Le Musée national des beaux-arts du Québec présente jusqu’au 10 septembre l’exposition Alexander McQueen – L’art rencontre la mode, qui rend hommage au travail du designer britannique Alexander McQueen. Ce dernier a marqué l’histoire de la mode par son sens de la provocation, ses défilés spectaculaires et son anticonformisme.

Cette exposition créée par le Los Angeles County Museum of Art (LACMA) est présentée pour la première fois au Canada. Elle explore le processus de création du designer, en associant les 69 ensembles d’Alexander McQueen (de la collection de Regina J. Drucker) à des œuvres d’art de différentes époques, de l’Antiquité à nos jours. Cette association entre l’art et la mode est une vraie réussite, car elle se fait de manière très naturelle, surtout quand on sait que McQueen utilisait le vêtement pour en faire un support engagé.

Les inspirations du designer ont été multiples, allant de la mythologie grecque aux années folles en passant par la Renaissance. Il avait une fascination pour la condition humaine, la nature, la vie, la mort, l’environnement et la surconsommation.

Selon Clarissa M. Esguerra, conservatrice des costumes et des textiles du LACMA, Alexander McQueen a été un designer avant-gardiste qui inspire encore les créateurs aujourd’hui. « Son savoir-faire, ses silhouettes, ses collections sont extrêmement riches et complexes, car chaque création raconte une histoire avec des références artistiques ou historiques. C’est ça, le génie de McQueen, et c’est ce qu’on voit dans cette exposition », dit-elle.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Détail une robe de la collection L’Atlantide de Platon, printemps-été 2010

« Le LACMA est un musée encyclopédique et on s’est demandé comment on pouvait présenter les ensembles de McQueen avec des œuvres qui l’ont inspiré, quelle que soit l’époque », souligne-t-elle. Il y a, par exemple, des œuvres de Francisco de Goya et de Pablo Picasso sur la tauromachie qui font écho à des créations de McQueen.

Le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) a ajouté une touche québécoise à l’exposition en y intégrant des œuvres d’artistes du Québec comme Clarence Gagnon, Marcel Saint-Pierre, Holly King, Patrick Bernatchez ou Claire Savoie.

« Dans ce pavillon Pierre Lassonde, on avait l’espace pour ajouter des œuvres de notre collection, ce qui démontre à quel point Alexander McQueen est universel dans le choix de thèmes qui résonnent encore aujourd’hui, que ce soit la condition féminine, le cycle de la vie ou les changements climatiques », explique Maude Lévesque, commissaire d’expositions au MNBAQ.

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Trois ensembles de la collection L’Atlantide de Platon, printemps-été 2010. On y voit les chaussures portées par Lady Gaga dans Bad Romance.

Une scénographie qui impressionne

La scénographie de l’exposition est très soignée, ce qui va séduire les visiteurs, car les projections au sol, la musique et les effets de lumière nous surprennent dès la première salle, et tout au long du parcours, composé de six grands lieux emblématiques aux ambiances très différentes.

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Robe bustier, collection automne-hiver 2008-2009, La fille qui vivait dans l’arbre, avec la photographie Lush, de l’artiste québécoise Holly King. La coiffure pour femme est une création de Michael Schmidt.

Une des salles les plus impressionnantes est La ruelle, où l’on est plongé dans le noir dans une ruelle sombre de Londres. On y présente des robes et ensembles de différentes collections, dont celle de l’automne-hiver 2008-2009, La fille qui vivait dans l’arbre, qui évoque une princesse punk de conte de fées qui quitte les branches de son arbre pour explorer le monde terrestre. Une magnifique robe bustier noire retient notre attention, elle est brodée des illustrations d’Arthur Rackham (peintre britannique qui a illustré de nombreux livres pour enfants) pour Songe d’une nuit d’été et, juste à côté, on y a associé la photographie Lush de la Québécoise Holly King, qui semble tout droit sortie de l’univers de McQueen. Fabuleux.

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La collection Les veuves de Culloden, automne-hiver 2006-2007

Dans cette même salle, on explore également les origines écossaises du créateur, qui condamnait le colonialisme britannique avec la collection Les veuves de Culloden (automne-hiver 2006-2007).

La salle Le cabinet de curiosités est consacrée à l’histoire de la mode, puisque le designer s’inspirait de robes du XVIIe et du XVIIIe siècle, puis dans la salle L’atelier on rappelle qu’Alexander McQueen était apprenti à Savile Row, une rue de Londres qui est une référence en matière de tailleurs.

McQueen maîtrisait à la perfection la construction des patrons, tout comme les coupes et les techniques de couture. Il a toujours innové avec l’impression numérique sur les vêtements, on le voit à travers l’impression d’une photo en noir et blanc sur une veste à paillettes. « On a retrouvé la vraie photographie originale, un daguerréotype de 1845 de Carl Gustav Oehme, et pour la première fois l’œuvre originale et le veston de McQueen sont réunis », fait savoir Maude Lévesque.

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Le veston d’Alexander McQueen avec une impression de photographie sur paillettes

Le laboratoire, à la fin, en met plein la vue avec sa dernière collection L’Atlantide de Platon (printemps-été 2010) où McQueen expérimente et imagine un monde englouti par l’océan où on est mi-poisson, mi-femme. Les créations, les tissus et les imprimés sont spectaculaires, et on a la chance de voir les célèbres Armadillo, les chaussures que Lady Gaga porte dans le vidéoclip Bad Romance.

Treize ans après sa mort, Alexander McQueen est encore d’actualité. « Avoir des opinions, les mettre de l’avant à travers ses collections et vouloir refaire le monde, il l’a fait à sa façon », pense Stéphane Le Duc, ambassadeur de l’exposition. « Certaines de ses créations ont remis en question les formes du corps comme les tailles basses. Les chaussures de la collection L’Atlantide de Platon ont changé la démarche et la posture du corps, c’est ce qu’un couturier rêve de faire, et c’est ce qu’il a réussi avec un talent exceptionnel », conclut-il.

« L’évènement de l’été, c’est cette exposition à Québec », a lancé Jean-Luc Murray, le directeur du MNBAQ. C’est en effet l’exposition incontournable de l’été.

Consultez le site du Musée national des beaux-arts du Québec