Le Musée d'art contemporain présente deux expositions d'été qui semblent s'opposer l'une à l'autre, mais qui parlent toutes deux d'un monde dénaturé.

Les objets du quotidien, la matière, l'humain comme sujet ou objet : cet été, le Musée d'art contemporain de Montréal (MAC) remet plus que jamais en question les actions de l'être humain sur sa petite planète, avec des artistes reconnus internationalement, mais d'âges et de pays différents.

« Ce sont deux générations d'artistes qui attireront plusieurs générations de visiteurs », espère le directeur du MAC, John Zeppetelli. 

Le musée montréalais nous offre la plus importante exposition réalisée à ce jour du travail de l'artiste de Vancouver Liz Magor. Ce survol non chronologique de son travail, intitulé Habitude, comprend 75 oeuvres créées en 40 ans.

Simplicité et rigueur, recyclage et archivage, nature et culture semblent être les mots d'ordre de Liz Magor. En utilisant ce qui compose la vie de tous les jours, l'artiste sait poser clairement des questions de répétition, de fabrication, d'identité sociale et de valeur.

Ses sculptures sont basées sur la transformation d'objets provenant de marchés aux puces ou de dépotoirs - vieilles couvertures en laine, chemises, assiettes, sacs, gants en cuir - autant que sur des moulages de gypse polymérisé.

« La façon dont elle transforme le banal et l'humble nous suit dans notre appréciation du monde réel », explique la commissaire Lesley Johnstone.

Le commissaire Dan Adler croit que « dans notre monde de plus en plus immatériel, Liz Magor nous invite à prendre notre temps pour explorer et inspecter les objets présentés et leur signification ».

Ainsi, un arbre creux peut cacher un abri et un sac de couchage, des briques sont faites de papier journal, les animaux naturalisés omniprésents ont un aspect touchant, un tas de pierres peut cacher des croustilles au fromage, un siège de bois est posé sur une immense scie ronde... 

L'humain semble absent des tableaux que nous présente Liz Magor, mais sa main était là juste avant, ses actions ou inactions bien relayées, ses objets - cigarettes, chocolat, tissus divers - restent là, figés pour l'éternité. Des traces indéniables d'un monde transformé, voire spolié.

Après Montréal, l'exposition Habitude voyagera à Zurich en janvier et à Hambourg en juin 2017.

LIZZIE FITCH ET RYAN TRECARTIN

Le duo de jeunes créateurs américains Lizzie Fitch/Ryan Trecartin s'intéresse aussi à une société dénaturée, à un monde post-humain. Nés tous les deux en 1981, ils ont commencé à travailler ensemble en l'an 2000 en son, vidéo, installation et sculpture.

Présentée à la Biennale de Venise en 2013, leur proposition Priority Innfield comprend cinq installations et quatre vidéos présentant des récits de science-fiction au sein de pavillons rappelant des banlieues américaines. Des jeunes maquillés et costumés y tiennent un langage frôlant l'absurde, mais non dénué d'une certaine poésie postmoderne.

« Ils disent n'importe quoi, mais comprennent ce n'importe quoi. Ici, la performativité du langage affecte son sens », souligne le commissaire Mark Lanctôt.

Le duo croit d'ailleurs que la technologie et la culture avancent plus vite que la compréhension qu'en ont les gens. 

Les récits tournent autour de groupes de jeunes égocentriques qui parlent de tout et de rien et qui aiment, surtout, être regardés. Dans presque tous les cas, une caméra nerveuse filme ces personnages étranges, qu'on pourrait qualifier de « mutants », dont l'un dira : « Je sais que je mens pour me droguer... »

Sombre avenir, lutte des castes, violence du langage et des actions. Ne serait-ce pas plutôt de notre époque que parlent Fitch et Trecartin ? À une réponse claire, le duo préfère nettement l'ambiguïté. Ça n'en est que plus troublant.

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Au MAC jusqu'au 5 septembre

Photo fournie par l'artiste

Simplicité et rigueur, recyclage et archivage, nature et culture semblent être les mots d'ordre de Liz Magor.