Voluptueuses et colorées, les illustrations d'Isabelle Feliu sont vues dans le magazine français Marie Claire, dans les réseaux sociaux de Puma, sur le papier peint de la marque espagnole Coordonné, etc. Plus de 64 000 personnes sont abonnées à son fil Instagram. Fait particulier? L'illustratrice de 28 ans, qui vit en Norvège, est... québécoise.

«Je suis née et j'ai grandi à Québec, dit Isabelle Feliu, jointe par téléphone à Oslo. J'ai aussi vécu à Montréal pendant quatre ans, puisque j'ai étudié à l'École supérieure de mode de l'UQAM, avant de travailler. Mais j'avais de la misère avec le mode de vie de 9 à 5. J'étais un peu perdue, je ne savais pas trop quoi faire...»

C'est alors - en 2015 - que la jeune femme décide de tout quitter pour rejoindre son amoureux, en Norvège. «Au départ, je n'avais évidemment pas de travail et je n'avais pas trop d'amis encore, précise-t-elle en riant. J'ai commencé à dessiner toute la journée, pendant tout mon temps libre. Puis, j'ai publié mes illustrations sur Instagram et j'ai fait un site internet.»

De la visibilité

Comme dans un conte de fées, des clients se sont manifestés. D'abord la marque de cosmétiques américaine Vivant Skin Care, puis le géant du sport Puma.

«Une employée de Puma qui me suivait sur Instagram m'a contactée pour me demander si j'aimerais faire différentes illustrations pour célébrer la Journée internationale de la femme. Ça m'a donné beaucoup de visibilité.»

N'était-ce pas trop beau pour être vrai? «Au début, je vérifiais tout le temps les emails pour être sûre que ce n'était pas une blague, reconnaît l'illustratrice. Mais c'est vraiment comme ça que j'ai la plupart de mes contrats.»

Il est donc possible de vivre dans le pays de son choix, tout en s'inventant un boulot? «C'est tellement possible, répond avec enthousiasme Isabelle Feliu. Il faut juste se discipliner à travailler beaucoup et à montrer son travail sur l'internet.» Pas facile, tout de même, de tendre vers l'équilibre. «C'est difficile de décrocher, admet-elle. Je vais souvent en voyage, mais je suis tout le temps en train de regarder mes emails et de m'en faire pour les projets à venir.»

Fantaisiste et onirique

Isabelle Feliu a créé des motifs pour les maillots de la griffe montréalaise Mimi Hammer et pour les chics pyjamas de soie anglais Yolke. «Son style est fantaisiste et onirique, décrit Yolke sur son site internet. Pourtant, ses images de femmes dessinées de manière organique sont plus pertinentes que jamais. Elles ont fait des vagues dans le monde de la mode.» Au lieu de peindre des brindilles fébriles, l'illustratrice donne vie à des femmes tout en courbes, qui réussissent à être à la fois rétro et actuelles.

«J'ai de la difficulté à définir mon style, observe-t-elle. C'est vraiment coloré. Je suis inspirée par des artistes comme Matisse, Pierre Boncompain, même Picasso. J'ai expérimenté avec beaucoup de médiums. Au début, j'illustrais davantage à l'ordinateur. Finalement, je me suis rendu compte que ça me plaisait moins. En ce moment, j'utilise de la gouache et de l'acrylique, sur papier aquarelle.»

Isabelle Feliu - de son vrai nom Isabelle Martin Feliu - est née de l'union entre un Québécois et une Hondurienne. Est-elle nourrie par ses origines? «Mon travail est plutôt inspiré par mes voyages, répond-elle. Je suis allée en Inde l'an dernier, et j'ai été très frappée par les stepwells [des puits], qui sont de magnifiques structures anciennes. Je m'en suis beaucoup inspirée par la suite.»

Des ruines mayas du Honduras ont néanmoins trouvé leur place dans les oeuvres de l'illustratrice, qui fait également quelques clins d'oeil au Québec. Sans pour autant s'ennuyer du froid - après tout, elle vit à Oslo. «Je pense souvent à m'évader dans des endroits tropicaux, surtout l'hiver, dit-elle en commentant l'oeuvre Au Café de la jungle. Le thème des tropiques revient dans mon travail. Ce sont souvent des endroits inventés, comme dans cette illustration.» On peut être heureux partout, quand on vit d'abord dans sa tête.

ILLUSTRATION FOURNIE PAR ISABELLE FELIU

Baoli imaginaire