L’artiste et créateur de mode Rad Hourani a vu son sentiment d’appartenance à la société québécoise ébranlé à la suite d’un évènement, en 2019, avec un policier de Longueuil. Après avoir porté plainte à la Commission des droits de la personne, il a monté une exposition découlant de l’épisode. Je suis d’ici est présentée dans sa galerie du Vieux-Montréal, jusqu’au 28 mai.

D’origines jordanienne, canadienne et syrienne, Rad Hourani est arrivé à Montréal à 16 ans. Même s’il est allé étudier à Paris et y a connu du succès, il est rentré à Montréal. « C’est ma ville. Le Québec, c’est chez moi », dit-il.

En novembre 2019, il a été intercepté par un policier du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) sur le boulevard Taschereau. Il arrivait de l’autoroute 20 et n’avait pas vu le panneau de limite de vitesse.

J’ai donné mon permis au policier. Il m’a dit que Taschereau est un boulevard, pas une autoroute, et que la vitesse, c’est 70, pas 108. Je lui ai dit que je n’avais pas vu le panneau et que ça ne méritait peut-être pas une contravention. Là, il m’a dit : “Ça marche pas comme ça icitte.”

Rad Hourani

Rad Hourani n’a pas réagi sur le coup à la phrase du policier. « Je sentais que quelque chose n’était pas correct, dit-il. Pendant qu’il me parlait, je me suis dit : “Oh my god, il vient de me dire que je ne suis pas d’ici.” [...] J’ai pris le ticket et je suis parti. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Véranda, 2018, Noémie Weinstein, sérigraphie et gouache sur papier, 23 cm x 30 cm

Rad Hourani a formulé une plainte au service de police puis a rencontré le policier lors d’une séance de conciliation. « Il a déclaré qu’il n’avait pas de souvenir d’avoir dit ça. “Mais peut-être que je vous ai dit ça, vous êtes d’une autre origine ?” Finalement, ce qu’il ajoutait était pire. Je lui ai dit qu’il m’avait fait sentir que je n’étais pas chez moi ici, alors que je fais rayonner le Québec ailleurs dans le monde, et que je suis fier de vivre et de produire ici. »

Rad Hourani a finalement choisi de porter plainte à la Commission des droits de la personne. La Ville de Longueuil, dont relève le service de police, nous a confirmé le dépôt de la plainte, mais n’a pas voulu se prononcer sur le fond de l’histoire. « La Ville de Longueuil ne tolère pas les propos discriminatoires de la part de ses employés, a toutefois indiqué Chantal Legault, du Service des affaires publiques de la Ville. Le SPAL travaille à établir des liens avec la communauté et ses partenaires, afin d’amener les policiers à mieux connaître et comprendre la population qu’ils desservent. »

Une expo pour faire réfléchir

En attendant que sa plainte soit traitée, Rad Hourani a réagi à l’évènement en organisant une expo dans sa galerie du 231, rue Saint-Paul Ouest. « Avec 15 artistes qui ont accepté de raconter une expérience qui a fait qu’ils ne se sentaient pas chez eux », dit-il.

  • Une installation olfactive de Dana El Masri

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Une installation olfactive de Dana El Masri

  • No apology, 2020, Aysha White, technique mixte sur toile, 3D, collage papier, objets trouvés, 20 cm x 20 cm x 2 cm

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    No apology, 2020, Aysha White, technique mixte sur toile, 3D, collage papier, objets trouvés, 20 cm x 20 cm x 2 cm

  • Skinny Dipping, 2019, Noémie Weinstein, peinture à l’huile sur toile, 137 cm x 147 cm x 3 cm

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Skinny Dipping, 2019, Noémie Weinstein, peinture à l’huile sur toile, 137 cm x 147 cm x 3 cm

  • Deux photographies de l’artiste Tyra Maria Trono

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Deux photographies de l’artiste Tyra Maria Trono

  • Leaky Pants, 2018, Diyar Mayil, PVC, caoutchouc, acier, 85 cm x 180 cm x 62 cm

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Leaky Pants, 2018, Diyar Mayil, PVC, caoutchouc, acier, 85 cm x 180 cm x 62 cm

  • Œuvre 03 de la série Le ratel dans la tour de Babel, 2018, Aïda Vosoughi, acrylique sur toile, 64 cm x 73 cm

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Œuvre 03 de la série Le ratel dans la tour de Babel, 2018, Aïda Vosoughi, acrylique sur toile, 64 cm x 73 cm

  • Grotto 2nd Ed, 2020, Joliz Dela Peña, cyanotype et crayons de couleur, 28 cm x 23 cm x 3 cm

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Grotto 2nd Ed, 2020, Joliz Dela Peña, cyanotype et crayons de couleur, 28 cm x 23 cm x 3 cm

  • Logos, 2020, Bahar Taheri, peinture acrylique sur panneau de bois dans une boîte de plexi et miroir, 60 cm x 35 cm x 26 cm

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Logos, 2020, Bahar Taheri, peinture acrylique sur panneau de bois dans une boîte de plexi et miroir, 60 cm x 35 cm x 26 cm

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La Montréalaise Jessica Wee, par exemple. D’origine coréenne, elle a vécu en France, en Italie, aux États-Unis et au Canada. « Les gens lui parlent tout le temps en anglais parce qu’elle est asiatique, alors qu’elle est francophone, dit Rad Hourani. Et on pense qu’elle est chinoise parce qu’elle habite proche du Quartier chinois... »

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Praesagium, 2021, Jessica Wee, peinture à l’huile sur toile, 60,96 cm x 60,96 cm x 6,5 cm

Rad Hourani est connu ici et à l’étranger comme créateur de mode. Mais son exercice du commissariat, d’artiste multidisciplinaire et de galeriste prend et prendra plus d’ampleur dans sa vie, dit-il à La Presse.

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Self-portrait 1, 2013, Vania Djelani, acrylique sur toile, 101,3 cm x 76,2 cm x 2 cm

« C’est ma façon d’exprimer la neutralité et d’aborder des sujets comme la féminité, le genre, l’identité. J’avais envie d’ouvrir un dialogue avec plus d’artistes. Pour réunir et atténuer les divisions. Cette exposition n’est pas une réponse au policier. C’est une réflexion sur la société dans laquelle on vit », indique Rad Hourani.

Consultez Le site de Rad Hourani (en anglais)