Inviter des collègues artistes du Mile-Ex et de la Petite Italie, c’est ce qu’ont fait Karen Trask et Paul Litherland dans leur espace Produit Rien où sont réunies, jusqu’au 10 avril, les œuvres de 52 artistes de leur voisinage, dont Rafael Lozano-Hemmer, Sophie Jodoin, Dominique Pétrin et Denis Farley, mais aussi d’une artiste de sept ans et demi ! Une expo sans prétention dans un but de rencontres amicales.
Produit Rien est un espace d’art contemporain de 575 pi2 situé dans l’édifice que les artistes Paul Litherland et Karen Trask ont acquis en 2019. La taille d’un grand salon pour organiser des expos au rythme d’une par mois. « On loue aussi parfois cet espace pour rentabiliser nos ateliers situés en arrière », dit Paul Litherland.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE
Produit Rien, au 6909, rue Marconi, dans le Mile-Ex
L’édifice ne paie pas de mine. Sa façade en briques blanches ressemble à celle d’un vieil entrepôt. En fait, il s’agit d’une ancienne fabrique, Produit Oriental. Le temps a effacé quelques lettres de l’enseigne d’où l’appellation de l’endroit… Produit Rien ! « Quand on a acheté, le 28 mars 2019, on a dû nettoyer en profondeur, car c’était une fabrique de tofu depuis 40 ans ! dit Paul Litherland, photographe et documentariste. Il a fallu faire beaucoup de lavage ! »

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Paul Litherland et Karen Trask
Les deux artistes ont terminé leur restauration mi-janvier 2020 et ont commencé à exposer il y a pile deux ans. Produit Rien n’est pas une galerie commerciale. « On a créé l’espace dans un esprit de contribution », dit Paul Litherland. Se voisiner est leur troisième expo de l’année. Et le premier vernissage physique depuis deux ans.
C’est Karen qui a eu l’idée de faire connaître les artistes du quartier. On a rejoint Lynn Hughes et Francine Lalonde pour organiser l’exposition et, à partir de là, on a contacté des artistes habitant près d’ici. On en a trouvé 52 ! Le fait de mieux connaître ses voisins est une richesse.
Paul Litherland
Flopée d’artistes du voisinage
Quelque 120 personnes sont venues dans la petite salle, le jour du vernissage. La plupart étaient les artistes, leurs familles et amis. L’évènement avait un parfum communautaire très sympathique. Les lieux avaient été aérés et les visiteurs portaient un couvre-visage.

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Vernissage de l’exposition Se voisiner
Devant l’édifice, une installation verdoyante a été placée par Kim Sawchuk, professeure et artiste de Concordia : des fleurs en plastique aux couleurs de l’Ukraine mises dans de grandes bottes de pluie. Un clin d’œil au peuple ukrainien. À l’intérieur, on se croirait chez Gertrude Stein, au début du XXe siècle, avec ses toiles d’art moderne qui tapissaient les murs, du sol au plafond, de son appartement parisien.
Paul Litherland et Karen Trask ont ainsi recouvert les quatre murs de l’espace avec la cinquantaine d’œuvres. Pour chaque mur, un plan permet de savoir qui a créé quoi. Dans l’entrée, on découvre une vidéo d’Alain Thibault, le fondateur d’Elektra, le festival d’art numérique de Montréal. Fukushima mon amour évoque le drame nucléaire survenu au Japon en 2011, le film Hiroshima mon amour, écrit par Marguerite Duras et réalisé par Alain Resnais en 1959, et l’installation Untitled (Human Mask), de l’artiste français Pierre Huyghe. Un mélange de références et deux personnages identifiés par leur voix. Une voix féminine qui commente la situation et une autre qui correspond à la voix intérieure de l’artiste. La vidéo de 8 min est la première scène d’une œuvre en développement.
Chris Salter et Alex Saunier présentent aussi une vidéo, Forms of the Living, notamment sur la pandémie et nos relations « humaines ». Tout près, une œuvre « classique » de Dominique Pétrin, You know that we know that we know, typique de son travail de papier peint. Et Timepiece, de Leigh Kotsilidis, un panneau de 369 petites horloges en déphasage.
Les organisateurs ont placé sur un socle un livre de photographies captivant sur le thème de la fête, de Jean-François Prost. On trouve aussi deux Structures anthropomorphiques, de Francine Lalonde, L’équilibriste du recyclage, de Michel Harvey, une colonne de bouteilles recyclées qui forme un personnage. La peinture Holding on no 7, d’Élaine Despins, deux belles mains d’une personne âgée. Quatre photos de Guillaume Brisson-Darveau, Crisis : vêtements pour un futur incertain. Avec un personnage portant des « vêtements » futuristes. Entre fleur, bestiole et explosion !

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Vue de l’exposition avec la peinture Holding on no 7, d’Élaine Despins
Des œuvres qui se démarquent
On a bien aimé le dessin au graphite Gare de triage, de Peter Krausz. Ainsi que la peinture en forme d’hommage à l’Ukraine, Lagimodiere by car in January/Slava Ukraina, de Kim Sawchuk. Et la contribution de Léo (Éléonore) Amyot, une artiste de sept ans et demi qui a réalisé son dessin « dans le cadre d’une recherche sur les animaux abandonnés et errants ».
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PHOTO PAUL LITHERLAND
Boot Tray Redux, œuvre de… Paul Litherland
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Parallel Network 2, 2016, Denis Farley, impression jet d’encre
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L’œuvre de Léo Amyot
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Gare de triage, de Peter Krausz
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Hair, de Sophie Jodoin
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Tree of Knowledge, de Karen Trask
Parmi les œuvres marquantes, citons un magnifique dessin au crayon, Hair, de la toujours aussi talentueuse et délicate Sophie Jodoin. On croirait réellement voir des cheveux. Il y a aussi deux photographies éloquentes de Denis Farley, de sa série Parallel Network 1 et 2. Ses fameuses antennes de télécommunication qui enlaidissent l’environnement. Et puis Au, une petite œuvre sculpturale de Rafael Lozano-Hemmer fort intéressante. On se demande bien ce qu’est cette forme métallique posée sur un socle. En fait, comme Rafael est le roi de la matérialisation de l’invisible, cette forme de nuage est une impression 3D, en métal, de la modélisation de l’air que l’on déplace quand on dit le mot « Au » dans « Au clair de la lune ».

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Au, de Rafael Lozano-Hemmer
À noter qu’il ne reste que quelques jours pour aller voir l’exposition Se voisiner. L’espace est ouvert du jeudi au dimanche, de 13 h à 17 h, au 6909, rue Marconi, non loin du marché Jean-Talon.