Belle année 2016 pour Valérie Blass. Récemment auréolée du prix Ozias-Leduc par la Fondation Émile-Nelligan, la sculpteure montréalaise présente, jusqu'au 15 janvier au Musée d'art contemporain de Montréal (MAC), sa série de sculptures produites par et pour la Biennale de Montréal. Des réflexions sur l'invisible, les volumes et les surfaces qui ont toutes déjà trouvé preneur...

Valérie Blass avait reçu le prix Louis-Comtois en 2010 et le Victor-Martyn-Lynch-Staunton en 2012. L'ensemble de son oeuvre a été souligné, le 8 décembre dernier, par le prix Ozias-Leduc 2016. Elle succède à huit artistes récompensés par la Fondation Émile-Nelligan depuis 1992: Roland Poulin, Jana Sterbak, Rober Racine, Massimo Guerrera, Guy Pellerin, Serge Murphy, Raymond Gervais et Marie-Claude Bouthillier. 

«Lors de ses délibérations, le jury a noté le sérieux des recherches artistiques de Valérie ainsi que le courage de sa pratique et la force de son travail. Ses sculptures tissent des liens originaux entre le corps humain et des questions sociales importantes de notre époque. De plus, elle arrive à faire ça tout en réinventant un médium on ne peut plus classique, la sculpture», a dit le président du jury, Jean-François Bélisle, lors de la cérémonie au MAC.

Être une femme artiste

«Je pense qu'à Montréal, les gens m'aiment! a réagi l'artiste à La Presse. Mais ça fait quand même longtemps que je roule ma bosse!» Dans son discours, elle a déclaré que la reconnaissance des femmes artistes prend plus de temps que pour un homme et que la femme artiste doit «être une tête de cochon»!

«Quand une fille fait un super show, on va dire "waouh, c'est super bien", mais ils ajoutent "on va la laisser aller et on verra plus tard", alors que pour un gars, ça va être "c'est super bon, on l'encourage tout de suite".»

L'homme invisible

Même aujourd'hui, à tout juste 49 ans, Blass doit se battre. Ces derniers temps, ses demandes de résidences artistiques à l'étranger, notamment à New York, ont été rejetées. Elle a pu se consoler en ayant été retenue par le commissaire belge Philippe Pirotte pour la Biennale de Montréal. Elle y présente huit sculptures autour de l'idée de l'homme invisible, un concept lié à ses productions antérieures, notamment sa série de photos avec des marionnettes.

Ce corpus n'est pas très spectaculaire, mais le travail de Valérie Blass, ce n'est pas du spectacle, c'est de l'art, de l'art qui interroge, qui dérange parfois, qui intrigue souvent. «C'est vrai que ces objets n'ont pas l'air si différents de ce que j'ai fait avant, dit-elle. On dirait que je reviens avec une même esthétique, mais au niveau du concept, c'est différent.»

Mieux vaut une vraie tristesse qu'une fausse joie est un moulage du bas du corps d'un homme. Mais seulement de ses formes dans un pantalon durci par un mélange de fibre de verre, de gypse et de résine. Un vêtement à la fois raide et en mouvement qui fait penser aux costumes brillants et mouvants des toreros et des danseurs disco des années 70. Belle idée.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Mieux vaut une vraie tristesse qu'une fausse joie, 2016, Valérie Blass, tissu, polymère, forton, peinture, 150 cm x 64 cm x 42 cm.

Le principe de la sueur: transpiration, évaporation, chaleur est aussi consacré à l'homme invisible. Une salopette de travail en lambeaux épouse les ondulations d'un corps absent. On croit voir une personne penchée comme lorsqu'on lace son soulier gauche sur un support.

Autre allusion à l'homme invisible, Pour Interpole, mule à drogue évoque les trafiquants qui prennent l'avion avec leur substance camouflée sur leur peau. Valérie Blass a moulé les «sacs de drogue» et les a accrochés sur une structure qui mime le contrebandier et qui a été placée devant un écran au motif similaire pour «faire disparaître» ou atténuer la réalité de cette structure et ne voir ainsi que les poches de stupéfiants.

Du succès...

Ces nouvelles oeuvres ont plu. Les huit ont été acquises. Valérie Blass connaît une belle période. Une expo à Vancouver, une biennale, un prix, des éloges, du succès commercial. Mais elle sait que rien n'est acquis. Il faut se renouveler. Il y a quelques semaines, elle est entrée dans une nouvelle période de recherche.

«J'en profite pour aller vers quelque chose d'assez loin de mon esthétique, quelque chose que je ne maîtrise pas, dit-elle. Ce qui me motive, c'est de m'inventer des problèmes et de trouver des solutions, des chemins qui vont me permettre de créer quelque chose qui va me surprendre.» Une manière de travailler qui est souvent stressante, dit-elle. «Je suis de plus en plus satisfaite du rendu, mais je trouve que le processus est de plus en plus pénible. Car c'est plus difficile d'être surprise en vieillissant!»

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Jusqu'au 15 janvier au MAC, dans le cadre de la IXe Biennale de Montréal.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Le principe de la sueur : transpiration, évaporation, chaleur, 2016, Valérie Blass, tissus, résine, polymère, forton, peinture, 129 cm x 51 cm x 75 cm.