Artistes de l'image, Sophie Bissonnette, Martin Duckworth, Joyce Rock, Maja Borg, Marguerite Duras, Sara Eliassen, Silvia Gruner et Waël Noureddine sont à l'honneur actuellement à la galerie SBC qui présente six oeuvres vidéo dans le cadre d'une réflexion sur l'influence de l'amour dans l'action politique.

Est-ce que l'huître dort? Joli titre pour une exposition, mais il cache quelques tourments... Derrière cette question que la commissaire mexicaine Irmgard Emmelhainz a tirée d'un livre de la romancière brésilienne Clarice Lispector (1920-1977), il y a l'idée de notre capacité à réagir à la suite d'agressions extérieures, notamment sociales et économiques. Comme lorsque l'huître, aspergée de citron ou de vinaigre, se tortille d'anxiété avant de succomber à l'appétit humain. 

Cette capacité de réaction est-elle vaine? Est-elle mue par l'amour? Par une défense de soi-même? Ou l'est-elle par une irrépressible envie de faire le bien aux autres, notamment par l'action politique?

Irmgard Emmelhainz aime aborder les enjeux du néolibéralisme. Pour cette exposition où Éros dialogue avec Kairos, le dieu de l'opportunité, elle a réuni six oeuvres (pour quatre heures de projections!) qui parlent d'engagement politique quand elles n'en sont pas elles-mêmes l'expression.

Parmi ces oeuvres, deux sont plus anciennes. D'abord, Une histoire de femmes, le documentaire de Sophie Bissonnette, Martin Duckworth et Joyce Rock, sorti en 1980, sur les tensions que vécurent des femmes de mineurs après qu'elles se furent engagées auprès de leurs maris, lors de la grève historique de 1978-1979 à la société Inco, à Sudbury. Le documentaire avait remporté le prix du meilleur film de l'année par l'Association des critiques du Québec. Un documentaire féministe bien fait sur la voix des femmes et leur perspective par rapport à la réalité d'une grève.

Marguerite Duras

Autre spectre, plus impressionniste, avec Les mains négatives, un court métrage de Marguerite Duras de 1978. L'écrivaine française avait filmé Paris à l'aube, à bord d'une auto, quand la Ville Lumière est encore endormie. Elle avait accompagné ses images de sa voix lisant un de ses textes: un poème d'amour de la vie autant qu'une ode à l'art et à la beauté alors que Marguerite Duras évoquait l'art pariétal. D'où ces mains négatives sur les parois des grottes préhistoriques. En signe d'amour et d'esthétisme, oui, mais aussi comme un manifeste et une affirmation sociale. Tout comme la quête du beau dans les rues de Paris.

Parmi les oeuvres plus récentes, nous avons bien aimé Ça sera beau (From Beyrouth With Love), du cinéaste libanais Waël Noureddine, réalisé en 2005 à la suite de l'assassinat du politicien Rafiq Hariri. Les images de Beyrouth sont déprimantes. L'armée partout, la tension permanente. La violence couve. Des jeunes se piquent à l'héroïne. Le cinéaste n'a pas voulu dépeindre le désespoir, mais il transpire partout. L'amour y semble absent, excepté peut-être le sien pour une cité qu'il voudrait enfin pacifiée.

Plus complexe et plus cinématographique, la vidéo A Blank Slate, de la Norvégienne Sara Eliassen, nous embarque dans les pérégrinations d'une femme visiblement mal dans sa peau, errant dans les quartiers d'une ville côtière californienne. Entrecoupant la narration de références à l'histoire du cinéma, Eliassen a réalisé une oeuvre bien tournée, étrange, hollywoodienne dans sa facture, mais que l'on sent un peu hors sujet par rapport au thème politique de l'exposition. 

Future My Love, par contre, est une vidéo de 93 min de la Suédoise Maja Borg, bien ancrée dans un questionnement sur la valeur du progrès et ses conséquences pour les relations humaines. Un film intéressant sur notre propension à oublier le bonheur collectif en nous repliant sur nous-mêmes et nos proches.

Enfin, avec Un chant d'amour (2004), l'artiste mexicaine Silvia Gruner propose un film muet inspiré du court métrage du même nom que l'écrivain français Jean Genet avait sorti en 1950 pour narrer la relation passionnelle entre deux prisonniers malgré leur séparation par un mur et par les âges. Elle reprend le même concept avec un homme et une femme, mais aussi avec deux hommes, utilisant de lents mouvements de caméra pour passer d'un personnage à l'autre. Une oeuvre d'une grande sensualité.

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Est-ce que l'huître dort?, à la galerie SBC (372, rue Sainte-Catherine Ouest, espace 507, Montréal), jusqu'au 9 juillet.