Le musée McCord présente, dès vendredi et jusqu’au 21 août, l’artiste inuit Niap, qui a créé une œuvre perlée, Piqutiapiit, lors d’une résidence récente au musée montréalais. Une œuvre réalisée durant six mois en hommage à la force et à la délicatesse des femmes inuit.

Avec l’exposition Piqutiapiit, le musée McCord poursuit son élan en faveur des arts premiers. Dès l’ouverture de la conférence de presse, mardi matin, la présidente et directrice générale du musée, Suzanne Sauvage, a rappelé que l’institution de la rue Sherbrooke « reconnaît les conséquences désastreuses du colonialisme pour les premiers peuples et considère qu’il est de son devoir de contribuer à une meilleure connaissance des cultures autochtones et de soutenir leur vitalité ».

Dans le cadre de la huitième édition de son programme de résidences artistiques, le musée centenaire a choisi l’artiste originaire de Kuujjuaq pour s’inspirer de sa collection de 16 000 objets provenant des Premières Nations, des Métis et des Inuit. De son inspiration est née Piqutiapiit. Une œuvre et un titre d’exposition signifiant « chose précieuse » en inuktitut. Un hommage au travail créatif des femmes inuit, à commencer par sa grand-mère décédée, qui faisait beaucoup de perlage.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Détail de l’œuvre Piqutiapiit

Travail de longue haleine

Niap (Nancy Saunders) est une artiste multidisciplinaire connue pour ses dessins, œuvres murales, peintures, sculptures et chants de gorge. Mais elle ne s’était jamais risquée à créer une œuvre perlée. Et pour cause. Piqutiapiit a nécessité six mois de travail, dans son atelier montréalais, avec l’aide de sa cousine.

« Je pensais créer trois œuvres, peut-être six durant ma résidence, mais quand j’ai commencé le perlage, je me suis trouvée arrogante ! J’ai réalisé le temps que ça prenait aux femmes pour faire des vêtements. »

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Niap (Nancy Saunders)

C’est vraiment le projet le plus long que j’aie jamais fait. J’ai eu mal aux mains, à la peau, aux muscles. J’étais coupée partout ! C’était vraiment un gros défi.

Niap

L’œuvre Piqutiapiit est placée sur le mur grâce à une barre en bois. Pour la créer, l’artiste de 35 ans s’est inspirée d’un manteau de jeune fille typiquement inuit (un amauti). Un vêtement en fourrure de caribou, a-t-elle expliqué, qui prend beaucoup de temps à créer. « Il faut d’abord chasser l’animal, le dépecer, enlever les tendons et le gras, faire sécher la peau, l’étirer, la tanner, la mesurer pour faire un patron, la découper avec un ulu, a dit Niap. Après, vient le perlage, etc. »

  • Au centre, l’amauti de jeune fille de la collection du musée McCord, datant des années 1930

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Au centre, l’amauti de jeune fille de la collection du musée McCord, datant des années 1930

  • Détail de l’amauti de jeune fille

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    Détail de l’amauti de jeune fille

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Son œuvre est une association de couture et de perlage. Avec du feutre, du suède, du cuir finlandais, du coton, de la peau de caribou, de la fourrure, de l’ivoire, des perles (en verre, laiton, nacre et turquoise), des dents de bélugas, du chêne noir et des clous. Niap s’est souvenue des bandeaux que les femmes inuit portaient ainsi que leurs justaucorps perlés. Elle a associé des couleurs qui donnent une belle harmonie à cet ensemble de belles « petites choses », d’où le titre de l’œuvre.

Force et délicatesse

L’œuvre est représentative du talent des femmes inuit, de leurs habiletés, de leur force et de leur délicatesse. « Ma grand-mère représentait la féminité inuit, dit Niap. Elle était stricte, mais avec une douceur enveloppante. Capable de faire énormément de choses. Avec des mains qui avaient travaillé, mais étaient d’une douceur magique. Comme ma cousine qui a bâti sa cabane presque seule, avec sa fille. Elle coupe le bois. Elle va en ski-doo. »

C’est ça, une femme inuit. Faire beaucoup et être capable de douceur.

Niap

Jonathan Lainey, le conservateur, Cultures autochtones, au musée McCord, a collaboré avec Niap pour choisir les œuvres du musée qui accompagnent la création perlée. Des photographies et des objets reliés aux femmes inuit. Des étuis pour aiguilles en os de caribou, des dés à coudre, une lampe à huile en pierre à savon (qulliq), des ornements pour cheveux en ivoire, des ulus (tranchoirs) en os ou en métal et des photos de femmes et de jeunes filles inuit, aux visages à la fois forts, ouverts et doux.

  • Quelques objets inuit de la collection du musée McCord

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Quelques objets inuit de la collection du musée McCord

  • Quelques ulus de la collection McCord

    PHOTO FOURNIE PAR LE MUSÉE MCCORD

    Quelques ulus de la collection McCord

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Niap a conquis bien des musées et des collectionneurs privés avec ses œuvres. Mais elle demeure humble, ayant d’abord pour objectif de faire partager la culture et l’histoire inuit le plus largement possible. « Mon art est un cadeau de la vie, dit-elle. Parfois, je crée une œuvre, je la regarde et je fais wow ! Comment ai-je pu faire ça ? Souvent, je ne suis pas capable de la reproduire ! Alors, je me dis que j’ai fait quelque chose de plus grand que moi. »

Trois activités

En marge de l’exposition, le musée proposera trois activités parallèles. Un atelier de discussion intergénérationnel sur la féminité sera organisé dimanche prochain, de 13 h à 14 h. Le 7 avril, de 18 h à 19 h, la conférence Femmes artistes, femmes inuit permettra une discussion entre Niap, l’artiste du perlage Julie Grenier et la professeure de Concordia Heather Igloliorte. Enfin, le samedi 11 juin, deux ateliers d’initiation au perlage inuit seront proposés par Niap.

Consultez le site du musée McCord