Du haut de son grand escalier elle contemple vingt-deux siècles... La Victoire de Samothrace, sculpture grecque et oeuvre vedette du musée du Louvre de Paris a retrouvé sa place mardi après une restauration de près d'un an financée par le mécénat et une campagne de dons individuels.

Dix mois ont été nécessaires, entre auscultation minutieuse et nettoyage, pour rendre son lustre à la célèbre statue ailée du IIe siècle avant Jésus-Christ qui trône au sommet du monumental escalier Daru. Elle pourra à nouveau être contemplée à partir de samedi, après d'ultimes réglages.

L'escalier qui mène jusqu'à elle, lui aussi en rénovation, restera en travaux jusqu'au printemps 2015.

La restauration de la Victoire de Samothrace réalisée au Louvre, dans la salle dite des Sept Cheminées, visait à nettoyer les différents marbres du monument, marbre blanc de Paros pour la statue, et marbre gris de Rhodes pour son socle.

«L'oeuvre n'était pas en danger, ni dans sa structure ni en surface, mais elle était considérablement encrassée par la poussière brassée sur l'escalier qui est le plus emprunté au monde pour un musée, avec sept millions de  visiteurs tous les ans», a expliqué à l'AFP Ludovic Laugier, un des commissaires de la restauration.

C'est notamment un lieu de passage pour accéder à deux autres joyaux du musée que sont la Joconde de Léonard de Vinci et la Vénus de Milo, autre statue grecque de l'époque hellénistique.

Outre la poussière, il convenait aussi d'ôter les vieux badigeons et autres retouches à l'aquarelle effectuées lors des précédentes restaurations, à la fin du XIXe siècle et dans les années 1930, qui avait fini par opacifier la surface du marbre.

«Le monument devenait difficile à percevoir dans sa réalité antique même si, lors d'une restauration, on ne souhaite pas retrouver l'état du matériau d'origine mais plus plutôt celui du marbre patiné par le temps», explique Ludovic Laugier.

Découverte en 1863 sur l'île grecque de Samothrace, en plusieurs morceaux, la statue représente Niké, la déesse messagère de la victoire.

Plusieurs découvertes

Le puzzle, qui présentait des pièces manquantes, a été remonté au Louvre entre 1880 et 1884 et partiellement complété avec du plâtre pour lui conférer sa silhouette actuelle.

La statue pose le pied sur une base en forme de proue de navire située sur un socle, l'ensemble mesurant 5,57 mètres de haut pour un poids d'environ trente tonnes.

Réalisée par une équipe de huit restaurateurs, dirigée par Daniel Ibled, la restauration de ce chef-d'oeuvre aura par ailleurs permis de réaliser plusieurs découvertes sur son histoire.

Une bande de couleur bleue, invisible à l'oeil nu, a été détectée au bas du manteau de la déesse grâce à de nouvelles méthodes d'analyse. «Nous avons aussi retiré une collerette en plâtre, qui cachait une mèche de cheveux de la Victoire pour restituer son cou tel qu'il était au XIXe siècle», relève Ludovic Laugier.

Autre avancée: sept fragments, parmi la trentaine restés dans les réserves du musée, ont pu être intégrés, (quatre sur la statue et trois sur le bateau) dont un fragment représentant trois plumes qui vient se placer sur la crête de l'aile gauche.

Pour financer ce chantier ambitieux, d'un montant de quatre millions d'euros, le Louvre est parvenu à réunir un million grâce à une campagne de dons individuels lancée en fin d'année dernière sur l'internet et à laquelle 6700 donateurs ont participé.

Trois mécènes ont par ailleurs soutenu le projet à hauteur de trois millions d'euros, complétant ainsi le financement: Nippon Television Holdings, F. Marc de Lacharrière (Fimalac) et Bank of America Merrill Lynch.

«Des classes entières ont fait des collectes dans leur écoles pour faire des dons», raconte Ludovic Laugier qui se souvient aussi du don «romantique» d'une jeune Américaine.

«Dans un mail elle explique que, lors d'un séjour à Paris, son compagnon lui avait fait sa demande en mariage devant la Victoire parce qu'elle s'appelait Vicky...»