Après Peter Gnass, Laurent Craste et Patrick Bérubé, Carlito Dalceggio a eu carte blanche en tant que commissaire à l'occasion des 10 ans de la galerie SAS. Le prince de l'originalité et du contre-pied a invité des amis artistes de trois continents pour créer The Reunion of the free spirits - In The Search of The Lost Sacred, une exposition d'oeuvres sur la quête du sacré et la patine des cultures du monde en art contemporain.

L'ésotérique, le magique, les cultures et les vénérations sont au coeur de l'exposition orchestrée par Carlito Dalceggio jusqu'au 19 janvier dans la galerie de Frédéric Loury.

«L'idée m'est venue de ce qu'on parle de plus en plus d'en finir avec ce monde moderne stérile, explique Carlito Dalceggio. Les gens deviennent de plus en plus conformes. L'avenir de la planète me préoccupe, tout comme la fin des traditions et du sacré.»

Très colorée, sonore, olfactive et même accessible dans la noirceur chaque mercredi, l'exposition est une expérience qui diffère de l'ambiance habituelle du cube blanc de la galerie d'art.

À l'entrée du studio 416 du Belgo, près d'une cloche de rituel qui pend du plafond, deux photos du photographe américain Lyle Oweko de jeunes et fiers guerriers de la tribu kényane des Samburu nous plongent déjà dans l'histoire des peuples et des croyances, des thèmes très présents dans les dizaines d'oeuvres présentées par Carlito Dalceggio et ses «esprits libres», notamment le peintre, DJ et compositeur turc Mercan Dede.

Ami et ex-directeur musical de Carlito Dalceggio quand celui-ci créait des événements pour Juste pour rire, Mercan Dede a participé récemment avec lui à une exposition très courue à la fondation Borusan Musik Evi Art, à Istanbul.

Influencé par le street art, Dede utilise le pochoir et beaucoup de découpages pour des tableaux qui mêlent techniques modernes et vieille calligraphie arabe.

«Je mêle les deux, un peu comme Montréal et Istanbul sont à la fois modernes et anciennes et diversifiées au niveau ethnique et linguistique, dit Mercan Dede. Je fais aussi le pont entre l'est et l'ouest. Je trouve ça dynamique et contemporain, pas nostalgique du tout.»

Il lui arrive d'accompagner ses oeuvres d'une bande sonore comme ce tableau de clown Arrow of light au pied duquel un gramophone diffuse de la musique de cirque jouée par un orgue de Barbarie.

Assassiner la réalité

Carlito Dalceggio présente 51 oeuvres, surtout des peintures, créées l'été dernier en Thaïlande et au Cambodge à la suite d'un rêve.

«Ce rêve s'appelait La grande procession pour l'assassinat de la réalité, dit-il. Mes héros marchaient avec moi pour aller assassiner la réalité.»

Ainsi, la toile The Grand Procession For The Assassination Of Reality est une succession de personnages tels que Mickey Mouse, Don Quichotte, Miles Davis ou Karagöz, la marionnette du théâtre d'ombres turc, qui partent les uns derrière les autres «assassiner la réalité qui nous rend esclaves», dit Carlito Dalceggio.

Travail et whisky

Lui qui fuit tout ce qui est technologie moderne a pourtant réalisé un «tableau en mouvement» sur un iPad en partant d'un dessin de Guernica transformé 3000 fois pour représenter un film de mythes de la peinture et rechercher «l'alphabet sacré». «Ça m'a pris beaucoup de travail et de whisky thaïlandais», dit-il en riant.

Il a aussi décoré et peint un authentique manuscrit arabe vieux de 200 ans et deux crânes de loup et de gazelle.

Après le vernissage, Carlito Dalceggio est parti en Amérique du Sud pour d'autres aventures et pour régénérer son âme et son art.

«Tous les deux ans, je change de ville, avec un nouveau loft et je n'amène jamais rien, sauf un canevas blanc et du papier. Pour repartir de zéro.»

The Reunion of the free spirits - In The Search of The Lost Sacred, des oeuvres de Carlito Dalceggio et ses amis, à la galerie SAS jusqu'au 19 janvier.