L’artiste multidisciplinaire montréalaise Barbara Steinman est la lauréate du prix Paul-Émile-Borduas 2022, décerné par le gouvernement du Québec. Une reconnaissance qui lui fait très plaisir. La Presse l’a rencontrée au Musée des beaux-arts de Montréal (MABM) près de ses œuvres que le musée a acquises et expose dans deux pavillons.

Barbara Steinman a eu 73 ans vendredi. C’est toujours une artiste élégante, éloquente, brillante et en pleine forme !

Elle est très touchée d’avoir reçu le prix Borduas, récompense la plus prestigieuse décernée par le Québec aux artistes visuels. Et reconnaissante, car il survient comme le couronnement tardif d’une carrière d’exception. Cette artiste conceptuelle – qui a fait des études en littérature à l’Université McGill et en arts médiatiques à l’Université Concordia – a surtout été honorée à l’extérieur du Québec, notamment par le prix du Gouverneur général en 2002.

Représentée par les galeristes Olga Korper, à Toronto, et Françoise Paviot, à Paris, Barbara Steinman n’a jamais été gratifiée d’une rétrospective au Québec. Étonnant quand on considère l’incroyable parcours de cette artiste. Expositions au MOMA, à New York, au Stedelijk Museum d’Amsterdam, au Tate Liverpool, au Musée des beaux-arts de l’Ontario et au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC). En plus de participations à une expo internationale lors de la Biennale de Venise 1988 et aux biennales de Sydney, Séoul et São Paulo.

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Borrowed Scenary, 1987. Toujours actuelle, l’œuvre parle d’immigration, de tourisme et de réfugiés. Elle a été exposée à Venise en 1988.

Ce sont ses années d’expérimentations à Vancouver qui ont mis au monde l’artiste Barbara Steinman. De 1974 à 1980, elle y a découvert le langage de la vidéo, devenant une des premières à l’incorporer dans des installations sculpturales. Elle y a fréquenté le dynamique centre d’artistes Western Front – qui fête ses 50 ans cette année – et réalisé des vidéos présentées notamment au Vancouver Art Gallery. Elle est revenue transformée à Montréal, où elle a dirigé Vidéo Véhicule, excroissance de l’ex-centre VéhiculeArt devenu PRIM en 1981, avant de prendre la direction de La Centrale galerie Powerhouse, de 1983 à 1985.

  • Photographie, série Reconfigurations, 2015, créée à partir d’archives vidéo de l’époque où Barbara Steinman était à Vancouver.

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    Photographie, série Reconfigurations, 2015, créée à partir d’archives vidéo de l’époque où Barbara Steinman était à Vancouver.

  • Tapis rouge, 2003. Des ondes sonores tissées sur un tapis rouge. Un symbole de pouvoir mêlé à une critique de la propagande en tant que vecteur de haine.

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    Tapis rouge, 2003. Des ondes sonores tissées sur un tapis rouge. Un symbole de pouvoir mêlé à une critique de la propagande en tant que vecteur de haine.

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L’autre déclic de sa carrière aura été les Cent jours d’art contemporain de Montréal, organisés par Claude Gosselin. Elle y a exposé, en 1986, Cenotaphe, une œuvre sculpturale sur la disparition et l’exclusion, antérieurement créée pour une expo à Lyon. « Cenotaphe a été remarquée en Europe avant de l’être à Montréal, à São Paulo et en Allemagne, dit Barbara Steinman, dans un français impeccable. Le Musée des beaux-arts du Canada l’a acquise en 1987. »

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Cenotaphe, une œuvre qui a beaucoup voyagé

L’engagement de Barbara Steinman s’est toujours exprimé de manière discrète, sans exubérance et sous les traits de concepts qu’il faut être prêt à déceler. Un style apprécié des amateurs de casse-tête visuel, ouvrant la porte de leur réceptivité. « Je me suis toujours donné pour mot d’ordre de m’adresser à la sensibilité des gens, dit-elle. Quels que soient leurs origines, leurs parcours et leurs histoires particulières. J’ose croire que c’est peut-être l’une des raisons qui ont fait que mes œuvres ont tant voyagé et été accueillies dans des contextes si divers, en Europe et en Amérique du Nord bien sûr, mais aussi en Asie, en Amérique latine et en Océanie. »

  • Roulette, 1993, fut exposée à la galerie PFOAC en 2005.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Roulette, 1993, fut exposée à la galerie PFOAC en 2005.

  • Installation Jour et nuit, présentée au MBAC

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Installation Jour et nuit, présentée au MBAC

  • Signs, exposée en 1992 pour inaugurer le nouveau MAC de Montréal, puis acquise par le collectionneur François Rochon

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Signs, exposée en 1992 pour inaugurer le nouveau MAC de Montréal, puis acquise par le collectionneur François Rochon

  • Lux, 2000. Collection MBAM depuis 2001.

    PHOTO DENIS FARLEY, FOURNIE PAR LE MBAM

    Lux, 2000. Collection MBAM depuis 2001.

  • Barbara Steinman devant J’ai vu, une fois, exposée à l’entrée du pavillon pour la Paix Michal et Renata Hornstein, au MBAM

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Barbara Steinman devant J’ai vu, une fois, exposée à l’entrée du pavillon pour la Paix Michal et Renata Hornstein, au MBAM

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À la suite d’une visite à Prague où elle avait admiré de magnifiques lustres en cristal de Bohême, Barbara Steinman a eu l’idée de créer Lux, en 2000. L’installation évoque la notion de pouvoir, mais le cristal des élites éclairées a été remplacé par les chaînes d’acier des autorités brutales. Les cristaux sont au sol, où les ombres du lustre créent une cage éphémère. Une œuvre toujours d’actualité, acquise et exposée au MBAM.

L’artiste a eu ensuite la chance de croiser la commissaire montréalaise Ji-Yoon Han – qui prépare l’édition 2023 de la biennale montréalaise Momenta. Elle lui a permis, après des expos chez Pierre-François Ouellette, Roger Bellemare et Antoine Ertaskiran, de montrer son travail, en 2019, à la Fonderie Darling. Un travail sur la richesse et la vulnérabilité de l’humain, le credo de Barbara Steinman.

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Vue de Diving for Dreams, à la Fonderie Darling, en 2019

Barbara Steinman a aussi réalisé plusieurs projets d’art public. River, une œuvre in situ pour l’ambassade du Canada à Berlin en 2005, une autre pour l’ambassade du Canada à Moscou en 2010, et des œuvres extérieures à Toronto et à Vancouver. Elle prépare un solo à sa galeriste torontoise pour 2014 et expose, dès ce samedi (4 février), des photographies à la galerie TrépanierBaer, à Calgary.

  • River, créée sur le plancher de l’ambassade du Canada à Berlin, pour évoquer l’histoire et la géographie des lieux

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    River, créée sur le plancher de l’ambassade du Canada à Berlin, pour évoquer l’histoire et la géographie des lieux

  • Perennials, œuvre d’art public de 4500 pi⁠2 créée à Vancouver

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Perennials, œuvre d’art public de 4500 pi⁠2 créée à Vancouver

  • Leaf Garden, réalisée avec des paysagistes à l’Opera Place Park, à Toronto, en 2003

    PHOTO FOURNIE PAR BARBARA STEINMAN

    Leaf Garden, réalisée avec des paysagistes à l’Opera Place Park, à Toronto, en 2003

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Résiliente, Barbara Steinman a encore un grand besoin de créer. Elle rêve de participer à une expo collective avec des artistes québécoises de son époque. « Avec des femmes comme Geneviève Cadieux, Lyne Lapointe et Angela Grauerholz, qui ont toutes des œuvres dans les collections de nos musées, dit-elle. Car le temps passe. Durant la pandémie, j’ai réalisé que faire de l’art, penser, voir d’autres œuvres, ça ajoute une dimension essentielle à la vie. J’espère continuer le plus longtemps possible à m’exprimer à travers l’art. Car faire de l’art, c’est être proactif. »

Découvrez ses œuvres chez Olga Korper Visitez le site de l’artiste Lisez notre critique de son expo à la Fonderie Consultez le site de TrépanierBaer