Dans le cadre de l'événement d'art contemporain Montréal-Brooklyn, le centre d'artistes autogéré Articule présente les travaux de quatre artistes, deux montréalais (Jérôme Havre et Michelle Lacombe) et deux newyorkais (Patricia Smith et Emily Roz), qui chacun à sa façon marque son territoire identitaire.

Inspiré par la question de l'identité, de l'héritage et du territoire, Jérôme Havre expose deux oeuvres de 2012. D'abord Objet de travail, une longue rame en bois aplatie aux deux extrémités, symbole de départ mais aussi d'accoutumance, à laquelle est greffé, comme le lichen sur le tronc, un manchon de tissus colorés et cousus.

L'excroissance marque la transformation de l'usuel vers une complexité inutile et artistique et également l'apparition d'un paysage fictionnel qui s'est construit (s'est tissé et cousu, dans ce cas précis) avec le temps et les racines.

« Mon objectif est d'interroger dans mes explorations plastiques deux notions qui s'opposent, nature et culture, en mettant en avant les différentes expressions que prend la nature lorsqu'elle subit une transformation, dit Jérôme Havre. Objet de travail produit par sa reconversion un nouvel emploi à l'objet d'origine. »

Également, Jérôme Havre propose une vieille photo de touristes embarqués dans une grande pirogue. Leur tête a été tronquée et masquée pour évoquer le regard de l'autre, cet autre que l'on disait « étrange » et qui dévisage en tout temps le touriste, l'explorateur, le visiteur et l'exploiteur avec curiosité, peur, indifférence, ouverture ou envie. C'est selon.

Articule propose aussi les oeuvres d'Emily Roz, des peintures réalistes et très soignées d'animaux « à table », la carcasse dans la bouche, le sang dégoulinant au sol, des images crues qui rappellent que les espèces s'entre-dévorent, qu'elles soient humaines ou animales. Ces scènes sanguinaires sont intégrées dans une végétation luxuriante et fleurie comme paradisiaque. La survie de la faune comme de la flore, une violence inhérente de vie et de mort.

« Cela représente aussi l'apparition d'un territoire étranger par rapport à notre quotidien et qui fait partie de ce qu'est l'espèce humaine », ajoute Lotfi Gouigah, de la galerie Articule.

Travail extrêmement intéressant que celui de Patricia Smith, une artiste américaine fascinée par la cartographie. Il faut aller disséquer des yeux ses nouveaux Plot Plans for an Ideal City, des oeuvres récentes de petits formats, très détaillées, qu'elle crée avec un mélange d'aquarelle et d'encre de Chine, et qui représentent des cartographies d'états psychiques qui se réalisent sous la forme de planifications architecturales et urbaines.

Cela donne des cartes-dessins qui reflètent comment notre propre intériorité peut s'exprimer à l'extérieur, au sein de la société et notamment lors de réalisations urbaines sur le territoire.

« Un travail imaginaire, sensible, à la fois sensuel et rationnel, un traitement très personnel de la cartographie », commente Julie Tremble, coordonnatrice à la programmation d'Articule.

Enfin, l'artiste Michelle Lacombe propose avec Literary Landscape Drawing deux oeuvres performatives minimalistes, deux paysages rendus à leur plus simple expression avec ce qui semble être au départ deux traits de crayons à mine de plomb tracés directement sur le mur blanc de la galerie.

À y regarder de plus près, on s'aperçoit qu'il s'agit en fait d'une succession de traits qui impriment visuellement une topographie particulière et qui correspondent en fait aux traits que Michelle Lacombe a profilés au cours de ses lectures, ce qu'elle appelle « un horizon de la pensée ». Sa propre perception, son territoire personnel, sa topographie identitaire.

__________________________________________

Re-marquer le territoire au centre d'artistes Articule

Dans le cadre de Montréal-Brooklyn, jusqu'au 25 novembre

www.articule.org