Salvador Dali est de retour à Paris, avec ses fulgurances et ses outrances. Le Centre Pompidou déploie les multiples facettes de l'artiste surréaliste catalan (1904-1989), dans une magistrale exposition qui ouvre mercredi au public.

Trente-trois ans après la grande rétrospective Dali qui avait attiré plus de 840 600 visiteurs - un record de fréquentation pour le Centre Pompidou jamais égalé depuis -, cette exposition réunit près de 200 oeuvres jusqu'au 25 mars.

Elle souligne que Dali n'était pas seulement un peintre et un sculpteur «génial» comme il aimait à se définir lui-même en toute modestie mais aussi un «touche-à-tout» talentueux, qui s'est intéressé au cinéma, au théâtre, aux sciences, indique à l'AFP Jean-Hubert Martin, commissaire général de l'exposition.

Adorant se mettre en scène, Dali était également «un pionnier de la performance», relève cet ancien directeur du musée national d'Art moderne qui a dressé un inventaire des oeuvres éphémères de l'artiste pour la première fois dans le catalogue, leur redonnant un statut artistique.

Parmi les quelque 120 peintures présentées, le visiteur se délectera de nombreux chefs d'oeuvres surréalistes comme Le grand masturbateur (1929) où s'expriment les angoisses sexuelles de l'artiste. Ou encore La persistance de la mémoire (1931) avec ses montres molles dont l'idée lui serait venue après avoir mangé un camembert, et qui sont devenues des icônes daliniennes.

Pour apprécier pleinement le vertige de sa peinture, il faut prendre le temps de promener son regard sur la toile, pour débusquer les images doubles, les formes cachées, les petits détails troublants qui éclairent l'oeuvre.

Plusieurs objets surréalistes sont au rendez-vous comme Le téléphone aphrodisiaque avec une langouste en guise de combiné. Ou encore le Buste de femme rétrospectif - un mannequin femme portant des épis de maïs autour du cou, la tête coiffée d'une baguette de pain et de figurines représentant L'Angélus de Millet, thème cher à Dali.

Sur la bouche de Mae West

Une grande installation autour de Mae West, actrice américaine des années 1920, a été partiellement recréée, les traits de la star devenant des éléments de mobilier. Les visiteurs pourront ainsi s'asseoir sur un canapé rouge dont les formes sont inspirées des lèvres pulpeuses de la star.

Pour faciliter l'immersion dans l'univers onirique de Dali, le visiteur entre via un oeuf géant qui recèle une photographie de l'artiste en position foetale.

A la fin de la visite, il débouche sur une salle labyrinthique illustrant le cerveau de l'artiste, livres, manuscrits, films évoquant son univers intellectuel. «On est entré corps. On sort esprit», explique Thierry Dufrêne, l'un des commissaires de l'exposition avec Jean-Michel Bouhours.

Entre les deux, un parcours fluide, sans cimaises au milieu, comme Dali en avait émis le souhait pour la première exposition mais sans l'obtenir. Des «kiosques» centraux présentent dessins et petits tableaux.

En novembre 1979, le maître, âgé de 85 ans, avait essuyé une autre déconvenue: arrivé en Rolls-Royce, Dali n'avait pu accéder au vernissage de son exposition car il avait été bloqué par des syndicalistes qui venaient d'entamer un mouvement de grève...

Le nouveau cru de Beaubourg consacré à cet artiste populaire, roi de la provocation, contesté pour sa cabotinerie, son goût de l'argent, et son ambiguïté politique, devrait attirer un très large public.

Toutefois le président du Centre Pompidou, Alain Seban, a déjà averti que l'exposition 2012 ne pourra pas «égaler ni même approcher» les chiffres de fréquentation de son aînée en raison des contraintes de sécurité accrues concernant le nombre de visiteurs.