Publié aux Éditions du passage, Entre avoir et être : deux collectionneurs s'exposent est une sorte de coming-out esthétique de deux amateurs d'art qui ont réalisé qu'ils avaient bel et bien constitué une véritable collection d'oeuvres d'art. La Presse a rencontré l'auteur du livre, Bernard Landriault.

Dans l'entrée, un collage de Rauschenberg. Plus loin le magnifique Studio K de Dill Hildebrand près d'une oeuvre verticale de Stéphane La Rue. Dans la salle à manger, une impression numérique de Gwenaël Bélanger côtoie un marbre de Denise Arsenault. Au salon, deux petites sculptures de Cozic dialoguent avec une oeuvre de Francine Savard accrochée au mur...

Bernard Landriault et son conjoint Michel Paradis ne se percevaient pas comme des collectionneurs d'art mais comme des «amateurs informés». Ils ont dû se rendre à l'évidence après avoir construit, pièce après pièce, une collection d'art contemporain qui a fait l'objet, en 2010, d'un documentaire d'Anne-Marie Tougas, Vivre avec l'art...un art de vivre.

Dans le cadre de son écriture, Bernard Landriault a interrogé le sens de sa collection. «L'aventure de lire et d'écrire sur cette question, notamment en philosophie de l'art, m'a beaucoup plu, dit-il. J'ai compris qu'on ne s'intéressait pas à ce qu'est l'art mais à ce que l'art nous fait. Pourquoi il nous fait vibrer.» Le livre n'est pas un coffee table book. C'est un ouvrage de réflexions illustré de 60 photos d'oeuvres prises dans leur demeure montréalaise et dans la maison de campagne qu'ils ont achetée pour installer les oeuvres en manque de murs!

Bernard Landriault y raconte son premier achat, à l'âge de 20 ans: une toile de Jean McEwen trouvée au Musée des beaux-arts, à l'époque où le musée louait des oeuvres avec la possibilité de les acheter ensuite. Et puis une toile en a appelé une autre. Bernard et Michel se sont rencontrés. Ils se sont mis à visiter galeries et musées, à voyager pour l'art et à collectionner, guidés par les valeurs exprimées par les oeuvres. «Notre collection est à l'image du Québec, avec Raphaëlle de Groot, Gabor Szilasi ou Patrick Bernatchez», dit Bernard Landriault.

Ils achètent quand ils sont émus ou «saisis». L'acquisition survient après un va-et-vient entre l'intellect et l'émotion. Il faut parfois se raisonner. Chaque fois que le couple a un coup de coeur, l'artiste vient installer l'oeuvre chez eux! Et il choisit lui-même celle qu'il faudra remplacer et qui ira dans la réserve!

Tous les deux sont proches des artistes. «Au Québec, on a une chance inouïe de les côtoyer, dit M. Landriault. C'est très important pour comprendre leur travail. Quand on établit une relation avec un artiste, il vous dit des choses qu'il ne dit pas aux autres. Ce sont des gens auxquels on tient. Cozic nous a dit qu'on aimait autant les artistes que leurs oeuvres. C'est vrai.»

Bernard Landriault estime que la collection ne ressemble pas au collectionneur mais que c'est le collectionneur qui ressemble à sa collection. «Collectionner de l'art contemporain, c'est être de son temps, se chercher dans son temps, dit-il. Et c'est plus une question d'être que d'avoir. Ces oeuvres-là sont plus ou moins à nous. Elles sont d'abord aux artistes. On les accompagne. Et en les accompagnant, on ne regarde plus l'art de la même façon. Les artistes changent notre regard. C'est ce qui est formidable.»

Le couple de collectionneurs ne vend pas ce qu'il acquiert et il se demande ce qu'il adviendra de leur collection après leur décès. «C'est inquiétant. On ne veut pas créer de fondation. Peut-être qu'on pourrait la donner à un jeune musée.» Ils ne veulent pas que s'éparpille ce qui est devenu un véritable lien entre eux. «La collection, c'est une histoire d'amour, dit Bernard Landriault. Une façon de vivre ensemble et de partager de manière très intime. Une façon d'être et de voir. Collectionner à deux, c'est idéal.»

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Entre avoir et être: deux collectionneurs s'exposent, Les éditions du passage, 220 pages.