En visitant le Musée américain d’histoire naturelle de New York — celui du film Une nuit au musée, avec Ben Stiller —, on tombe sur une étrange vitrine. Une dizaine d’étiquettes ont été collées sur l’Old New York Diorama pour le… corriger.

Inauguré en 1939, ce diorama — un dispositif d’exposition qui reconstitue une scène avec des mannequins, des animaux empaillés, de grandes peintures, etc. — décrit une rencontre fictive qui aurait eu lieu 275 ans plus tôt. D’un côté, on voit un leader hollandais en position de pouvoir (colonisé par les Hollandais, New York s’appelait alors New Amsterdam). De l’autre ? Des Amérindiens lenapes, habitants de Manhattan, avec leurs offrandes.

« Cette scène n’offre que des représentations stéréotypées et ignore à quel point la colonisation a été complexe et violente pour les autochtones », précise une grande étiquette collée sur la vitrine. Exemple : les lenapes y sont très peu vêtus — un cliché, alors que leurs diplomates auraient porté des fourrures ornées. C’est maintenant précisé. 

Le musée a fait ce travail de mise en contexte notamment avec Bradley Pecore, historien membre des communautés autochtones Stockbridge-Munsee et Menominee, du Wisconsin.

« Je trouve cette intervention sur le diorama très correcte, indique Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), interrogée par La Presse. L’œuvre ici n’est pas censurée et je suis d’accord, car cacher n’a rien de très pédagogique. »

Je suis contre la censure et contre l’indifférence. Contextualiser est la clé, peu importe le moyen choisi. L’important est de complexifier les perspectives.

Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef du MBAM

Au MBAM, la mise en contexte est généralement faite par le truchement des cartels explicatifs qui accompagnent les œuvres. D’autres avenues sont aussi explorées. Nathalie Bondil a « cassé le cliché » du tableau Fête arabe, la danse des mouchoirs du Canadien John Lyman, exposé parmi les Arts du Tout-Monde, en le comparant à une photographie contemporaine. Tornade, de la Franco-Marocaine Majida Khattari, « critique La mort de Sardanapale d’Eugène Delacroix dans une débauche de tissus chatoyants démasquant la violence faite aux femmes, précise Nathalie Bondil. C’est un bon exemple en salle actuellement ! »

Embêtantes scènes de cire

À Québec, le Musée de la civilisation a d’abord élaboré son exposition Nous les Premières Nations, présentée de 1998 à 2012, en consultant les Premiers Peuples et les Inuits. Pour la nouvelle mouture, il n’a plus été question de consultation, mais de démarche collaborative. « Les Nations autochtones et les Inuits du Québec ont pris part activement au contenu et à la forme de l’exposition », indique Agnès Dufour, relationniste au musée. Le nom de l’expo est d’ailleurs devenu C’est notre histoire. Premières Nations et Inuit du XXIe siècle.

Plus délicat : c’est le Musée de la civilisation qui conserve les collections des musées de cire de Montréal et de Québec depuis leur fermeture. Ces scènes « empruntent un dispositif de présentation hérité du XIXe siècle, avec des aspects clichés et stéréotypés sur la représentation historique des Premiers Peuples », reconnaît Agnès Dufour. Par exemple, le Musée de cire de Québec présentait le tableau Champlain visitant la maison d’un colon. On y voit un autochtone « dans une position de soumission, comme s’il attendait son maître », décrit Agnès Dufour. S’il fallait ressortir un de ces tableaux, « nous préciserions avec justesse, éthique et respect tout le contexte entourant la production de ces scènes de cire », assure-t-elle.

PHOTO IDRA LABRIE — PERSPECTIVE PHOTO, FOURNIE PAR LE MUSÉE DE LA CIVILISATION

Tableau Champlain visitant la maison d’un colon,
 tel qu’il était présenté au Musée de cire de Québec

À Pointe-à-Callière

Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire inauguré en 1992, ne présente évidemment pas de vieux dioramas comme le Musée américain d’histoire naturelle de New York, qui date de 1877.

Tout de même, « tous les dix ans environ, nous renouvelons le contenu et la présentation de nos expositions permanentes pour intégrer les nouvelles découvertes, de manière à refléter les connaissances les plus actuelles et les sensibilités du public », indique Eveline Trudel-Fugère, chargée de projet aux communications du musée montréalais. Pointe-à-Callière fait appel à des comités scientifiques, formés entre autres d’autochtones.

Le musée dit tenir compte des rares commentaires reçus. Dans une expo présentée en 2006-2007, le mot « disparition » a ainsi été modifié pour « dispersion », « alors qu’il était question des Iroquoiens du Saint-Laurent au XVIe siècle », illustre Eveline Trudel-Fugère.

PHOTO YVES RENAUD, FOURNIE PAR POINTE-À-CALLIÈRE.

L’exposition temporaire Iroquoiens du Saint-Laurent, peuple
du maïs a été présentée en 2006-2007 à Pointe-à Callière

Lisez un texte sur l’initaitive du Musée américain d’histoire naturelle (en anglais)

« Nous sommes très conscients du contexte actuel de réconciliation, qui peut susciter un regard critique de la part des visiteurs », ajoute-t-elle.

Personne n’était disponible aux musées McCord et Stewart pour répondre aux questions de La Presse.

Voir l’Old New York Diorama au Musée d’art contemporain

Œuvre de l’Album X de Luis Jacob, 2010. Montage d’images sous plastique laminé, 80 planches, Collection du Musée d’art contemporain de Montréal.

Étonnamment, il est possible d’apercevoir l’Old New York Diorama au Musée d’art contemporain de Montréal jusqu’au 5 janvier. On y voit une photo de visiteurs observant ce diorama — avant l’ajout d’étiquettes — dans l’Album X de l’artiste torontois Luis Jacob.