La Triennale 2011 du Musée d'art contemporain de Montréal démontre, comme l'avait fait celle de 2008 par rapport à l'art canadien notamment, que les pratiques québécoises s'arriment parfaitement à l'avant-garde mondiale.

Qu'ils soient nés ici, qu'ils y aient étudié ou qu'ils y vivent, les artistes « émergents » - certains le sont plus que d'autres - présentés par le MAC assument les enseignements de l'art contemporain et s'en inspirent pour créer un corpus où l'on s'amuse à brouiller les pistes entre les modes d'expression et les esthétiques, les supports et les



>>> Voyez les artistes de la Triennale québécoise en entrevue.

Beaucoup de vidéos sont présentées, mais les artistes utilisant ce médium savent approfondir ses qualités esthétiques en évitant les évidences narratives.

Les oeuvres d'Olivia Boudreau, Jacynthe Carrier, Nelson Henricks, Thomas Kneubühler et de Charles Stankievech sont exemplaires à cet égard.

Ces artistes fouillent les images en mouvement pour en tirer des « tableaux » où priment la composition, les lignes et la perspective. Rien ne sert de chercher le fil du récit. Il se dissout, selon le cas, dans l'absurde, le mystérieux et parfois, l'engagement social.

En plus de «filmer», Ève K. Tremblay et Julie Favreau mêlent également à leur pratique un intérêt pour la littérature et le théâtre.

Tremblay réfléchit intelligemment à la complexité des liens entre les images et les sons en se servant de mots sortis de leur contexte littéraire, tandis que Favreau nous plonge dans un atelier qui prend l'allure d'une pièce de théâtre essentiellement sensorielle.

Pour leur part, Marie-Andrée Cormier ainsi que le duo Baumann-Leoni insèrent la vidéo dans des installations où l'architecture interagit entre les « acteurs » des images et les spectateurs. Le visiteur participe à un jeu entre fiction et réalité, l'intime et le public. Fascinant.

Immersion, interaction

L'un des enjeux majeurs en art contemporain consiste d'ailleurs à poser la question: qui est l'auteur de l'oeuvre?

Maître international en la matière, Rafael Lozano-Hemmer a pu enfin profiter, lors des premiers jours de la manifestation montréalaise, d'une vitrine grandiose à la mesure de son talent. Son «architecture relationnelle» mettait littéralement dans les mains des spectateurs la fabrication d'un nouveau ciel et lumière tous les jours.

Lieu équivalent de tous les possibles, l'atelier se trouve au centre des préoccupations d'autres artistes comme Massimo Guerrera, Mark Igliorte et le duo Holyoak-Shane.

Guerrera subjugue avec son installation immersive, tendance un peu new age, où les murs semblent se refermer sur nous. C'est un univers étroit, mais ouvert, puisque le travail semble toujours en devenir. Idem chez Holyoak-Shane. Les peintres donnent l'impression d'avoir quitté les lieux quelques minutes seulement, nous laissant au creux d'une forêt en noir et blanc, belle et inquiétante à la fois.

Sculpture, abstraction

La réussite de la Triennale tient beaucoup à la mise en scène presque impeccable des conservateurs. Peut-être au détriment de certains artistes, en peinture et sculpture par exemple, qui auraient mérité une présence au sein de la manifestation, les organisateurs ont cependant gagné en homogénéité.

Soulignons la qualité des présentations des artistes comme Jessica Eaton, Numa Amun, Matthew Biederman, Chris Kline, Fabienne Lasserre, Stéphane La Rue et François Morelli.

Leur travail sur les couleurs et les formes, en abstraction ou dans une approche plus conceptuelle démontrent, comme le dit si bien le titre de la Triennale, l'ampleur et la pertinence du travail qui nous (les) attend.

Voulant laisser sa trace, François Morelli pratique des « actions performatives », mais la fixation de ses empreintes de pied sur le sol et leur présentation en bannières nous parle aussi des origines mêmes de la gravure.

Simplicité du regard et travail minutieux aussi chez La Rue, Eaton et Biederman qui usent beaucoup des couleurs primaires, comme d'un brillant retour vers le futur par rapport à des approches et des concepts du siècle précédent.

Cette pratique, en apparence simpliste, trouve son paroxysme dans l'oeuvre de Numa Amun où des planches anatomiques deviennent des architectures cinétiques évoquant un au-delà de l'espace-temps. Magique.

Foisonnement

Quoique foisonnante, l'offre de la Triennale n'échappe pas à quelques facilités. Tous les artistes présents ne sont pas au même niveau de développement. Des recherches abouties côtoient du travail plus élémentaire. Inévitable, dans un événement du genre.

Dans l'ensemble, les créateurs retenus donnent une merveilleuse idée de la vitalité et l'à-propos de l'art québécois. La plupart des oeuvres sont accessibles, même si certaines relèvent de recherches fort complexes.

En 2011, s'il ne roule pas dans la locomotive de l'art contemporain, l'art québécois se meut au sein d'un wagon distinct, solidement accroché à ce qui se fait de plus intéressant sur la planète.

Notez qu'il est fortement recommandé de parcourir la Triennale en deux ou trois visites.

Le travail qui nous attend au Musée d'art contemporain de Montréal jusqu'au 3 janvier 2012.