Le galeriste Robert Poulin a eu l’idée brillante d’exposer des œuvres de jeunesse inédites du peintre et sculpteur montréalais Jean-Pierre Larocque aux côtés de créations plus récentes. Une initiative qui permet (enfin) de saisir le cheminement de cet artiste contemporain aujourd’hui âgé de 68 ans.

L’art pétillant encore et toujours dans sa moelle épinière, le galeriste et artiste Robert Poulin n’a fait ni une ni deux quand Jean-Pierre Larocque a retrouvé des œuvres colorées de sa jeunesse qui dormaient au fond d’un tiroir de sa résidence. Des gouaches abstraites qui ont réapparu à la faveur d’un dégât d’eau ailleurs dans la maison.

« Elles se trouvaient dans des cartables depuis près de 40 ans ! dit Jean-Pierre Larocque. Et n’ont jamais été exposées ni montrées. Je ne voyais pas qui pourrait être intéressé à les voir. Ça a pris Robert pour les montrer ! Il y en a des centaines, mais on a fait une sélection avec Robert. » « Ça démontre qu’il y a 40 ans, il avait déjà du talent », dit Robert Poulin.

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Vue de l’exposition à la galerie Robert Poulin

Ces abstractions lyriques datent de 1978 à 1983 et dénotent une belle maîtrise des couleurs chez le diplômé du New York State College of Ceramics. Avec une technique évoquant le pointillisme, l’artiste posait des taches un peu brillantes sur le papier avant de les traverser d’une autre couleur. « Avec plus de 12 couleurs en jeu, c’est souvent une recette pour se casser la gueule, dit Robert Poulin. Mais Jean-Pierre avait déjà un talent pour la coloration et l’agencement géométrique des couleurs. »

Quelques-unes des gouaches de Jean-Pierre Larocque
  • Composition # 02, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache sur papier, 50,5 x 55,5 cm

    PHOTO GUY L’HEUREUX, FOURNIE PAR LA GALERIE ROBERT POULIN

    Composition # 02, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache sur papier, 50,5 x 55,5 cm

  • Étude # 13, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache, 37,5 x 29 cm

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    Étude # 13, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache, 37,5 x 29 cm

  • Étude # 16, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache, 27,5 x 29 cm

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    Étude # 16, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache, 27,5 x 29 cm

  • Étude # 08, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache, 35 x 29 cm

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    Étude # 08, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache, 35 x 29 cm

  • Étude # 06, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache, 29,5 x 26 cm

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    Étude # 06, 1983, Jean-Pierre Larocque, gouache, 29,5 x 26 cm

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Même si ces gouaches laissent percevoir une touche de figuration, ce sont les techniques mixtes sur papier des années 1986 et 1987 qui annoncent les chantiers de céramique de Larocque qui débuteront en 1988. Avec une propension à favoriser des teintes moins vives, plus sombres, « plus sales », dit-il. Dans des œuvres où commencent à émerger des créatures, des mises en scène dramatiques à la Max Beckmann et des personnages qu’il finira par représenter avec ses sculptures en céramique.

  • Dessin # 8607, 1986, Jean-Pierre Larocque, technique mixte sur papier, 66 x 101 cm

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    Dessin # 8607, 1986, Jean-Pierre Larocque, technique mixte sur papier, 66 x 101 cm

  • Dessin # 8608, 1987, Jean-Pierre Larocque, technique mixte sur papier, 65 x 98 cm

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    Dessin # 8608, 1987, Jean-Pierre Larocque, technique mixte sur papier, 65 x 98 cm

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C’est l’époque où Jean-Pierre Larocque se met à apprécier le travail de Philip Guston, de Pierre Alechinsky et d’Asger Jorn. Par la suite, il choisit de partir enseigner (de 1988 à 1999) dans différentes universités américaines. Il a également enseigné plus tard à Concordia, soit entre 2009 et 2017. Ses années américaines sont celles de la sculpture avec ses œuvres alliant art antique et art contemporain que l’on a pu admirer au 1700, La Poste, mais aussi auparavant à la galerie McClure.

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Tuile 01, 2012, Jean-Pierre Larocque, grès émaillé et vernis, 38 x 47 cm

Robert Poulin présente deux de ces tuiles de céramique qui ont fait la renommée de Jean-Pierre Larocque. Pratiquement les dernières puisqu’il les a toutes vendues – à des collectionneurs privés et à des musées – et qu’il ne compte pas en produire de nouvelles. D’abord, parce qu’il a passé plus de 30 ans de sa vie à en créer, parce que la sculpture est épuisante, et parce qu’il est passé à autre chose. La peinture présente pour lui de nouveaux défis et les collectionneurs aguerris semblent apprécier. Il a presque vendu toutes ses aquarelles et gouaches sur bois de 2020 lors de sa dernière exposition à Québec, à la galerie Michel Guimont.

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Sans titre # 1, série des Grands Fusains, 2008, Jean-Pierre Larocque, fusain sur papier, 112 x 184 cm

L’expo comprend quelques œuvres accrochées au 1700, La Poste. Notamment deux de ses Grands Fusains des années 2000 dans lesquels il s’était attaché à brosser le portrait de personnages. Avec un gros travail sur les corps et la lumière. Robert Poulin expose aussi les toutes dernières créations de Larocque, qui datent de cette année, des huiles sur bois impressionnantes. Dans des tons graves contrastés par une lumière surimposée. Avec des textures travaillées à la spatule, avec des éponges ou du grattage dans les couches épaisses de peinture. Un travail de longue haleine pour chaque œuvre.

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Babel II, 2021, Jean-Pierre Larocque, huile sur bois, 122 x 142 cm

« Ça fait deux ans que je travaille l’huile sur bois. Je sens que ça se met en place. J’essaie toutes sortes de choses. En construisant avec la couleur sur des fonds très foncés. Ce qui m’étonne, car, quand j’ai fait mes gouaches dans ma jeunesse, il n’y avait pas de noir. Seulement des couleurs saturées ou pastel. Et peu de contrastes. Maintenant, je m’intéresse au vert bouteille et à des couleurs plutôt foncées contrastées avec des craies. »

Comme chez tous les peintres, Jean-Pierre Larocque essaie chaque fois de faire émerger quelque chose de sa toile. « Je travaille sur un tableau depuis deux mois, dit-il, et, hier, tout à coup, j’ai vu quelque chose apparaître et ça a débloqué. Pour d’autres tableaux, on dirait qu’ils se font tout seuls… »

Consultez le site de la galerie Robert Poulin