Le Centre PHI présente cinq nouvelles expériences en réalité virtuelle cet été. L’œuvre monumentale de Marco Brambilla, Heaven’s Gate, y est à l’honneur, ainsi qu’une fiction et trois documentaires sur des problématiques allant de la schizophrénie à la perte d’une langue en passant par un camp de rééducation en Chine.

Heaven’s Gate, de Marco Brambilla, est une exploration des sept étapes du purgatoire de Dante. Le vidéaste, né en Italie et qui a grandi au Canada, utilise des images de la culture pop et de films hollywoodiens pour créer une œuvre baroque luxuriante remettant en question l’hyperactivité du monde moderne obsédé par les images et la surconsommation.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Heaven’s Gate se veut une exploration des sept étapes du purgatoire de Dante.

Dans cet univers immersif, le spectateur lévite vers le haut dans un espace circulaire où des milliers d’images défilent en interagissant les unes avec les autres. On y reconnaît des scènes de plusieurs films en plus de voir une photo de Donald Trump opposée à celle d’Abraham Lincoln. Heaven’s Gate se veut une sorte de miroir déformant de la culture américaine. L’effet est renversant.

« Je l’ai voulu ainsi », résume Marco Brambilla en entrevue téléphonique de Paris.

Nous vivons dans un monde où l’imagerie nous enveloppe chaque jour et nous inonde d’informations. Je voulais que l’on puisse vivre une sorte d’ascension dans le chaos. C’est contradictoire parce que ça devient de plus en plus chaotique, même si l’on se sent de plus en plus éveillé.

Marco Brambilla

Le vidéaste travaille actuellement à l’arrière-plan visuel de l’opéra La flûte enchantée de Mozart qui partira en tournée européenne. En 2020, il a collaboré avec Marina Abramovic sur son opéra Les sept morts de Maria Callas. Ses œuvres numériques ont été exposées partout dans le monde depuis une vingtaine d’années.

Film mythique

Heaven’s Gate se réfère au film du même nom de Michael Cimino qui a causé la faillite du studio United Artists en 1980. La réalité virtuelle se nourrit de films hollywoodiens et de culture pop qui s’entrechoquent.

« La culture pop a tout cannibalisé, elle est insatiable. C’est ce qu’on voit sur l’internet et les réseaux sociaux, comme si les gens voulaient toujours plus de photos et d’images. C’est presque infini. La dernière étape du purgatoire s’appelle L’apocalypse, un espace où l’on peut ressentir l’euphorie et le désastre en même temps. »

De cette création se dégagent des effluves de satire et de célébration d’un monde séduisant, certes, quoique délétère. Marco Brambilla connaît bien Hollywood. Il y avait réalisé deux longs métrages — Demolition Man et Excess Baggage — avant de se consacrer uniquement à la vidéo dès 1999.

« Les images des films d’aujourd’hui sont presque interchangeables les unes avec les autres. Il s’en dégage un sentiment de vide. C’est un spectacle continu avec toutes ces suites et ces films de superhéros. On a évacué les émotions pour ne s’attaquer qu’au viscéral », dit-il.

J’ai assemblé une imagerie disparate pour créer une sorte de flux de conscience. Il faut se poser la question de savoir si le monde est meilleur avec cette hyperconsommation d’images qui nous inondent.

Marco Brambilla

Le public aura avantage à voir et revoir la réalité virtuelle, d’une durée d’un peu plus de cinq minutes, qui se prolonge dans une autre salle avec la projection d’un triptyque vidéo permettant d’absorber toutes les subtilités de cette œuvre d’une rare densité picturale.

Horizons VR (Virtual Reality)

Dans un espace adjacent, le Centre PHI présente également quatre autres expériences de réalité virtuelle réalisées en 2021. Elles sont disposées dans autant de salles dont la scénographie est à couper le souffle.

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Horizons VR propose une sélection d’œuvres en réalité virtuelle (RV) primées.

Goliath : Playing With Reality est un documentaire édifiant qui relate la vie difficile d’un schizophrène et son retour en société après des années en institution. L’expérience immersive et interactive narrée par l’actrice Tilda Swinton permet au spectateur d’entrer dans la tête de l’homme et de le voir se réhabiliter grâce aux jeux vidéo en ligne et au contact de nouveaux amis tout aussi gamers que lui.

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La scénographie des œuvres en réalité virtuelle est à couper le souffle.

Reeducated, à l’inverse, fait entendre les témoignages de trois Ouïghours qui ont subi ensemble des expériences traumatisantes dans un camp de rééducation chinois. Ce documentaire animé fort instructif décrit les conditions inhumaines des rééduqués, se rapprochant davantage de la vie en prison que de celle d’un centre de villégiature. Ces hommes vivent toujours avec des séquelles de leur emprisonnement, constate-t-on à la fin.

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Les expositions de réalité virtuelle sont présentées au Centre PHI jusqu’au 24 octobre prochain.

Kusunda donne la parole à un chaman népalais qui a oublié sa langue maternelle indigène, le kusunda, qui n’est reliée à aucune autre dans le monde. Le vieillard la réapprend peu à peu avec l’aide de sa petite-fille. Cette jeune femme courageuse a choisi de consacrer sa vie à faire revivre cette langue et cette culture en voie d’extinction.

Marco & Polo Go Round est la seule œuvre de fiction présentée cette année. Il s’agit de la première production en réalité virtuelle de la maison québécoise Item 7. Cette animation immersive se déroule dans la cuisine d’un couple, avec les voix d’Emmanuel Schwartz et de Léane Labrèche-Dor, dont le monde chavire littéralement sous nos yeux. Les images empruntent un style surréaliste et amusant.

Les expositions de Marco Brambilla et de Horizons VR sont présentées au Centre PHI jusqu’au 24 octobre 2022.