Le fondateur de Lune rouge et cofondateur du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, a décidé de se départir de sa collection d’art africain. Une soixantaine de ses œuvres seront vendues chez Christie’s New York le 11 mai prochain. Une vente qui aura lieu en pleine effervescence du monde de l’art new-yorkais.

Se séparer d’œuvres acquises pendant un quart de siècle est une étape que le collectionneur franchit toujours avec émotion. Mais Guy Laliberté s’est fait à l’idée de se départir d’une grande partie de ses œuvres africaines. « J’ai eu le plaisir de les apprécier, explique-t-il par courriel. Elles m’ont accompagné dans une partie de mon aventure. La vie est en constante évolution et je vis très bien avec les changements d’environnement. »

Sa collection africaine a été élaborée depuis 26 ans sous la supervision du commissaire Jacques Germain, spécialiste de l’art d’Afrique noire. « Guy a toujours été attiré par l’Afrique, dit M. Germain, qui prépare la vente avec Christie’s. Il a toujours voulu des objets d’art ancien, classiques et beaux. »

Cette collection est de qualité internationale, avec une grande variété d’objets et de cultures représentés. Parmi les sculptures, sièges, reliquaires et masques, beaucoup ont des affinités avec l’art du cirque. Ces objets ont été sculptés pour marquer des évènements communautaires et non dans un but mercantile. « Bien des manifestations traditionnelles africaines ont rappelé à Guy le monde du cirque, telles que les danses ou les apparitions masquées », dit Jacques Germain.

PHOTO FOURNIE PAR JACQUES GERMAIN

Intérieur de la résidence montréalaise de Guy Laliberté avec quelques œuvres d’art africain

Guy Laliberté conservera toutefois quelques œuvres. « Je suis plus attaché émotivement à certaines œuvres qui me parlent davantage que d’autres, sur le plan historique ou émotif notamment, écrit-il. Je suis un collectionneur et c’est pourquoi je souhaite conserver un équilibre dans mon corpus. »

Provenance variée

La provenance des œuvres mises à l’encan est variée : Gabon, Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Nigeria, Cameroun, Congo ou encore Madagascar. Elles ont parfois été exposées dans des musées ou fait l’objet de publications. Alors qu’on parle de plus en plus de restitutions d’œuvres africaines spoliées par des États au passé colonial, Jacques Germain précise que ces œuvres – de la fin du XIXe et du début du XXsiècle – sont « inattaquables ».

Nous avons veillé, Christie’s et moi-même, à ce que tout soit parfaitement irréprochable en matière de qualité et de provenance.

Guy Laliberté

Les objets proviennent des foyers stylistiques africains les plus fructueux de l’époque (c’est-à-dire des régions reconnues pour la qualité de l’art africain). Ils ont tous un pedigree, ayant appartenu à de grands collectionneurs. « En Afrique, il n’y a plus de tels objets, dit Jacques Germain. Pour les trouver, il a fallu que je me rattache à un marché de l’art déjà proactif en Europe et aux États-Unis, les salles de vente notamment. »

  • Siège Luba (détail), Afrique centrale. Hauteur : 49 cm. Provenance : collection Loed Van Bussel, Pays-Bas. Exposé à Maastricht, au European Fine Art Fair, en mars 2006.

    PHOTO VINCENT GIRIER-DUFOURNIER, FOURNIE PAR JACQUES GERMAIN

    Siège Luba (détail), Afrique centrale. Hauteur : 49 cm. Provenance : collection Loed Van Bussel, Pays-Bas. Exposé à Maastricht, au European Fine Art Fair, en mars 2006.

  • Peigne Yoruba. Hauteur : 24 cm. Provenance : Charles Ratton, Paris (1967). Exposé au Milwaukee Public Museum, en 1969.

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    Peigne Yoruba. Hauteur : 24 cm. Provenance : Charles Ratton, Paris (1967). Exposé au Milwaukee Public Museum, en 1969.

  • Masque « cracheur de feu » Sénoufo, Côte d’Ivoire. Longueur : 96 cm. Provenance : Pace Gallery, New York – Collection Lee Bronson, Los Angeles.

    PHOTO VINCENT GIRIER-DUFOURNIER, FOURNIE PAR JACQUES GERMAIN

    Masque « cracheur de feu » Sénoufo, Côte d’Ivoire. Longueur : 96 cm. Provenance : Pace Gallery, New York – Collection Lee Bronson, Los Angeles.

  • Figure Bamana, Afrique de l’Ouest. Hauteur : 42 cm. Provenance : collection Don Nelson, New York – James Willis Gallery, San Francisco.

    PHOTO VINCENT GIRIER-DUFOURNIER, FOURNIE PAR JACQUES GERMAIN

    Figure Bamana, Afrique de l’Ouest. Hauteur : 42 cm. Provenance : collection Don Nelson, New York – James Willis Gallery, San Francisco.

  • Reliquaire Kota. Hauteur : 66 cm. Provenance : collection Gaston de Havenon, New York. Exposé au Smithsonian Institute de Washington, en 1971.

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    Reliquaire Kota. Hauteur : 66 cm. Provenance : collection Gaston de Havenon, New York. Exposé au Smithsonian Institute de Washington, en 1971.

  • Masque Pounou, Gabon. Hauteur : 26 cm. Provenance : collection J.-C. Andrault (France). Exposé au Musée du quai Branly, en 2018.

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    Masque Pounou, Gabon. Hauteur : 26 cm. Provenance : collection J.-C. Andrault (France). Exposé au Musée du quai Branly, en 2018.

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Toutes les œuvres ne sont pas de même valeur. La vente sera un évènement « tous publics ». Les 60 lots sont estimés entre 3000 $ US pour les moins chers et 600 000 $ US pour les plus onéreux. Ils seront exposés en avant-première dès le 30 avril, avec d’autres œuvres vendues le 11 mai. La vente surviendra en pleine effervescence du monde de l’art à New York, avec Frieze, le salon TEFAF (The European Fine Art Fair) et l’ouverture, quelques jours plus tôt, de la Biennale du Whitney.

  • Deux œuvres d’art africain de Guy Laliberté présentées en avant-première chez Christie’s Paris, la semaine dernière

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    Deux œuvres d’art africain de Guy Laliberté présentées en avant-première chez Christie’s Paris, la semaine dernière

  • D’autres œuvres d’art africain de Guy Laliberté

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    D’autres œuvres d’art africain de Guy Laliberté

  • D’autres œuvres d’art africain de Guy Laliberté

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    D’autres œuvres d’art africain de Guy Laliberté

  • D’autres œuvres d’art africain de Guy Laliberté

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    D’autres œuvres d’art africain de Guy Laliberté

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« Tous les amateurs d’art, collectionneurs, marchands, vont converger vers New York, dit Jacques Germain. On sait que Guy Laliberté est un collectionneur d’art contemporain, alors organiser cette vente durant ce buzz, c’est très bon. En plus, Christie’s mettra en vente en mai le portrait de Marilyn Monroe par Andy Warhol, estimé à 200 millions et qui pourrait devenir l’œuvre la plus chère jamais vendue aux enchères. »

Un pied en Amérique

Pour Christie’s et son dirigeant français Guillaume Cerutti, la vente de la collection Laliberté est stratégique. Ce sera le premier encan sur le sol américain organisé par le département d’art d’Afrique et d’Océanie de Christie’s depuis plus de 20 ans. Car Paris est la plaque tournante des ventes aux enchères d’art premier. « L’art premier est de plus en plus convoité par les collectionneurs de peintures, dit Jacques Germain. Ils ont inspiré de grands peintres, tel Picasso. Pour un amateur de peinture cubiste ou d’objets surréalistes, détenir de belles pièces d’art premier est cohérent. »

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Le commissaire Jacques Germain, spécialiste de l’art de l’Afrique noire, près d’un masque Bété-Gouro, de la collection Filloux (Paris)

Guy Laliberté a souvent prêté ses œuvres africaines, notamment au Musée des beaux-arts de Montréal, en 2006 et en 2008, pour les expos Afrique sacrée et Afrique sacrée II. Aurait-il pu donner sa collection à un musée ? L’option a été explorée, dit M. Germain, mais écartée. « Je collabore avec des musées depuis des années, précise Guy Laliberté. Il n’est pas dit que je ne ferai pas [un jour] don d’une partie de ma collection, mais pour l’instant, je suis un collectionneur et ma collection fait partie du portfolio d’investissement de mon bureau de famille. »

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Ibis Sakalava, Madagascar. Hauteur : 91 cm. Provenance : collection Stefaan Grusenmeyer, Bruxelles, Exposé au Musée des beaux-arts de Montréal, en 2006.

Cela dit, offrir une collection de classe internationale nécessite une logistique complexe, ajoute Jacques Germain. « Pour le Musée des beaux-arts de Montréal, par exemple, cela aurait impliqué des investissements colossaux pour créer un espace pour cette collection, dit-il. Ça devenait compliqué. Il a donc décidé de la rendre disponible à d’autres collectionneurs. Mais dans une telle vente historique, des musées seront sur la ligne pour acheter ces œuvres dont les prix sont très attrayants. Les acheteurs viendront de partout sur la planète. Car l’art est devenu plus que jamais un actif précieux. »