La pandémie nous a tous changés, d’une manière ou d’une autre. L’artiste montréalaise Andréanne Abbondanza-Bergeron n’y a pas échappé. Nous l’avons rencontrée dans son atelier de Saint-Henri et à la galerie FOFA de Concordia où elle expose entre autres, jusqu’à vendredi prochain, son impressionnante installation Lacuna, née de ses états d’esprit durant le confinement.

Lacuna

  • Lacuna, de face

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Lacuna, de face

  • Lacuna, ici vue de côté, mesure 7 m x 7 m x 5,5 m.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Lacuna, ici vue de côté, mesure 7 m x 7 m x 5,5 m.

  • Un petit refuge sous l’installation

    PHOTO MIKE PATTEN, FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Un petit refuge sous l’installation

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D’un petit atelier peut surgir une installation monumentale. C’est le cas de Lacuna, présentée par Andréanne Abbondanza-Bergeron à la galerie FOFA, dans le cadre de Lacuna-Lacune. Les mots « lacuna » et « lacune » renvoient au manque et à l’absence que la pandémie a provoqués. De face, l’œuvre est monstrueuse. Des vagues noires menaçantes prêtes à vous engloutir, à vous infecter. Sur le côté, une ouverture. On s’y glisse pour découvrir un refuge. « Ce que j’imaginais pendant la pandémie, c’est ça, cette pression, ce déferlement, dit-elle. En même temps, l’effet enveloppant que j’ai constaté lors de l’installation m’a surprise. »

Les autres œuvres de l’expo sont en vitrine, à l’extérieur de la galerie. Un travail photographique né d’une quête d’apaisement. « Pendant la pandémie, je marchais dans la nature et ce que je finissais par voir, je l’ai pris en photo », dit l’artiste. Sa promenade était marquée par des « ruptures esthétiques ». Des cordes marines abandonnées dans une forêt, des pneus flottant sur le lac Saint-Louis ou des morceaux de vitre d’auto en plein bois. Un constat à la Edward Burtynsky. Sur nos déviances environnementales. Sur ce qui tache notre regard quand on tombe sur des déchets en pleine nature.

PHOTO MIKE PATTEN, FOURNIE PAR L’ARTISTE

Un petit refuge sous l’installation

L’atelier

Andréanne Abbondanza-Bergeron a encore des cicatrices sur les bras à force d’avoir manipulé ces lanières d’acier satiné qu’on appelle du feuillard et qui servent d’ordinaire à ceinturer des produits sur des palettes. Avec ses deux assistants, elle a mis deux semaines et demie à fixer et à suspendre, au moyen de 880 fils, les quelque 750 lb de métal de Lacuna. L’effet d’oscillation est fort réussi. « C’est du dessin dans l’espace », dit l’artiste. Les tests en atelier étaient assez intenses. « Ce matériau a une certaine souplesse, mais il faut le respecter ! Ça peut être assez méchant ! »

  • Les outils d’Andréanne Abbondanza-Bergeron

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Les outils d’Andréanne Abbondanza-Bergeron

  • L’artiste déroule son rouleau de papier transparent pour montrer ses croquis préparatoires.

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    L’artiste déroule son rouleau de papier transparent pour montrer ses croquis préparatoires.

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L’élaboration de Lacuna a d’abord été réflexive. « J’ai besoin d’espace pour penser, alors, souvent, je vide tout dans le studio ! L’atelier, c’est ma toile. » Andréanne Abbondanza-Bergeron fait des croquis préparatoires sur un rouleau de papier transparent. Elle met par écrit ses idées, des citations, ses émotions. « C’est sur le rouleau que Lacuna s’est formée. Ensuite, j’ai regardé si j’allais plier ou suspendre le matériel. Puis, l’œuvre s’est développée dans la salle d’expo, d’une façon que je n’imaginais pas au départ. Grâce à l’éclairage et aux jeux d’ombre. »

Des racines et des choix

PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

Entanglement, 2020, jet d’encre sur papier pressé matte, 48 po x 72 po

Andréanne Abbondanza-Bergeron porte le nom de sa mère (d’origine italienne) et celui de son père. Une abondance nominale qui traduit le caractère affirmé et créatif qu’elle a depuis l’enfance. « J’étais toujours en train de construire des cabanes, de fabriquer des objets avec de l’argile, de créer des espaces avec des branches pour m’y envelopper. » Une vocation de bâtisseuse qui lui a d’abord fait choisir l’architecture avant d’opter pour la sculpture.

Avant la pandémie, l’artiste de 36 ans a souvent abordé dans ses œuvres le contrôle de l’architecture sur nos mouvements, sur nos choix. C’est, dit-elle, à cause du caractère très normé de l’architecture nord-américaine qu’elle l’a laissée pour l’art contemporain. « C’est très restrictif, dit celle qui a été, pendant quatre ans, inspectrice en bâtiment. Quand tu lis le Code de construction, il n’y a pas beaucoup de possibilités de création. C’est très régimenté, standardisé, modulé. Il y a plus d’ouverture côté design architectural en Europe. Ici, on demande d’abord combien ça coûte. L’artiste est plus valorisé en Europe. »

Les projets

Avec la pandémie, le ralentissement de la vie a permis à Andréanne Abbondanza-Bergeron de prendre plus de temps pour réfléchir et faire avancer des projets. « Ça a créé un bris, un changement dans mon travail », dit-elle. Elle en a profité pour peaufiner et installer une œuvre d’art public sur le campus Outaouais de l’Université McGill, à Gatineau, un nouveau pavillon de médecine. « La sculpture de 9 pi est en tuyaux de cuivre. Un tuyau sort du mur avec des coudes. L’œuvre prend ensuite une forme organique, inspirée du système nerveux du cerveau. »

  • Maquette d’une partie du pavillon de médecine de McGill à Gatineau, où a été installée Ondes cérébrales, une sculpture d’Andréanne Abbondanza-Bergeron

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Maquette d’une partie du pavillon de médecine de McGill à Gatineau, où a été installée Ondes cérébrales, une sculpture d’Andréanne Abbondanza-Bergeron

  • Ondes cérébrales, suspendue au cœur de la maquette du pavillon

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Ondes cérébrales, suspendue au cœur de la maquette du pavillon

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Parallèlement, elle poursuit son enseignement du design et de l’art contemporain au cégep Vanier et profite des derniers mois de sa bourse Claudine et Stephen Bronfman qui lui a permis d’être artiste en résidence puis chercheuse invitée à Concordia depuis 2017. Elle a déjà montré son travail à l’étranger et compte poursuivre ses démarches pour retourner en Europe. Mais il est difficile de vivre de l’art installatif. Désintéressée de l’art numérique, Andréanne Abbondanza-Bergeron veut continuer à émouvoir avec ses installations monumentales, et laisser l’amateur d’art profiter à sa manière de ses œuvres immersives. « L’effet de présence dans l’espace et à l’intérieur de mes œuvres est encore au centre de mon travail », dit-elle.

Galerie photo

Quelques réalisations de l’artiste

  • Limites perméables – Permeable Boundaries est une installation cinétique présentée en 2018 à la Galerie Sans Nom de Moncton. Elle a inspiré Andréanne Abbondanza-Bergeron pour son œuvre Insuffler.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Limites perméables – Permeable Boundaries est une installation cinétique présentée en 2018 à la Galerie Sans Nom de Moncton. Elle a inspiré Andréanne Abbondanza-Bergeron pour son œuvre Insuffler.

  • Installation de Lacuna à la galerie FOFA

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Installation de Lacuna à la galerie FOFA

  • Apaisante, l’œuvre Insuffler, présentée à FOFA, est formée de deux moustiquaires, l’une immobile et l’autre se déplaçant à l’aide d’un moteur, ce qui crée des effets graphiques grâce à une projection de lumière.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Apaisante, l’œuvre Insuffler, présentée à FOFA, est formée de deux moustiquaires, l’une immobile et l’autre se déplaçant à l’aide d’un moteur, ce qui crée des effets graphiques grâce à une projection de lumière.

  • Une des quatre photographies de Drifting (Tire Series), 2021, impression jet d’encre sur papier, 40 po x 27 po

    PHOTO ANDRÉANNE ABBONDANZA-BERGERON, FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Une des quatre photographies de Drifting (Tire Series), 2021, impression jet d’encre sur papier, 40 po x 27 po

  • [dis]JONCTION, 2016, panneaux diffuseurs, fils. Exposition à la maison de la culture Frontenac.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    [dis]JONCTION, 2016, panneaux diffuseurs, fils. Exposition à la maison de la culture Frontenac.

  • Through the Looking-Glass, 2020, impression jet d’encre, 72 po x 48 po

    PHOTO ANDRÉANNE ABBONDANZA-BERGERON, FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Through the Looking-Glass, 2020, impression jet d’encre, 72 po x 48 po

  • Suspensus, 2015, système de plafond suspendu. Exposition à la galerie Leonard & Bina Ellen.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Suspensus, 2015, système de plafond suspendu. Exposition à la galerie Leonard & Bina Ellen.

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