Pionnière en art vidéo et en performance, l'Américaine Joan Jonas aura droit à sa première grande rétrospective canadienne en avril prochain à DHC/ART.

La commissaire de l'exposition, Barbara Klausen, a confié à La Presse que certaines parties de l'oeuvre They Come To Us Without a Word, avec laquelle Joan Jonas a représenté les États-Unis à la Biennale de Venise cette année, feront partie de la rétrospective présentée à Montréal.

Joan Jonas se dit «très heureuse» de son exposition en préparation à DHC/ART. Cette grande artiste visuelle américaine vit à New York depuis toujours, mais possède une résidence secondaire en Nouvelle-Écosse.

En vidéo et performance, Joan Jonas est l'une des artistes les plus influentes des 50 dernières années. Née en 1936, elle est plus active que jamais et croit en un avenir des plus dynamiques pour les arts visuels.

«L'avenir des arts visuels est très ouvert en raison de meilleures communications et des nouvelles technologies. On est entourés par un monde commercial, mais je crois que l'auditoire pour les arts va en augmentant et les gens sont de plus en plus connaisseurs. Sauf que personne ne sait où tout cela ira, quel genre d'art on fera à l'avenir.»

Sans peur

De passage à Montréal ce soir, elle parlera de son travail depuis ses débuts et du fait qu'à la base de tout travail artistique, la recherche reste fondamentale.

«C'est devenu une idée académique, mais tous les artistes font de la recherche depuis toujours. Je parlerai aussi de mes oeuvres récentes en installation.»

«Mon travail part de l'intérieur, de ma sensibilité personnelle, poursuit-elle, mais est influencé aussi par le monde autour et le temps présent.»

«J'ai été influencée par le féminisme à une certaine époque, les grands mythes et les contes. Maintenant, je m'intéresse beaucoup à la guerre et à l'environnement.»

Elle aimerait aller constater de visu les dégâts causés par les sables bitumineux, notamment, ce qui lui apparaît comme l'équivalent moderne de L'enfer de Dante.

Joan Jonas n'a jamais eu peur des mots ni de rien d'autre, en fait, dans sa pratique de l'art. Maintenant à la retraite de l'enseignement au MIT, elle continue de donner des conférences et milite toujours en faveur de l'audace.

«Il y a un exercice que je fais avec mes étudiants qui s'appelle: "De quoi j'ai peur?". Personnellement, si j'ai peur de quelque chose, c'est une raison de plus de le faire.»

Rêvez et persévérez!

La créatrice dit ne pas avoir trop souffert du fait d'être femme en arts visuels. Elle ne saurait «faire autre chose que de l'art», avoue-t-elle. Son sort aura été différent de celui de Louise Bourgeois, par exemple, reconnue seulement vers la fin de sa vie.

«J'ai été chanceuse. Dans les années 60 et 70, c'était très ouvert à New York. Je me suis toujours sentie soutenue dans ce que je faisais. Le fait d'être femme n'a pas été un obstacle, comme il l'a été pour des femmes fonctionnant en galerie ou dans des circuits plus commerciaux.»

S'il y a un message qu'elle aime lancer aux jeunes à ce sujet, c'est de rêver et de persévérer.

«Si vous voulez être artiste, vous devez aimer le fait d'être artiste et de pratiquer votre art parce qu'il est possible que la reconnaissance ne vienne jamais.»

«Si vous aimez l'art, vous en ferez, peu importe le reste. Il faut trouver son contexte, sa personnalité.»

Même si elle expose maintenant un peu plus en galerie et dans les musées, elle ne se considère pas comme une artiste commerciale. Sa démarche est parallèle à un certain marché de l'art.

«J'ai des sentiments ambigus face au marché. C'est incroyable de voir les gens payer autant pour des oeuvres d'art. Cela n'a aucune commune mesure. Cela n'a plus rien à voir avec l'art, mais avec la finance.»

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Joan Jonas donne une conférence intitulée Looking In & Looking Out ce soir à 20 h à l'édifice Hall de l'Université Concordia (1455, boulevard De Maisonneuve Ouest).