Le confinement change-t-il la pratique de l’artiste visuel ? La Presse a joint des artistes pour savoir si cette crise les inspire et les transforme. Plusieurs d’entre eux redoublent d’énergie, mais l’anxiété n’est jamais bien loin…

« De mon studio, je regarde par la fenêtre. C’est un Brooklyn bien différent que j’observe. En fait, c’est presque un ghost town. Jusqu’à tout récemment, nos rues étaient envahies par des sirènes d’ambulance et le ciel, par des battements d’hélicoptère, mais là, je n’entends quasiment plus rien. Brooklyn est silencieux ou presque. C’est tellement calme qu’on entend des oiseaux ! » 

L’artiste québécoise Annie Hémond Hotte est installée à Brooklyn depuis plusieurs années. Elle commence à trouver le temps long. « Ce que je trouve le plus anxiogène, c’est de ne pas savoir ce qui s’en vient, dit-elle. Quand est-ce que je vais pouvoir arrêter de nettoyer mon épicerie avec du Pine-Sol ? Quand je marche pour me rendre de chez moi à mon studio, je me sens comme une astronaute. Pas seulement à cause de mon masque et de mes gants, mais aussi parce que l’air qui m’entoure ne me rassure pas. C’est un peu ironique, parce que j’ai lu quelque part qu’à New York, le niveau de pollution est descendu de 30 %. » 

PHOTO BRADLEY BIANCARDI, FOURNIE PAR L’ARTISTE

La nouvelle œuvre d’Annie Hémond Hotte créée dans son atelier de Brooklyn

Depuis le début de la pandémie, ses tableaux ont pris un tournant dystopique. « Mes peintures reflètent l’anxiété du moment, dit-elle. Elles parlent de distance sociale. J’imagine des scénarios qui évoquent l’espace qui se trouve entre les gens. Dans un univers trompeur et saturé, mes personnages entrent en interaction avec des jardins futuristes et des nuages contaminés. Ils cherchent des solutions à des problèmes qu’ils ne comprennent pas et ces solutions deviennent un peu loufoques… comme un génie dans une lampe. » 

Jérémie Deschamps Bussières

L’artiste Jérémie Deschamps Bussières travaille, lui, à Trois-Rivières sur la distanciation. « J’utilise des captures d’images provenant d’une caméra thermique pour créer de grandes photographies très colorées, poétiques et mystérieuses, dit-il. Ces images qui détectent la chaleur du corps donnent l’impression d’être en observation peu importe la situation dans laquelle on se trouve. Parmi les nombreuses vidéos que je visionne, la capture d’écran thermique que je choisis se présente comme un petit joyau caché dans les denses couches de contenu de l’internet. » 

  • Photographie provenant d’une capture d’images de Jérémie Deschamps Bussières, printemps 2020, caméra thermique.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Photographie provenant d’une capture d’images de Jérémie Deschamps Bussières, printemps 2020, caméra thermique.

  • Photographie provenant d’une capture d’images de Jérémie Deschamps Bussières, printemps 2020, caméra thermique.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Photographie provenant d’une capture d’images de Jérémie Deschamps Bussières, printemps 2020, caméra thermique.

  • Photographie provenant d’une capture d’images de Jérémie Deschamps Bussières, printemps 2020, caméra thermique.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Photographie provenant d’une capture d’images de Jérémie Deschamps Bussières, printemps 2020, caméra thermique.

1/3
  •  
  •  
  •  

Cynthia Girard-Renard

L’artiste animalière Cynthia Girard-Renard est elle aussi très inspirée par la pandémie. Fascinée par les chauves-souris, elle vient de terminer une œuvre, Méphisto, qui découle de la crise et de Nosferatu le vampire, film réalisé en 1922 par le cinéaste allemand Friedrich Wilhelm Murnau (1888-1931). 

Dans le film, les chauves-souris sèment le chaos en Europe en y apportant la peste. Les chauves-souris sont montrées du doigt aujourd’hui comme étant à l’origine de la COVID-19, même si ce n’est pas prouvé. Une accusation qui hérisse Cynthia Girard-Renard. 

PHOTO FOURNIE PAR CYNTHIA GIRARD-RENARD

La toile Mephisto, de Cynthia Girard-Renard, a été terminée le 7 avril.

« Les chauves-souris ont mauvaise presse et ça m’inquiète, car elles doivent être protégées, dit l’artiste d’Ahuntsic. Elles sont fascinantes, étant à la fois mammifères et oiseaux. Elles sont à leur façon une espèce queer, comme les baleines qui sont mammifères et poissons. Elles font le lien entre la terre et les cieux, à la fois terrestres et aériennes. Nous [les humains] pensons nous élever plus haut avec la culture, mais quelle culbute on fait en ce moment en détruisant la nature pour la rendre humaine et profitable. » 

François Morelli 

Travaillant chez lui, François Morelli a repris ses cahiers de dessins entamés en 2010 et dessine sur papier Arches. « J’en suis au septième de 35 feuillets, dit-il. Je m’intéresse aux figures et à l’espace, à ce qui les définit (vêtements, mobilier et architecture), aux conventions physiques, psychiques et sociales et aux multitudes de comportements et stratégies d’existence/résistance. »

  • Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

  • Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

  • Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

  • Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

  • Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

  • Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Carnet Volume XXIII (2020), détail, François Morelli, encre sur papier.

1/6
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Marie-Claude Bouthillier 

L’artiste Marie-Claude Bouthillier profite du confinement pour poursuivre son travail sur sa marionnette Marinette. Elle a tourné une vidéo dans laquelle cette dernière interprète une version de la chanson Pauvre Rutebeuf de Léo Ferré. 

« Une version adaptée au temps difficile que nous traversons, dit-elle. Marinette est comme nous, en confinement et obsédée par le virus. »

Jocelyne Alloucherie 

La crise plonge la photographe Jocelyne Alloucherie dans un temps étrange, « arrêté, troué d’instants précieux, de replis, de retours vers une intériorité dont on se sent expulsés, trop souvent et avec nostalgie ». Cette situation inédite la force à tout recommencer.

PHOTO FOURNIE PAR JOCELYNE ALLOUCHERIE

Monument aux migrants, 2020, Jocelyne Alloucherie

« Il en restera peut-être quelques images comme Monument aux migrants, amorcé sur le sol de cet atelier, l’image d’une mer faite d’une centaine de couvertures de survie, flétries par l’usage, soudées et vidées de présences. Un monument doré à déposer sur l’eau et qui devra se balancer avec un rythme et un son de vagues. » 

Yann Pocreau 

Son exposition au Musée des beaux-arts de Montréal, prévue en septembre, a été reportée, mais Yan Pocreau travaille quand même sur une installation qui devait en faire partie. Et il s’adonne aussi à quelques tests. « J’ai fait quelques prises de vues hier, dit-il. Je cherchais un peu de lumière, quelque chose qui entrait chez moi. Je tente de réaliser une œuvre en confinement pour les Encans de la quarantaine. »

PHOTO FOURNIE PAR YAN POCREAU

Un test de lumière est à l’origine de ce travail en cours de Yan Pocreau dont une version sera mise en vente aux Encans de la quarantaine, une initiative sur Facebook qui vise à aider les artistes visuels dans le besoin.

Les Encans de la quarantaine sont une initiative sur Facebook de l’artiste Sara A. Tremblay pour aider les artistes dans le besoin. Des artistes donnent des œuvres qui sont vendues au plus offrant. « Une belle idée de Sara, dit Yann Pocreau. Pour nous artistes, perte de revenus ou pas, confinement ou pas, personne ne pourra nous enlever nos idées ! Pas même l’adversité ! »

Michel Campeau 

Le photographe Michel Campeau crée des montages photographiques en combinant captations télévisuelles sur la crise de la COVID-19 et photos personnelles. Il les associe à des réflexions qui pourraient conduire à une publication. 

PHOTO FOURNIE PAR MICHEL CAMPEAU

Le photographe Michel Campeau en distanciation sociale dans son jardin avec François Babineau, de la galerie Simon Blais

« J’ignore ce que deviendront mes projets après la COVID-19, dit-il. Mais comme la photographie est aussi un acte de rédemption, sans doute m’aidera-t-elle à vivre de nouveau. » 

  • Un montage de Michel Campeau fait ce mois-ci avec des photographies et deux captations télévisuelles. Design graphique : Bruno Ricca et Michel Campeau. Gestion numérique : Maude Touchette.

    PHOTO FOURNIE PAR MICHEL CAMPEAU

    Un montage de Michel Campeau fait ce mois-ci avec des photographies et deux captations télévisuelles. Design graphique : Bruno Ricca et Michel Campeau. Gestion numérique : Maude Touchette.

  • Un montage de Michel Campeau fait ce mois-ci avec plusieurs photographies et une captation télévisuelle. Design graphique : Bruno Ricca et Michel Campeau

    PHOTO FOURNIE PAR MICHEL CAMPEAU

    Un montage de Michel Campeau fait ce mois-ci avec plusieurs photographies et une captation télévisuelle. Design graphique : Bruno Ricca et Michel Campeau

1/2
  •  
  •  

D’autres œuvres créées par des artistes actuellement confinés :

  • Une œuvre inachevée de Nicolas Baier. « Je bosse sur un concept assez inclusif, donc, la crise que nous vivons peut y être insérée aisément », dit-il.

    PHOTO FOURNIE PAR NICOLAS BAIER

    Une œuvre inachevée de Nicolas Baier. « Je bosse sur un concept assez inclusif, donc, la crise que nous vivons peut y être insérée aisément », dit-il.

  • Une image appartenant au nouveau projet que l’artiste Pierre Chaumont a commencé à la mi-mars. Loukanikos & Kanellos (Saucisse et Cannelle) se penche sur l’utilisation de l’intelligence artificielle comme un outil de participation sociale chez le spectateur.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Une image appartenant au nouveau projet que l’artiste Pierre Chaumont a commencé à la mi-mars. Loukanikos & Kanellos (Saucisse et Cannelle) se penche sur l’utilisation de l’intelligence artificielle comme un outil de participation sociale chez le spectateur.

  • Photo prise il y a quelques jours par l’artiste Dominique Blain alors qu’elle marchait dans son quartier. La première d’une série, dit-elle.

    PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

    Photo prise il y a quelques jours par l’artiste Dominique Blain alors qu’elle marchait dans son quartier. La première d’une série, dit-elle.

1/3
  •  
  •  
  •