Les toiles de maîtres anciens et d’artistes contemporains recèlent parfois bien des surprises derrière leur cadre. Notes manuscrites, dessins, sceaux, plans, objets ou même œuvre cachée ! Une mine de découvertes qui enchantent musées, collectionneurs et marchands d’art. Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) nous a ouvert récemment ses réserves pour dévoiler les versos parfois précieux de quelques-uns des tableaux de sa collection.

Nature morte dite « au mannequin »

1898, Ozias Leduc (Saint-Hilaire, 1864-Saint-Hyacinthe, 1955), huile sur carton. MBAM, don de la Succession J. A. DeSève, 1984. © Succession Ozias Leduc/SOCAN (2022).

  • La bande dorée sur le pourtour du tableau.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    La bande dorée sur le pourtour du tableau.

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Peint en 1898, le tableau Nature morte dite « au mannequin » comprend des notes d’Ozias Leduc dissimulées délibérément dans une bande dorée peinte sur le pourtour de l’œuvre. On ne la voit que si l’on ôte le cadre du tableau. « Je ne connais aucune autre œuvre de notre collection ou de Leduc qui ait quelque chose comme ça », dit Jacques Des Rochers, conservateur de l’art québécois et canadien antérieur à 1945, au MBAM.

L’artiste a mentionné, sur la petite bande, le lieu et la date d’exécution de l’œuvre, ce qui indique qu’il avait un atelier à Montréal quand il a commencé ses peintures murales de l’église de Mont-Saint-Hilaire. « Ce devait être l’atelier qu’il avait chez sa cousine germaine, Marie-Louise Lebrun, qu’il épousera en 1906 », dit Jacques Des Rochers. Sur l’autre côté de la bande dorée, les mots « DESSIN-COULEUR-COMPOSITION : LA TRINITÉ DU PEINTRE » sont une sorte de manifeste d’Ozias Leduc, un éclairage sur sa vision de la peinture. « Ça indique que cette nature morte était un travail de synthèse approfondi », dit M. Des Rochers.

Cupidon et Psyché

1796, Pierre-Joseph-Célestin François (Namur, 1759 –Bruxelles, 1851), huile sur bois. MBAM, achat 2018, legs Horsley et Annie Townsend.

  • Cupidon et Psyché, 1796, Pierre-Joseph-Célestin François. L’huile sur bois fait partie de la collection du MBAM depuis 2018.

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    Cupidon et Psyché, 1796, Pierre-Joseph-Célestin François. L’huile sur bois fait partie de la collection du MBAM depuis 2018.

  • Cupidon et Psyché, 1796, Pierre-Joseph-Célestin François. L’huile sur bois fait partie de la collection du MBAM depuis 2018.

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    Cupidon et Psyché, 1796, Pierre-Joseph-Célestin François. L’huile sur bois fait partie de la collection du MBAM depuis 2018.

  • Après avoir ôté la peinture de son cadre, Richard Gagnier, responsable du Service de la restauration des œuvres d’art au MBAM, montre les éléments situés au verso du panneau de bois sur lequel Pierre-Joseph-Célestin François avait peint.

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    Après avoir ôté la peinture de son cadre, Richard Gagnier, responsable du Service de la restauration des œuvres d’art au MBAM, montre les éléments situés au verso du panneau de bois sur lequel Pierre-Joseph-Célestin François avait peint.

  • Une étiquette relative au tableau a été encapsulée par le MBAM pour la protéger. On voit que l’œuvre a été exposée au Musée d’Ixelles, à Bruxelles, puis mise aux enchères par Sotheby’s en 1995. Elle a été acquise en 2018 par le MBAM.

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    Une étiquette relative au tableau a été encapsulée par le MBAM pour la protéger. On voit que l’œuvre a été exposée au Musée d’Ixelles, à Bruxelles, puis mise aux enchères par Sotheby’s en 1995. Elle a été acquise en 2018 par le MBAM.

  • Sur le dos du cadre du tableau, des inscriptions de Momart, la compagnie britannique de transport d’œuvres d’art, montrent que l’œuvre a séjourné à Munich, en Allemagne. On aperçoit aussi des numéros d’encan.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Sur le dos du cadre du tableau, des inscriptions de Momart, la compagnie britannique de transport d’œuvres d’art, montrent que l’œuvre a séjourné à Munich, en Allemagne. On aperçoit aussi des numéros d’encan.

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L’huile du peintre belge Pierre-Joseph-Célestin François intitulée Cupidon et Psyché – ou Psyché, après une absence et de grands dangers, revoit et embrasse Cupidon – est riche d’enseignements à son envers. Quand on dégage le tableau du cadre, on découvre au verso des textes écrits à la main. D’abord, le titre de l’œuvre écrit par l’artiste avec sa signature, puis un morceau de papier dégradé par le temps et qui contient des inscriptions. « Il s’agit d’une courte bio sur le peintre, écrite durant sa vie, avec la mention de plusieurs dates, dit Richard Gagnier, responsable du Service de la restauration des œuvres d’art au musée. C’est peut-être un écrit du premier propriétaire de l’œuvre. Ça marque en tout cas un moment précis de l’histoire de l’œuvre. » « C’est Sylvain Cordier [conservateur au MBAM de 2013 à 2019] qui a fait entrer ce tableau au musée en 2018, dit Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef au MBAM. Il a appartenu à la galerie Mendes de Paris, et bien avant à la princesse belge Pauline d’Arenberg. »

Paysage fluvial avec baigneurs

Vers 1653, Philips Wouwerman (Haarlem, 1619 –Haarlem, 1668), huile sur toile. MBAM, 2013, don de Michal et Renata Hornstein.

  • Paysage fluvial avec baigneurs, de Philips Wouwerman

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    Paysage fluvial avec baigneurs, de Philips Wouwerman

  • Le sceau de la galerie de Charles Sedelmeyer

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    Le sceau de la galerie de Charles Sedelmeyer

  • Quelques artefacts accompagnent le Paysage fluvial avec baigneurs.

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    Quelques artefacts accompagnent le Paysage fluvial avec baigneurs.

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Paysage fluvial avec baigneurs est une peinture de 1653, réalisée par le maître de l’Âge d’or hollandais Philips Wouwerman. Son intérêt principal, en ce qui concerne son envers, est la présence de trois sceaux anciens à la cire rouge, une technique de marquage qui n’existe plus. On voit notamment le sceau du marchand d’art autrichien naturalisé français Charles Sedelmeyer (1837-1925), un des grands collectionneurs européens du XIXe et du début du XXe siècle.

« En plus, dit Richard Gagnier, quand le tableau a été acquis [par Michal et Renata Hornstein qui l’ont donné au musée en 2013], une enveloppe jointe contenait des photos témoignant des traitements que le tableau a subis dans les années 1970-1980. Car, quand on regarde les matériaux utilisés, il y a une résine dont on se servait à cette époque. »

L’entrée de mon atelier

Vers 1938, Adrien Hébert (Paris, 1890 –Montréal, 1967), huile sur toile. MBAM, achat 2014, fonds de la Campagne du Musée, 1988-1993.

  • L’entrée de mon atelier, d’Adrien Hébert, acquis en 2014 par le MBAM

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    L’entrée de mon atelier, d’Adrien Hébert, acquis en 2014 par le MBAM

  • Jacques Des Rochers montre la note manuscrite située derrière le tableau L’entrée de mon atelier.

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    Jacques Des Rochers montre la note manuscrite située derrière le tableau L’entrée de mon atelier.

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L’entrée de mon atelier, peint par Adrien Hébert, comprend à son endos une note de l’artiste indiquant, au crayon de graphite : « L’entrée de mon atelier vous êtes les bien venues (sic) Amicalement Adrien Hébert ». « C’est une note avec un côté très intime, dit Jacques Des Rochers. Adrien Hébert recevait beaucoup de monde dans son atelier qui n’était pas très loin de celui de son père, le sculpteur Louis-Philippe Hébert. » Ce tableau est d’autant plus intéressant que la vue de l’atelier d’Adrien Hébert permet d’y reconnaître, en haut à gauche, Le débit de tabac Hyman, un tableau qui appartient également au MBAM, et un autre (en bas à droite), Port de Montréal, de 1927, qui se trouve dans la collection du Musée d’art de Joliette.