Professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), l’artiste Julie Trudel s’en est bien tirée en 2020. Mais pour ses étudiants, c’est autre chose. « Ils sont en début de carrière, dit-elle. Dans une période de leur développement où ils ont des occasions de voyager et d’exposer à peu de frais, de voir des expos et de se constituer un réseau. Tout cela leur a échappé. »
Un de ses étudiants a ainsi perdu sa session d’échange à La Cambre, une école d’art et de design prestigieuse en Belgique. Il a aussi annulé sa première expo qui devait avoir lieu dans son ancien cégep, fermé à cause de la pandémie. « Ces opportunités manquées ne repasseront pas, dit-elle. Pour ces jeunes, l’ambiance actuelle est décourageante. »
Yann Pocreau
Parmi les jeunes artistes qui se sont déjà fait un nom, Yann Pocreau affirme avoir été « magané » par la pandémie. « Elle m’a littéralement paralysé, meurtri, dit-il. J’ai fui l’atelier pendant des mois. Mes expos et projets étaient suspendus, reportés, annulés. » Puis, il est retourné à l’atelier et s’est remis à créer. Il prépare son exposition au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), qui aura lieu en avril si tout va bien, et il vient de signer avec la galerie Blouin-Division.
L’année 2020 a aussi signifié « précarité, adaptation constante et incertitude » pour l’artiste Karine Payette. « La communauté et les musées, qui nourrissent un dialogue avec notre pratique, m’ont manqué », dit-elle.
De son côté, Nicolas Grenier avait bien commencé 2020 avec un solo chez Bradley Ertaskiran. Mais ensuite, il a dû se trouver un atelier, le 305 Bellechasse ayant fermé, et n’arrivait pas à sous-louer celui de Los Angeles. « Ça m’a pris beaucoup d’énergie, dit-il. J’ai alors pris du temps pour remettre en perspective des choses importantes — famille, objectifs de vie, implication sociale… »
Jérémie Deschamps Bussières
La famille est également devenue une priorité pour Jérémie Deschamps Bussières en 2020. Sa conjointe a accouché et est retournée à l’université. Le peintre a donc fait une pause dans son enseignement des arts à Trois-Rivières et s’est occupé de leurs deux enfants tout en créant de nouvelles œuvres…
Employé du MBAM, Moridja Kitenge Banza a eu une bonne année 2020. Son nom et ses œuvres ont circulé. Lui aussi s’est impliqué socialement et il a préparé son solo du mois prochain à Projet Casa. Pascal Grandmaison dit quant à lui avoir observé « le temps en suspension » l’an dernier. Il a donc créé une œuvre sur la dégradation de la matière pendant la pandémie, utilisant comme matériau les feuilles d’une plante qui avaient surgi au printemps et qui sont tombées à l’automne.
Artiste également conceptuel, Pierre Chaumont a présenté son travail en Allemagne en 2020. « J’ai eu aussi des confirmations de résidences en Hollande et en Turquie [reportées], et avec ma femme [Marie Chaumont, fondatrice de SpeakArt], on a pu redonner en autofinançant un pavillon physique et virtuel pour la Bangkok Biennial 2020. »
Eddy Firmin
Pour Eddy Firmin, 2020 avait bien commencé avec un solo à Art mûr. Ensuite, il a dû vivre sans sa femme et sa fille à cause de la pandémie et ses expos ont été reportées. L’année « 2021 s’annonce meilleure, dit-il. Je prépare une biennale d’art contemporain afro et je suis devenu professeur invité à [l’Université] Laval. Je n’ai pas connaissance d’autres professeurs noirs à avoir enseigné en arts visuels et médiatiques dans une université de langue francophone au Québec ».
Prof à l’UQAM, Michael Blum ne se plaint pas, mais la pandémie a gelé ses projets artistiques. Il a hâte au « printemps post-COVID »… comme Milutin Gubash, qui a exposé au Musée d’art contemporain des Laurentides avant qu’il ne doive fermer. Il a ensuite réalisé une installation vidéo, Quelques oiseaux, dont l’inauguration à la Place des Arts n’a jamais été aussi proche ! Et il a scénarisé une pièce de théâtre, La méthode du magicien, qui a été filmée et sera diffusée sur le web.
Sayeh Sarfaraz
L’année 2020 a entraîné une remise en question chez l’artiste d’origine iranienne Sayeh Sarfaraz. « Pour retrouver ma voie dans un monde de l’art contemporain qui me donnait des nausées », dit celle qui a exposé en 2020 à l’espace Adélard de Frelighsburg.
L’artiste numérique Daniel Iregui a connu, lui, une année 2020 exceptionnelle. Il a vendu une œuvre à un musée de Chicago, a conçu une technologie utilisant l’intelligence artificielle et s’est associé avec le studio d’Éloi Beauchamp. Ils ont montré l’œuvre Antibodies à Dubaï en novembre.
Daniel Iregui a présenté son œuvre Antibodies à Dubaï en novembre
André Desjardins
André Desjardins, au rayonnement international, a connu une bonne année 2020 avec bien des ventes aux États-Unis. La galerie Roccia fondée par sa conjointe, Hélène Bélanger-Martin, a connu un bon été… et le sculpteur de Magog a décroché sa deuxième commande de sculpture monumentale. Une statue de 12 pieds qui sera installée au bord du lac Memphrémagog.
Pour Line Bastien, 2020 a été marqué par « le plus grand succès de [sa] carrière ». Elle est descendue de son village d’Ivujivik à la fin d’octobre pour exposer ses toiles à la galerie Beaux-arts des Amériques. Un mois plus tard, elle avait presque tout vendu. Christiane Léaud a connu le même succès. Elle a vendu ses 40 collages à la galerie du Viaduc en cinq jours, à la mi-novembre.
L’année 2020 a aussi été un bon cru pour le sculpteur Stephen Schofield. Il a travaillé sur des projets d’art public, a exposé au Portugal et, avec l’artiste Michel Daigneault, a aidé des collègues. « On a profité de notre pignon sur trottoir pour montrer, dans les vitrines de notre atelier, les œuvres de David Merritt et Patrick Mahon, d’Andrea Szilasi, de Christine Major, de Yam Lau et Olie Sorenson, et de Serge Murphy. »
André Michel
André Michel a vu son exposition au Festival d’Avignon reportée en 2020 et son projet avec des gitans en Europe suspendu. Le peintre et sculpteur de Mont-Saint-Hilaire a toutefois continué de créer son Bestiaire de la route touristique du Richelieu et ses 15 fenêtres-sculptures.
L’artiste franco-ontarien Marc Thivierge n’a pas perdu son temps non plus. Il a créé une visite en 3D de ses peintures qu’on découvre en écoutant de la musique.
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Enfin, la photographe Éliane Excoffier n’oubliera pas 2020 de sitôt. « Les premières semaines du confinement au printemps ont été consternantes, terrifiantes, pétrifiantes, dit-elle. Plus de travail ni de revenus. J’étais trop tétanisée pour trouver l’énergie ou l’inspiration créatrice. » Elle a fini par prendre du recul, remettre en marche sa chambre noire et a eu des contrats qui lui ont remonté le moral. Elle exposera l’automne prochain. La vie continue…