Le Centre canadien d'architecture a ouvert ses portes il y a 25 ans. À sa direction, Mirko Zardini soufflera bientôt 10 chandelles. Mais c'est à l'avenir de cette institution internationale que songe cet homme de réflexion et d'action.

L'avenir du Centre canadien d'architecture (CCA) sera numérique. Du monde entier bien sûr, mais le CCA se situe justement à l'épicentre de la planète architecture. Son directeur, Mirko Zardini, parle du «numérique» comme du deuxième «édifice» du centre ouvert par Phyllis Lambert en 1989. «Le premier, physique, correspond à ce que l'on connaît déjà. Le deuxième est virtuel. Il sera dans le nuage numérique, mais d'une certaine façon, il est aussi important que le premier. Il faut penser l'ère numérique différemment. Il ne suffit plus de numériser nos contenus et de les mettre en ligne. Non. Les institutions comme la nôtre doivent conceptualiser et inventer quelque chose de nouveau», explique Mirko Zardini en entrevue avec La Presse

Cette nouvelle vision représente une petite révolution au sein d'une institution qui fonctionne essentiellement comme centre de recherche et musée. Les «deux» CCA ne s'adresseront pas nécessairement au même public, même si le travail reste le même: la création de contenu. 

«Dans notre transformation technologique, nous sommes un peu en retard, mais nous investissons des ressources importantes pour construire ce deuxième "édifice"», dit-il. 

Un tel changement nécessite également des ajustements dans l'organisation du travail dans une institution qui compte 102 employés. 

«Nous fusionnons les tâches éditoriales et de conservation. Nous pensons que ce sont les deux visages de la même problématique quand on considère le numérique. Nous venons d'embaucher trois personnes pour créer du contenu. Nous avons une équipe pour transformer tout ce que nous faisons en quelque chose de plus accessible pour le public», explique le directeur.

International

Après la retraite de Phyllis Lambert il y a un an, Mirko Zardini estime que le nouveau président du conseil, Bruce Kuwabara (du cabinet KPMB de Toronto), aidera l'institution à développer ses contacts au Canada et à l'étranger. 

«Nous ne sommes pas internationaux parce que nous exposons les travaux d'architectes du Chili et de la Chine, mais parce que nous embauchons des gens de partout dans le monde.»

«On ne veut pas devenir les Nations unies, mais ce que nous faisons et ce que nous sommes est profondément relié. Phyllis a établi un leadership que nous développons avec Bruce. Nous travaillons davantage en équipe, de façon horizontale, moins spécialisée. Et tout ce travail est reconnu à l'étranger puisque nous recevons de plus en plus d'archives et de prix du monde entier.»

Le CCA travaille aussi à la création de la première banque mondiale de l'architecture numérique à partir des archives de 25 projets architecturaux numériques expérimentaux. 

Avec la série récente d'expositions intitulée Archéologie du numérique, le Centre avait fait le plongeon, même si ça ne signifie pas que la technologie numérique soit la seule avec laquelle travaillent les architectes. 

«Il n'y a pas qu'une façon de faire, comme le démontre notre exposition actuelle. Il faut continuer d'utiliser les meilleurs outils possible pour atteindre les buts fixés dans un contexte donné. Les travaux d'Umberto Riva et de Bijoy Jain démontrent qu'il est nécessaire de penser différemment. Nous sommes contents d'avoir fait une exposition numérique et de passer à une approche plus physique, différente des pratiques architecturales connues ici.»

Architectes

N'empêche que les architectes doivent s'adapter également aux nouvelles réalités, croit le directeur du CCA. 

«Nous vivons une période où le pourcentage de changements est très grand. Il y a une accélération. Comme architectes, nous devons faire partie du débat sur ces changements. C'est une question de responsabilité morale. Pour aborder les problèmes de la société, nous devons garder l'esprit ouvert et toucher à tous les aspects de la vie. L'architecture peut faire partie d'une approche sociopolitique. Il faut amener les architectes à penser différemment, en se défaisant des idées préconçues.»

En fin de compte, le CCA restera donc cet endroit qui cultive et diffuse le savoir et la réflexion, à la fois musée et centre de recherche. 

«Les institutions, comme les musées ou les universités, si elles sont incapables de se remettre en question, perdront leur pertinence. Les universités ne peuvent pas que former des employés et les musées n'être que des lieux de divertissement. Ils existent pour donner des outils au public. Les gouvernements soutiennent très peu cette façon de voir. Nous sommes là pour offrir une résistance et une distance critiques en aidant les gens à comprendre leur vie et leur société.»