C’est toujours périlleux de parler du « vrai monde », ou de faire parler du « vrai monde », dans une série télé campée en région.

Si l’émission abuse des personnages folkloriques, vous savez, ceux qui s’expriment de façon tellement colorée, l’émission semble se moquer des gens qui vivent à l’extérieur des centres urbains.

Si la télésérie dépeint un milieu rugueux, on l’accuse d’amplifier les préjugés à propos de la pauvreté — intellectuelle et matérielle — des habitants d’un paquet de villages du Québec.

Bref, les pièges de ce type de télé se multiplient comme ceux de la préparation d’une chakchouka au duel des Chefs !.

Heureusement, Les perles du Club illico évite ces écueils grâce à ses textes sensibles, drôles et poignants, pondus par l’auteure Erika Soucy, une des collaboratrices de Fabien Cloutier sur la série Léo.

Il existe d’ailleurs une parenté évidente entre Léo et Les perles. Ces deux comédies dramatiques mettent en scène des personnes dites ordinaires, donc pas des enquêteurs tourmentés ou des médecins sur l’Adderall, que les scénaristes ne jugent pas, au contraire. Autant chez Fabien Cloutier qu’Erika Soucy, on sent beaucoup d’affection et de tendresse pour la classe moyenne qui en arrache, mais qui a le cœur vissé à la bonne place.

Les détails techniques, avant d’enfiler ces Perles. Cette charmante nouveauté, découpée en 13 demi-heures, sort jeudi sur le Club illico de Vidéotron et parle d’épuisement maternel et d’accès à l’avortement tardif avec une bienveillance qui réchauffe le cœur.

De retour au programme principal, le titre de cette série réfère aux deux filles de la mère seule Stéphanie (excellente Bianca Gervais), 32 ans, qu’elle appelle affectueusement ses perles. La plus vieille, née d’un père inconnu, s’appelle Laurence (Cassandra Latreille), a 16 ans et est une première de classe, brillante et remplie d’esprit.

Tout aussi allumée, la plus jeune, Juliette (Anouk Tanguay), vit avec un trouble déficitaire de l’attention, un TDA, et absorbe toutes les émotions qui gravitent autour d’elle. Son père Yoan (Lucien Ratio), chez qui elle passe une fin de semaine sur deux, est un perdant, un adulescent qui trippe un peu trop sur les jeux vidéo et qui sort avec une petite jeunesse (Camille Felton) qui croit que Marc Dupré est pas mal plus connu que Nelson Mandela.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Bianca Gervais joue le rôle de Stéphanie dans Les perles.

Le premier épisode commence sur un quiproquo. Stéphanie (Bianca Gervais) rentre d’un voyage de dix jours au Mexique avec son amant secret, alors que son entourage croit qu’elle revient d’une retraite de yoga. La meilleure amie de Stéphanie, Cynthia (Sharon Fontaine-Ishpatao), la seule au courant de cette escapade dans le Sud, a cependant aggravé le mensonge initial en racontant au village que Stéphanie souffrait d’une dépression.

Sans ne rien divulgâcher, cette petite menterie enfle — on organise même un party de dépression à notre héroïne — et elle aura des répercussions fâcheuses sur la vie déjà peu simple de Stéphanie, qui travaille comme réceptionniste à la mairie de son village.

L’histoire des Perles se déroule dans la municipalité fictive de Nordest, sur la Haute-Côte-Nord. En réalité, les scènes extérieures de la série ont été tournées à Portneuf-sur-Mer, à mi-chemin entre Tadoussac et Baie-Comeau, lieu de naissance de la scénariste Erika Soucy, qui a souvent collaboré à l’émission radiophonique Plus on est de fous, plus on lit.

Le personnage qui ressort le plus rapidement du lot est celui de Mme Caron (Chantal Baril), la propriétaire baveuse du logement de Stéphanie qui lui mène la vie dure. Elle est « attachiante » au maximum.

Issue de la communauté innue, Cynthia, l’amie d’enfance de Stéphanie, demeure une énigme après les quatre premiers épisodes que j’ai visionnés. Elle répond à chacune des urgences de Stéphanie, se dévoue entièrement aux deux filles (les deux perles) de celle-ci et n’exige rien en retour. Employée du resto du village, Cynthia mène une existence d’ascète qui cache un passé douloureux.

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Linda Malo est de retour dans une série avec son rôle dans Les perles.

Les perles met également en vedette Linda Malo dans le rôle d’une directrice de banque fort sympathique, ainsi que Bruno Marcil dans la peau du propriétaire de la plus grosse entreprise de transport du coin. C’est très bon, je le répète.

Le plus gros défaut de ces Perles scintillantes ? Le nombre inquiétant de répliques inaudibles qui y sont prononcées. C’est un problème très fâchant s’il faut reculer toutes les 30 secondes dans un épisode qui ne dure que 21 minutes. Et ça augmente grandement les risques de décrochage.

Dans le premier épisode, par exemple, il y a des bouts de dialogue que l’on doit se résoudre à ne pas comprendre pour poursuivre l’écoute. Heureusement, il ne s’agit pas tant d’infos cruciales qui se perdent dans une diction molle ou du mauvais son.

Peu importe, c’est franchement agaçant. D’autant plus que l’on se plaint du marmonnage depuis tellement d’années. Qu’attendent les diffuseurs et les producteurs pour corriger ce problème qui déclenche des avalanches de plaintes chez les téléspectateurs ? Sont-ils durs de la feuille ?

Ce phénomène du « mumbling » touche aussi les séries américaines et britanniques, ce qui force les téléphiles à activer la fonction des sous-titres même dans leur langue maternelle.

Il faudrait peut-être mieux articuler et baisser le volume de la musique de fond. Une idée si simple, qui ne passe toujours pas.