Ancrée au bord du mont Royal, la galerie Projet Pangée présente les solos rafraîchissants de deux jeunes artistes canadiens installés à Montréal : Trevor Baird, avec des créations originales en céramique, et Alexa Hawksworth, dont la peinture figurative est étonnante. Deux artistes dont on avait découvert le travail il y a pile un an.

Trevor Baird

Nous avions vu les vases de Trevor Baird pour la première fois il y a un an au Musée d’art contemporain de Montréal, lors de l’expo collective La machine qui enseignait des airs aux oiseaux. Nous avions bien aimé ses céramiques illustrées de symboles et de mini bandes dessinées, créées dans une argile travaillée à plat, puis pliée. Un travail énorme, avec bien des étapes avant de parvenir à cette installation impressionnante.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

L’installation de Trevor Baird au MAC l’an dernier

L’artiste originaire de Vancouver est venu à Montréal en 2013 pour étudier la céramique à Concordia. Un médium que sa grand-mère lui a fait connaître durant son enfance. Il est devenu depuis un artiste fort apprécié des collectionneurs. Remarqué en 2018 par le New York Times qui avait relevé la qualité de ses œuvres lors d’une expo collective – Clay Today, à la galerie The Hole, de Kathy Grayson, à New York –, il avait tout vendu. « Mais ce n’était pas cher », dit-il.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Exemple des dessins de Trevor Baird sur céramique

Trevor Baird, qui a également exposé à Arsenal Toronto en 2019, présente maintenant Cold Hard Excellent Fish à Projet Pangée. Sa production 2021 comprend trois lampes, Mayonnaise, Reanimator et With the Rubbish Comes the Rats, constituées de vases empilés. Des sculptures de porcelaine, argile, grès émaillé cendré et béton, originales et gracieuses. Avec des bribes de narration imprimées, inspirées du quotidien et qu’il peint sur l’argile avant de réaliser le vase. « Une entreprise risquée, dit-il. Tu peux passer une semaine à peindre sur l’argile et ça peut ne pas aboutir pour autant. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Trevor Baird devant ses lampes Reanimator, With the Rubbish Comes the Rats et Mayonnaise

Inspiré par le travail de la céramiste américaine Betty Woodman, Trevor Baird a aussi réalisé une petite sculpture en grès, They Clean Disfigureth Their Faces, avec des photos apposées sur une face par un procédé de décalcomanie. Ainsi qu’une série de sculptures qu’il a eu bien du plaisir à modeler cette année. Des sculptures aux silhouettes étranges créées avec différents types d’argile.

Œuvres de Trevor Baird
  • They Clean Disfigureth Their Faces, 2021, grès émaillé, décalcomanies, 12,5 po sur 24 po sur 2,2 po

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    They Clean Disfigureth Their Faces, 2021, grès émaillé, décalcomanies, 12,5 po sur 24 po sur 2,2 po

  • Quelques petites sculptures en argile

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Quelques petites sculptures en argile

  • The Idiot, 2021, grès émaillé, 13 cm sur 10 cm sur 10 cm

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    The Idiot, 2021, grès émaillé, 13 cm sur 10 cm sur 10 cm

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Représenté depuis deux ans par Projet Pangée, Trevor Baird adore sa vie à Montréal. Il aime la scène musicale montréalaise (il vient de s’offrir une guitare basse). « Montréal est une ville intéressante, dit-il. Pour la culture, mais aussi c’est très amical, très musical. Il y a plein d’espaces pour se promener et pour travailler. Je ne pense pas que je pourrais me permettre d’être un artiste ailleurs. » Après ce nouveau corpus, l’artiste de 31 ans va créer d’autres structures constituées de porcelaines décorées. Mais pas des lampes. Il ne veut pas se répéter et veut continuer à améliorer sa pratique. « J’ai encore beaucoup à apprendre », dit-il.

Alexa Hawksworth

On avait découvert Alexa Hawksworth à la galerie de Projet Casa, en décembre 2020, dans le cadre de l’expo Écho boomers. Nous avions écrit : « Alexa Hawksworth s’inspire de ses rêves et réalise des œuvres expressives comme Lying. D’autres semblent émaner de souvenirs de films d’horreur, telles que Sally in Third. Ou affichent un angle féministe comme First Person qui nous branche sur la popularité des jeux vidéo violents chez les garçons. »

Autant dire que cette description est toujours valable pour l’artiste installée à Montréal depuis 2015 et diplômée de Concordia. La pandémie a eu des effets bénéfiques pour elle. Le confinement et les restrictions l’ont beaucoup inspirée. Comme on peut le voir dans Eclipse, une évocation de notre besoin de solidarité et d’affection en ces temps de crise. Avec ces bras enserrant un personnage noyé dans la lumière de l’étreinte.

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Eclipse, 2021, Alexa Hawksworth, huile sur toile, 102 cm sur 102 cm

Dessinatrice depuis l’enfance, illustratrice de temps à autre et inspirée par John Currin, Alexa Hawksworth a beaucoup de talent et d’idées. Ses toiles sont des portes ouvertes à la réflexion. Des narrations complexes que l’on prend plaisir à détecter ou à élaborer soi-même. Des peintures parfois effrayantes, parfois surprenantes, toujours étranges. « Le cinéma et la psyché m’inspirent, mais ces histoires picturales émergent la plupart du temps de façon naturelle, dit-elle. Je suis peut-être une personne névrotique ! J’aime que les gens distinguent les tensions dans mon travail. La façon dont j’interprète les choses. »

Alexa Hawksworth aime toutefois équilibrer les sensations dans ses tableaux. Pour ne pas en faire des œuvres qui rebutent au premier regard. Dans Stroke – notre œuvre préférée –, elle a équilibré l’expression de liberté et de volonté de plaire chez ces trois jeunes filles, avec deux autres personnages (dont un dans l’ombre) qui semblent lancer une sorte d’avertissement. L’expérience s’adressant à l’insouciance.

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Stroke, 2021, Alexa Hawksworth, huile sur lin, 91,4 cm sur 122 cm

Pour les toiles Interior, Night I et Interior, Night II, elle a placé, là encore en opposition, une sorte d’expression artistique sereine (la musique dans l’une, la lecture dans l’autre) en contraste avec des personnages présents pour distraire, voire menacer la quiétude du musicien ou de la lectrice. Une allusion notamment aux réseaux sociaux quand ils véhiculent le paraître, l’acrimonie et le superficiel.

« Nous devons développer notre unicité, dit-elle. Dans ces deux toiles, les personnages sont conscients du contexte dans lequel ils se trouvent. En même temps, ils sont capables de s’en évader tout en demeurant dans leur lumière intérieure. »

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Interior, Night II, 2021, huile sur toile, pastel gras sur panneaux et cadres en pin, 124,5 cm sur 94 cm

L’artiste d’origine ontarienne vient d’être invitée à exposer en solo, elle aussi à New York, en juin prochain. « Une nouvelle galerie, Theta, m’a contactée après avoir vu mes œuvres sur Instagram, dit-elle. Ils ont ensuite visité mon studio avec Zoom. Et ils m’ont offert l’exposition ! »

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Eggbeater, 2021, huile sur toile, 137 cm sur 122 cm

Alexa Hawksworth a le même réflexe que Trevor Baird. Elle se réjouit de voir que sa carrière artistique prend une belle tournure à l’âge de 27 ans. Mais elle considère qu’elle a encore à apprendre. « Sur le plan technique, notamment, dit-elle. J’aime la complexité dans la création, mais je veux en même temps qu’on puisse l’apprécier avec clarté. »

Alexa Hawksworth et Trevor Baird jusqu’au 18 décembre à la galerie Projet Pangée, au 1305, avenue des Pins Ouest, Montréal

Consultez le site de Projet Pangée