Chers lecteurs adorés, ici la version masculine et cheapo de Lady Whistledown qui vous écrit d’un modeste castelet de Rosemont et qui vous convie à une saison flambant neuve de bals froufroutants et de ruses royales chez les aristocrates anglais de la fin du XVIIIe siècle.

Prenez rendez-vous chez la modiste. Serrez vos corsets. Plus fort, voyons. Répétez vos pièces de piano-forte. Et, de grâce, aiguisez vos compétences en broderie, pauvres roturiers !

Car nous pénétrons de nouveau dans l’univers opulent et mondain du clan Bridgerton, mais par une nouvelle porte, celle de la reine Charlotte, première souveraine noire de l’Empire britannique et une des instigatrices de la mixité raciale au sein de cette société patriarcale ultrarigide. Eh, oh ! Il s’agit d’une fiction uchronique légèrement teintée de réel, ne grimpez donc pas dans les lourds rideaux de velours, qui coûtent une fortune.

La reine Charlotte (Golda Rosheuvel) est apparue souvent dans les deux premières saisons de La chronique des Bridgerton avec sa coiffure sculpturale à la Marge Simpson. L’antépisode La reine Charlotte : un chapitre Bridgerton, en ligne depuis une semaine sur Netflix, recule de quelques décennies et nous montre l’ascension vers le trône d’une adolescente de 17 ans fougueuse, impétueuse et déterminée.

Honnêtement, j’ai préféré La reine Charlotte aux deux chapitres officiels de La chronique des Bridgerton, qui découlent de la saga littéraire de Julia Quinn. C’est moins Harlequin, plus contemporain, avec un propos politique et féministe plus fort, pas du tout rasoir.

Bien sûr, La reine Charlotte baigne dans la frivolité flamboyante et les intrigues scandaleuses de La chronique des Bridgerton, mais s’appuie sur des enjeux plus profonds et complexes comme la sexualité des femmes et le colorisme. Toutes ces couches forment un gâteau aussi nutritif que délicieusement sucré.

La minisérie de Netflix démarre autour de 1761, alors que Charlotte de Mecklembourg-Strelitz, 17 ans, quitte son Allemagne natale et débarque à Londres pour épouser le roi George III (Corey Mylchreest), un pur inconnu pour l’adolescente. Mais voilà, Charlotte (India Amarteifio) est noire – surprise ! – et la cour ne compte aucun sujet de couleur. La princesse douairière Augusta (Michelle Fairley, magnifique Lady Stark dans Game of Thrones), qui a orchestré ce mariage arrangé, implante ce qu’elle appelle sa « grande expérimentation ».

La couronne distribue alors une flopée de titres de noblesse aux citoyens non blancs. C’est de cette façon que la formidable Lady Danbury (Adjoa Andoh), la dame excentrique à chapeau haut de forme, grimpe dans l’échelle sociale. Et c’est ce qui explique l’inclusivité et la diversité dépeinte dans La chronique des Bridgerton.

De retour au palais, la fraîche union entre Charlotte et George débute très mal. George refuse de vivre avec Charlotte et repousse ses avances sexuelles. La princesse douairière Augusta, toujours sans héritier, s’impatiente et maintient la pression : couchez donc ensemble, les implore-t-elle en usant d’un vocabulaire plus élégant, évidemment.

George ne cède pas et quitte même Buckingham pour se réfugier dans son maudit observatoire, d’où il scrute le ciel étoilé, entre deux séances de jardinage.

Mâchoire carrée, intellect développé, muscles travaillés et riche à craquer, George coche toutes les cases du mari idéal. Il cache cependant un secret, qui l’éloigne de son épouse. Lequel ? Les deux premiers épisodes s’articulent autour de ce mystère, qui n’en est pas un énorme, avouons-le.

PHOTO TIRÉE DU SITE IMDB

Le rôle du roi George III est tenu par Corey Mylchreest.

Le quatrième épisode revisite la jeune romance entre George et Charlotte en changeant de perspective et c’est extrêmement bien fait. Autre point fort : la minisérie explore davantage l’amitié qui unit trois femmes influentes de l’époque, soit la reine Charlotte, sa confidente Lady Danbury et leur amie la vicomtesse Violet Bridgerton, un de mes personnages favoris de la série. Quelle dame raffinée et sympathique.

Au cinquième épisode, les confidences entre les deux veuves que sont Lady Danbury et la vicomtesse Bridgerton sur leur vie sexuelle – ou leur absence de vie sexuelle – sont à la fois truculentes et modernes. Elles révèlent également un potin affriolant, qui ferait frémir la plume aiguisée de Lady Whistledown (toujours la voix de Julie Andrews, dans la version originale).

À la manière de The Crown, La reine Charlotte explore le poids des responsabilités et le sens du devoir qui incombent aux membres de ce clan doré. Le tout sur fond de Halo de Beyoncé, repris par un orchestre de chambre.

Vous pouvez visionner La reine Charlotte, qui cartonne depuis sa sortie, sans avoir dévoré les deux saisons de La chronique des Bridgerton. Il vous manquera quelques références et des clins d’œil, mais rien de crucial pour la compréhension globale de l’histoire.

Visuellement, les épisodes demeurent spectaculaires avec leur buffet de robes gâteaux et leur décor rococo au max. Cette abondance de tissus dispendieux n’empêche pas les personnages, dont deux de la communauté LGBTQ+, d’aborder les thèmes de la solitude, du désir féminin et de l’émancipation.

Pour paraphraser Lady Whistledown, une mentore de l’info croustillante, il y a un nouveau diamant cette saison et il brille de toutes ses facettes, sérieuses comme futiles.