, à coup de deux par semaine) de la nouvelle série Les révoltés, écrite par la scénariste Anita Rowan (Les yeux fermés) et produite par l’infatigable Fabienne Larouche chez Aetios.

Est-ce l’émission qui va révolutionner ou chambouler votre automne ? Non. Est-ce une œuvre honnête, efficace et intéressante ? Oui.

Les deux révoltés du titre de la série s’appellent Éléonore St-Laurent (Sarah-Jeanne Labrosse), 28 ans, et Jacob Gravel-Duquette (Pier-Luc Funk), 32 ans. Deux millénariaux assoiffés de justice sociale et de doubles expressos, deux champions des causes désespérées. Vous voyez le genre.

Avocate, la bouillante Éléonore défend les plus démunis, ne conduit pas d’auto, se rend au boulot à vélo et boit des smoothies tous les matins. Elle pourrait être la fille de Christophe L’Allier (Roy Dupuis) dans À cœur battant.

Journaliste d’enquête, le fougueux Jacob dénonce dans ses articles les « injustices du système » et se décarcasse pour épingler les exploiteurs. Ça sonne cliché, oui, mais l’idéalisme exacerbé des deux personnages principaux les amène sur des enquêtes foisonnantes à propos de la crise des opiacés, des immigrants illégaux et des malversations hospitalières. Voilà où Les révoltés se démarque : dans ces histoires de gens ordinaires perdus dans le dédale des institutions. Envoyez un fax pour vous en sortir !

Le premier cas concerne une préposée aux bénéficiaires d’origine haïtienne, Rosena (Ayana O’Shun), qui a fui son pays et la violence de son mari criminel Jude (Rodney Alexandre), qui a essayé de la brûler vive dans leur propre maison.

Le Canada menace tout de même d’expulser Rosena et ses deux enfants, ce qui fournit à Jacob une manchette explosive pour son journal. L’article pique la curiosité de l’avocate Éléonore, qui contacte Jacob pour offrir ses services, gratuitement, à la pauvre Rosena, qui en arrache vraiment.

Vous vous doutez que Jacob et Éléonore, unis par leur passion des laissés-pour-compte de la société québécoise, tisseront des liens autres que professionnels. Jacob s’avère plus modéré dans ses positions, mais Éléonore parle, au premier épisode, de glaciers qui fondent, de la Terre surchargée d’humains et du plastique polluant, ce qui sonne parfois très Greta Thunberg qui se présenterait pour Québec solidaire dans Gouin.

Ce n’était pas nécessaire de verbaliser chacune des convictions de nos deux héros, car leurs actions parlent pas mal plus fort que tout ce qu’ils verbalisent, mettons.

La deuxième intrigue, plus captivante, concerne un travailleur de la construction qui meurt sur une table d’opération du CHUM pendant une intervention de routine. Un lanceur d’alerte, joué par Alex Godbout, croit qu’il s’agit d’une euthanasie provoquée par une médecin très médiatisée, la Dre Éliane Lamontagne (Sophie Cadieux). Jacob fouille le dossier en compagnie de la belle-fille (Marie-Ève Beauregard) de l’homme qui est mort. Et comme le titrerait un site web spécialisé dans le piège à clics, ce qu’ils découvrent vous jettera en bas du sofa !

Gros fan de Scoop depuis toujours, j’aurais aimé que l’auteure Anita Rowan jette davantage de lumière sur les collègues de Jacob au journal. Dans cette salle de rédaction moderne, Jacob croise une patronne (Mylène Mackay) super intense et adepte de substances pas du tout écolos, de même qu’un camarade taquin (Paul Ahmarani) qui auraient plus de jus à donner, il me semble.

Avec Pier-Luc Funk et Sarah-Jeanne Labrosse sur l’affiche et avec ses enjeux sociaux qui préoccupent beaucoup les générations Y et Z, Les révoltés vise clairement une clientèle plus jeune, qui se reconnaît peu dans les téléromans traditionnels fabriqués au Québec.

Maintenant, la question qui fait mal : est-ce que ces jeunes souscrivent au Club illico de Vidéotron ou sont-ils en train de changer le monde, un matcha à la fois, sur Netflix ?