De ses débuts dans la roulotte familiale à l'aventure américaine au côté de Duke Ellington, la Cité de la Musique à Paris raconte le swing unique du guitariste manouche Django Reinhardt, dans une exposition qui débute samedi.

Django Reinhardt, Swing de Paris, qui se poursuivra jusqu'au 23 janvier - jour anniversaire de sa naissance en 1910 -, a été confiée à Vincent Bessières qui a mis un an et demi à rassembler des archives auprès de collectionneurs privés.

La famille de Reinhardt, qui ne possède plus d'objets liés à la musique, a prêté des toiles réalisées par Django lorsqu'il s'était tourné vers la peinture, essentiellement des nus et des paysages naïfs.

Son petit-fils, David, est également intervenu auprès d'une famille manouche de Montreuil pour qu'elle veuille bien prêter pour l'exposition un banjo «réputé» comme ayant appartenu à Reinhardt et conservé comme une relique.

Car très rares sont les instruments de Django à avoir pu être authentifiés, alors que la plupart de ses biens furent brûlés à sa mort, selon la tradition tsigane.

«On ne peut avoir la certitude que sur un seul instrument, une guitare Selmer, léguée par sa veuve. On y distingue encore la déformation laissée par le ticket de métro que Django avait l'habitude de glisser sous le chevalet», explique Vincent Bessières.

L'exposition évoque chronologiquement le parcours du musicien, disparu il y a presque 60 ans, le 16 mai 1953.

Elle revient sur ses débuts dans les bals musette et sur l'incendie de sa roulotte qui lui fit perdre l'usage de deux doigts à l'âge de 18 ans.

Puis ce sont les débuts dans le grand monde au Palm Beach de Cannes, la naissance du quintette du Hot Club de France avec Stéphane Grappelli, les années de l'occupation allemande, heures de gloire paradoxales alors que les tsiganes sont persécutés par les nazis.

Valises déballées à la hâte

Suivent la tournée américaine avec Duke Ellington en 1946, le désintérêt progressif pour la musique, puis le retour vers un jazz plus moderne avec le be-bop et la disparition brutale à 43 ans.

Lettres, disques, partitions, affiches de concerts sont installés dans des vitrines ouvertes, comme des valises déballées à la hâte et prêtes à être refermées à tout instant.

Certaines sont adossées aux piliers, comme si elles venaient d'être posées là, d'autres évoquent des tables de billard, une des passions de Django.

Les documents évoquent par bribes la personnalité du musicien.

Des photos le montrent transmettant dès le berceau la passion de la musique à son fils Babik. Des lettres manuscrites, écrites d'une main hésitante, laissent entrevoir l'enfance nomade loin de l'école.

«Cette exposition m'a fait découvrir le mystère du génie, ce que je n'avais pas mesuré jusque là. L'ensemble des enregistrements de Django tient sur 40 CD et il est impeccable à chaque fois, il est d'un niveau d'inspiration incroyable», souligne M. Bessières.

Des caissons, rappelant les banquettes d'une roulotte, permettent d'écouter des oeuvres du musicien. Tous les vendredis et samedis, des musiciens actuels, héritiers de Django, viendront donner des mini-concerts dans l'enceinte de l'exposition.

Pour comprendre réellement l'originalité du jazz de Django, l'impact de son handicap sur son jeu ou sa façon de travailler, il faut se reporter au catalogue de l'exposition Django Reinhardt Swing de Paris (Éditions Textuel).

Écrit par l'Américain Michael Dregni, auteur en 2004 de The Life and Music of Gipsy Legend, la biographie de référence du guitariste, cet ouvrage contient une importante iconographie et des documents rares ou inédits.