Comment deux amis d’enfance ont-ils réussi à créer l’un des groupes les plus populaires des années 1980 pour finalement le dissoudre alors qu’ils étaient au sommet, sans que cela n’entame en rien leurs liens ?

Malgré son immense et rapide succès, la pop sucrée du duo britannique Wham ! composé de George Michael et d’Andrew Ridgeley a été méprisée et considérée comme de la musique pour fillettes, ce que j’étais lorsque j’ai reçu ma première cassette du groupe. Et comme bien des filles nord-américaines, j’ai découvert Wham !, qui n’a duré que quatre ans, peu de temps avant qu’il ne disparaisse au profit de la carrière solo de George Michael, tandis qu’Andrew Ridgeley s’est retiré du showbiz, après quelques tentatives de projets personnels infructueux.

Ce que l’on apprend dans le documentaire Wham ! de Chris Smith (réalisateur de l’incroyable documentaire Fyre et producteur de la non moins incroyable série Tiger King) est que George Michael, l’un des meilleurs compositeurs de hits de sa génération, n’aurait probablement pas pu émerger sans Wham !, mais surtout, sans son amitié émouvante avec Andrew Ridgeley.

Ils se rencontrent à 11 ans et ne se quitteront plus. Andrew est l’extraverti et le leader tandis que George, qui s’appelle alors Georgios Kyriacos Panayiotou, est un garçon d’origine grecque complexé qui n’a pas encore découvert son homosexualité, élevé par un père sévère qui n’en a rien à faire de ses aspirations artistiques. Ces deux-là, complètement naïfs au début, vont créer d’improbables succès qui perdurent encore aujourd’hui. Qui ne connaît pas Careless Whisper, Wake Me Up Before You Go-Go ou Last Christmas ?

L’histoire de Wham ! est entièrement racontée par les deux principaux intéressés dans un collage d’archives de leurs entrevues, tandis que la chronologie est tirée du scrapbook très riche de la mère d’Andrew qui a documenté chaque réussite.

Le duo détonne dans un environnement musical britannique marqué par le mouvement punk, mais avec le recul, il incarne jusqu’au cliché le look rose bonbon des années 1980 et un son reconnaissable entre tous. On a un peu le fou rire à les voir bouger sur scène en shorts blancs, les cheveux raides de spray net, mais ça donne un petit coup de nostalgie aussi.

Pendant cinq ans, à mesure que la « whamania » grossit, un transfert s’effectue. George Michael prend de plus en plus de place à mesure qu’il s’affirme comme compositeur, interprète et producteur. Son envie de gloire est beaucoup plus grande que celle d’Andrew, car c’est là qu’il cherche l’approbation et son identité, alors qu’il cache son orientation sexuelle. Careless Whisper, l’une des toutes premières chansons écrites par le duo avant même qu’il soit connu, sera plus tard enregistrée à Memphis avec le légendaire producteur Jerry Wexler, mais George, insatisfait de la version, la reprendra au complet selon ses goûts (avec ce fameux solo de saxophone). Obsédé par les palmarès, il avoue même avoir été dépité que Last Christmas arrive en deuxième place en décembre 1984 derrière Do They Know It’s Christmas ?, cette chanson collective de Band Aid, composée pour aider à lutter contre la famine en Éthiopie, alors qu’il y avait participé avec les plus grandes stars de l’époque.

C’est à 19 ans qu’il confie à son ami être bisexuel – ce qu’il se fait croire, dit-il, car en fait, il est gai –, et cela ne changera rien à leurs rapports, au contraire. Andrew protégera celui qu’il appellera affectueusement Yog toute sa vie. Encore mieux, il le comprendra lorsqu’il voudra voler de ses propres ailes en solo, sans lui en vouloir – de toute façon, il se rend bien compte que l’aura de George grandit. Lors du célèbre concert de Live Aid, c’est George qui chante Don’t Let the Sun Go Down on Me avec Elton John, tandis qu’Andrew est relégué à la chorale. « C’était son moment », résume-t-il.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

George Michael, Elton John et Andrew Ridgeley

Ce qui mènera à la fin de Wham !, de l’aveu même de George Michael, est son malaise, palpable dans plusieurs entrevues lorsqu’on lui parle de ses admiratrices, tandis qu’Andrew l’hétéro cabotine pour faire diversion. « Je suis une immense star et je suis gai », constate avec désespoir celui qui a besoin d’être lui-même.

Les membres de Wham ! donneront un dernier concert pour faire leurs adieux le 28 juin 1986, et pour la première fois depuis leur enfance, leurs chemins se séparent. Mais ils resteront amis toute leur vie ; une semaine avant la mort soudaine de George Michael en 2016, ils jouaient au Scrabble ensemble.

Le monde musical regorge de séparations houleuses et de rancœurs tenaces. C’est loin d’être le cas ici, et d’ailleurs George Michael décrivait la fin de Wham ! comme la rupture la plus douce de l’histoire de la musique, ce qui explique pourquoi ce documentaire fait du bien, en plus de rappeler de charmants souvenirs.

J’ai longtemps pensé qu’Andrew Ridgeley devait être jaloux du succès de son meilleur ami. Je comprends aujourd’hui qu’il était plutôt son plus grand admirateur.

Wham !

Documentaire

Wham !

Chris Smith

Sur Netflix

1 h 32