L'Espagne a rendu mardi un hommage unanime à Antoni Tapies, un des plus grands noms de l'art contemporain européen mort lundi à Barcelone à 88 ans et salué comme un «maître de l'avant-garde».

«Le plus grand maître de la peinture de mon pays», «Un homme entier», écrivait le peintre catalan Miquel Barcelo dans un hommage à Antoni Tapies.

Malade depuis quelque temps, le peintre et sculpteur est mort lundi dans sa maison de Barcelone, sa ville natale. Il laisse derrière lui plus de 8000 oeuvres, dont beaucoup sont exposées dans les principaux musées d'art contemporain du monde, le Musée d'Art moderne de New York (Moma), le Centre Pompidou de Paris et la Tate Gallery de Londres.

«Poète de la matière» comme le décrit le quotidien El Pais, il s'est rendu célèbre en maniant avec originalité les matériaux pauvres: ficelle, fil de fer, paille, terre, chiffons ou papier déchiré.

Les funérailles du peintre, selon le souhait de sa famille, seront célébrées dans l'intimité. Pour saluer sa mémoire, la Fondation Tapies de Barcelone, qui expose ses oeuvres, devait ouvrir gratuitement au public mardi et mercredi.

De toute l'Espagne, les hommages ont afflué, le chef du gouvernement Mariano Rajoy saluant «un des plus grands rénovateurs de l'art du XXe siècle». «Son oeuvre et sa trajectoire resteront dans la mémoire de tous comme une référence d'excellence indélébile des arts plastiques, tant en Espagne que dans le reste du monde».

Pour le chef du Parti socialiste, Alfredo Perez Rubalcaba, «Tapies a probablement été l'artiste espagnol le plus important de la seconde moitié du XXe siècle». «Tapies était radicalement libre dans sa créativité, et cette liberté s'est manifestée aussi bien dans son travail que dans son engagement éthique dans la société».

Le directeur du Reina Sofia, l'un des grands musées de Madrid, Manuel Borja-Villel, a rendu hommage à l'artiste qui fut «capable de créer un nouveau langage» dans les arts plastiques.

«C'est une triste nuit», a déclaré lundi M. Borja-Villel, «mais l'important, c'est qu'il nous reste ses oeuvres, qui sont extraordinaires, ainsi que son travail de collectionneur, sa fondation et ses écrits».

Né le 12 décembre 1923, artiste autodidacte profondément marqué par les atrocités de la Guerre civile, Tapies avait acquis une reconnaissance internationale avec ses toiles et compositions étonnantes, parfois réalisées avec des matériaux de récupération.

Son oeuvre a été associée à d'autres grands noms de l'art du XXe siècle, comme Joan Miro et Salvador Dali, eux aussi catalans, et au mouvement surréaliste. Antoni Tapies avait aussi rencontré Pablo Picasso en France.

En 1983, il avait reçu la médaille d'or de la Generalitat, le gouvernement autonome de Catalogne, deux ans après avoir reçu le prix de la Fondation Wolf des arts. Il avait également reçu le prix prince des Asturies des arts en 1990, la médaille Picasso de l'Unesco en 1993 et le prix Velazquez des arts  plastiques en 2003.

Le roi Juan Carlos d'Espagne lui avait décerné en avril 2010 le titre de marquis de Tapies.

Dans les années 1960, Tapies avait pris part à la résistance contre la dictature de Francisco Franco, un engagement qui lui avait valu une amende et une brève détention.

En 1984, l'artiste avait créé la Fondation Antoni Tapies pour promouvoir l'étude et la connaissance de l'art contemporain. A cette fin, la Fondation a établi son siège en 1990 à Barcelone, dans l'ancienne maison d'édition Montaner i Simon, oeuvre de l'architecte moderniste Lluis Domenech i Montaner.

Une fois restauré, l'édifice, construit entre 1881 et 1885, a accueilli de nombreuses expositions. Il réunit l'une des plus vastes collections des oeuvres de Tapies, constituée en majorité de donations de l'artiste lui-même.