L'édifice Belgo abrite en ce moment trois expositions éclairantes où les artistes Louise Lemieux Bérubé, Francesca Penserini et Kent Monkman jouent avec les formes, les images et les apparences.

L'amateur d'art sait se faire une amie de la pluie quand la météo joue les trouble-mai: industrieux centre d'art contemporain du centre-ville, le Belgo est une parfaite échappatoire ces jours-ci avec trois expositions sources de lumière.

Dans la galerie SAS de Frédéric Loury, Louise Lemieux Bérubé expose jusqu'au 4 juin Des pixels et des fils, quelques-unes de ses oeuvres réalisées avec un métier à tisser Jacquard, du nom de son inventeur, le Lyonnais Joseph Marie Jacquard, qui a créé en 1801 cet équipement qui a fait la renommée des soieries de Lyon.

Les oeuvres de Louise Lemieux Bérubé ont l'apparence de tapisseries, mais son tissage reconstitue en fait une photo intégrée par ordinateur. Mme Lemieux Bérubé est connue pour son expérience dans l'utilisation des techniques Jacquard. Elle les a étudiées aux États-Unis et en France où elle a rencontré les créateurs d'un logiciel qui lui permet, depuis plus de 15 ans, de tisser à peu près n'importe quoi.

Son oeuvre Un orteil dans le vide, par exemple, est composée d'acier inox, de laine, de lin, de tencel et de cuivre. Réalisée en 2010 à partir de deux photos juxtaposées «tissées» sur quatre panneaux de tissu, elle présente deux artistes de cirque, dont Frédéric Lemieux-Cormier sur sa roue allemande. Une mise en scène dynamique que l'on retrouve avec Flowers, constituée de trois photos du danseur butô Yoshito Ohno.

«Mon défi est technique, dit l'artiste. Je n'aurais pas la patience de tisser avec une navette. Là, le métier suit le fichier que je lui donne. Je vois l'image se créer avec un fil d'acier vertical et un fil de cuivre horizontal tous les quatre rangs.»

Elle parvient ainsi à créer des zones de densité dans ses oeuvres, ce qui lui permet d'instaurer des reliefs. Les oeuvres sont ainsi tridimensionnelles.

Louise Lemieux Bérubé prépare une exposition pour la maison de la culture Frontenac à l'automne, puis une en Lituanie. Elle est en production actuellement, même si elle est sérieusement handicapée depuis qu'elle s'est fracturé trois doigts de la main droite lors d'une chute alors qu'elle faisait de la course à pied en Californie...

Francesca Penserini

À la galerie Circa, très belle installation de Francesca Penserini jusqu'au 28 mai. Les Gisants, le Clair et l'Obscur est composée de sculptures et de peintures où le tissu joue encore un rôle. L'artiste a réalisé des «gisants», corps masculins et féminins formés au fusain et faisant penser à ces sépultures médiévales en pierre où l'on reproduisait le corps du défunt.

Près de ces peintures grandeur nature, l'artiste a installé des dessins de drapés et des «draps blancs» disposés sur des présentoirs, linges que l'on pense à première vue faits de coton et qui sont en fait en plâtre. «Le tissu marque la présence au monde, de l'origine à la disparition du corps», note la commissaire Maryse Ouellet, chercheuse de McGill qui s'intéresse à la temporalité en art contemporain.

Kent Monkman

Un autre petit morceau de tissu laissé par égard aux bonnes moeurs est la seule chose qui vêt le vrai modèle que l'artiste torontois Kent Monkman a «planté» dans L'Atelier, une installation vivante que «Miss Chief Eagle Testickle» propose dans la galerie Pierre-François Ouellette art contemporain jusqu'au 25 juin.

L'installation est un clin d'oeil à la gymnastique intellectuelle et manuelle de cet artiste d'origine crie qui ne cesse de nous surprendre par ses folies et son talent de mettre en scène un autre regard sur l'histoire canadienne. Un regard où l'homme blanc est l'objet et non l'autochtone. D'où le modèle presque entièrement nu trônant près des pinceaux, des tubes de peinture et de ses sources de recherche.

Rappelant les toiles qu'on a vues récemment à la galerie Leonard&Bina Ellen de l'Université Concordia dans le cadre de son exposition C'est avec la couronne que j'ai conclu un traité, L'Atelier développe le processus de création de Kent Monkman.

Le jeune garçon nu dans L'Atelier devient même une peinture grâce à un cadre judicieusement placé au-dessus d'un divan Récamier...

Au Belgo, 372, rue Sainte-Catherine Ouest: Des pixels et des fils, de Louise Lemieux Bérubé, à la galerie SAS jusqu'au 4 juin; Les Gisants, le Clair et l'Obscur de Francesca Penserini, à la galerie Circa jusqu'au 28 mai; L'Atelier, de Kent Monkman, à la galerie Pierre-François Ouellette art contemporain jusqu'au 25 juin.