Les artistes Mathieu Beauséjour, Julie Favreau, Steven Brower et Patrick Martinez participent en ce moment à l'événement d'art contemporain Montréal-Brooklyn, une initiative des deux chevilles ouvrières du Centre Clark, Claudine Khelil et Yann Pocreau, et du galeriste Alun Williams de la Parker's Box de Brooklyn. Le dialogue des quatre artistes visuels nous entraîne vers des réflexions toujours pertinentes sur les liens entre les arts, les sciences et la modernité.

Mathieu Beauséjour propose jusqu'au 24 novembre au Centre Clark une vidéo inspirée du printemps érable en interactivité avec un travail de l'Américain Steven Brower. Pour accéder à la vidéo Don't worry Darling, There will be more Riots in the Spring, il faut en effet passer à travers un sas semblable à ceux de la NASA, un vrai sas donc, réalisé par Brower, un artiste à mi-chemin entre la création scientifique et l'oeuvre artistique.

Du coup, cette «oeuvre» de Brower augmente très légèrement la pression interne de l'espace où se trouve la vidéo de Mathieu Beauséjour, une vidéo qui montre un homme aux cheveux blancs (l'acteur Gaétan Nadeau), le visage crispé, avec un oeuf dans la bouche, essayant de dire quelque chose.

«Le contexte fait qu'on entre dans un autre monde avec une autre pression, dit Mathieu Beauséjour. Dans le film, il y a le thème de l'attente. On attend quelque chose d'autre. Le printemps érable n'a pas donné tous les résultats espérés. L'homme est donc une figure d'autorité au bout du rouleau. Il ne lui reste que les incantations et la magie, car il est pris et ne sait plus quoi faire.»

L'homme sous pression, pris dans les filets de l'autorité, Mathieu Beauséjour complète sa réflexion à la galerie Ertaskiran avec son exposition le soleil invincible jusqu'au 10 novembre. On y retrouve ses recherches sur les liens entre le soleil, l'or et la monnaie, «l'astre bancaire» et nos âmes affairées dans la constellation capitaliste.

L'artiste engagé illustre ces liens avec sa photographie d'un «soleil» formé d'une liasse de billets (Gangstar), avec un long tube allant du sol au plafond et fait de pièces de monnaie désuètes trouées et enfilées dans un fil de fer tressé (Topsy-turvy 425 cm) ou encore avec une autre photo de soleil représenté par des vues de cahiers scannés par en dessus et placés en cercle (Cadran).

Il y expose également des photos du graphisme de l'intérieur des enveloppes qui contiennent nos factures de banques, d'entreprises de crédit, de l'assurance-chômage ou d'Hydro-Québec. Une sorte de tapisserie qui découle de sa fascination pour le papier monnaie et les petits motifs, une réflexion sur la perte des repères.

L'astre est encore une fois symbolisé par une vidéo de 23 minutes qui combine la respiration d'un tatouage solaire que l'artiste a sur son propre torse et le film d'un homme frappant sur un gong, le son hypnotique émis raisonnant dans toute la galerie.

Une même impression hypnotique se dégage des installations de Julie Favreau et Patrick Martinez au Centre Clark. Patrick Martinez a créé des sculptures avec des pailles et des connecteurs LINX de son invention. On se promène à l'intérieur de ses créations transparentes et aériennes pour aboutir à l'installation Anomalies de Julie Favreau, un travail conceptuel complexe portant notamment sur les rapports entre la science et l'art, une idée qui lui est venue à la suite de sa lecture de l'oeuvre Les oeufs fatidiques, de Mikhaïl Boulgakov.

Sa sculpture avec un serpent qui se tortille autour d'une structure non plane, sa vidéo sur nos relations avec les sciences et les techniques, le tout se combine à merveille avec les réseaux cellulaires ludiques de Martinez et les démarches de Beauséjour et Brower sur le pouvoir des masses, la liberté et la transmission du savoir.

www.montrealbrooklyn.com