Les peintres ont, de tout temps, joué avec le support de leur art. Quand un portrait ne leur plaît pas, ils le recouvrent en peignant autre chose. On l’a vu avec la peinture d’Edgar Degas Portrait de femme, de la National Gallery of Victoria, à Melbourne, en Australie. Une femme en cachant une autre, sous la peinture.

Les artistes, et leurs représentants (galeristes, marchands d’art), ont aussi souvent ajouté des éléments aux œuvres. Des numéros, signatures, sceaux, étiquettes ou notes qui apportent des éclairages sur l’œuvre et sur l’artiste.

Par exemple, bien des envers de tableaux ont des flèches pour indiquer le sens de leur présentation ou des indications spéciales. Comme les fameux triangles rouges au dos de peintures néerlandaises qui signifiaient leur importance historique et donc à protéger en priorité en cas de danger.

L’envers d’un tableau est souvent crucial lors de son évaluation. Les informations qu’il contient peuvent permettre de confirmer la provenance de l’œuvre, de connaître son parcours, les noms de ses propriétaires successifs. De découvrir aussi des tampons de marchands qui l’ont possédée ou des inscriptions à la craie qui correspondent à des numéros de lots d’encan.

Les musées et galeries sont donc attentifs à ce qui accompagne (parfois discrètement) l’œuvre d’art. Quand le MBAM accueille une peinture dans sa collection, l’équipe de restauration et le conservateur qui l’a choisie évaluent sa condition pour connaître les éventuels besoins de réparation.

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Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du MBAM, en compagnie de Richard Gagnier, chef du Service de la restauration des œuvres d’arts au musée

« Pour les tableaux anciens, on les examine sous ultra-violets et infrarouge pour déterminer, par exemple, s’il y a eu des retouches, dit Richard Gagnier, responsable du Service de restauration des œuvres d’art au MBAM. C’est une analyse technique de l’œuvre et de sa condition. » « Car le rapport qu’on reçoit du marchand d’art n’est parfois pas complet, ajoute Mary-Dailey Desmarais, conservatrice en chef du musée. Il est souvent trop général. »

Une fois l’inspection faite, on prend acte de tout ce qui se trouve derrière le tableau ou sur le cadre. « Pour certaines œuvres, on peut voir les étampes des expositions où elles ont été montrées », dit Stéphane Aquin. Le directeur général du MBAM ajoute que l’artiste italienne Rosalba Carriera cachait même des santini (petites estampes religieuses) dans le cadre de ses peintures.

Lisez l’article du Royal Collection Trust (en anglais)

Recto-verso

Parfois, on découvre que le tableau est double ! Comme dans le cas d’une toile du MBAM peinte par l’artiste canadienne Henrietta Mabel May (Westmount, 1884-Vancouver, 1971). Côté pile, il y a Vue depuis la fenêtre de mon atelier, rue University, et côté face, Paysage d’hiver, une esquisse sur laquelle une étiquette identifiant l’œuvre a permis de savoir que les deux huiles sur bois ont été peintes en 1928.

  • Vue depuis la fenêtre de mon atelier, d’Henrietta Mabel May

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    Vue depuis la fenêtre de mon atelier, d’Henrietta Mabel May

  • Paysage d’hiver, d’Henrietta Mabel May

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    Paysage d’hiver, d’Henrietta Mabel May

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Le cas d’un recto-verso a aussi été constaté avec le petit portrait de Maria Soetens peint sur cuivre vers 1670 par l’artiste néerlandais Caspar Netscher. Le verso montre les armoiries de la famille Soetens.

  • Recto de Portrait de Maria Soetens, de Caspar Netscher

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    Recto de Portrait de Maria Soetens, de Caspar Netscher

  • Verso de Portrait de Maria Soetens, un don de Sari et Norbert Hornstein en l’honneur de leurs parents, les collectionneurs et mécènes Michal et Renata Hornstein

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    Verso de Portrait de Maria Soetens, un don de Sari et Norbert Hornstein en l’honneur de leurs parents, les collectionneurs et mécènes Michal et Renata Hornstein

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Les éléments qu’on peut trouver au dos des toiles ajoutent-ils de la valeur à l’œuvre ? « Parfois, dit Mary-Dailey Desmarais. Si on trouve une lettre d’amour ou autre chose qui ajoute à l’histoire de l’œuvre, ça l’enrichit. » « S’il y a une indication que l’œuvre a appartenu à une grande collection, sans que cela lui donne une valeur de marché augmentée, ça ajoute une plus-value », dit Richard Gagnier.

Mais le plus souvent, ce sont des indices sur la provenance de l’œuvre. Comme la qualité du bois d’encadrement. « Pour les tableaux européens anciens, si c’est du peuplier, on saura que ça vient plutôt du sud de l’Europe, comme de l’Italie, alors qu’au nord, on travaillait plus avec du chêne », dit Richard Gagnier. Par ailleurs, la façon dont le châssis qui tend la toile a été réalisé permet une datation de l’œuvre, à moins qu’elle ait été réencadrée.

Les œuvres d’art contemporaines peuvent avoir, elles aussi, des envers intéressants. Des descriptions au dos d’une œuvre visent parfois à expliquer comment la placer, comme La Presse l’a constaté récemment. Au dos d’un élément de l’installation Ensemble # 6, de Claude Tousignant, exposée (jusqu’au 13 août) à la Maison de la culture Marie-Uguay, on voit le plan de disposition des éléments de l’œuvre.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Dos d’une peinture faisant partie de l’installation Ensemble # 6, de Claude Tousignant, avec le plan de l’installation.

Certains artistes décrivent parfois, au dos de leurs créations, les matériaux utilisés pour réaliser l’œuvre. Ces détails facilitent la tâche des restaurateurs quand vient le temps de faire des retouches.