Le sculpteur britannique d'origine indienne Anish Kapoor s'empare de la nef du Grand Palais à Paris avec Leviathan, un monstre rouge sombre, qui engloutira le visiteur à partir du 11 mai, à l'occasion de la quatrième édition de Monumenta.

«C'est une immense sculpture vide de près de 80 000 m3, une grande enveloppe rouge sombre qui tiendra grâce à la pression de l'air insufflé à l'intérieur», révèle à l'AFP Jean de Loisy, le commissaire de l'exposition.

L'installation de l'oeuvre vient de commencer. Il faudra un semaine pour la monter. Elle sera exposée pendant six semaines jusqu'au 23 juin.

Anish Kapoor a annoncé mardi dédier son oeuvre à l'artiste chinois Ai Weiwei, jugeant «inacceptables» son arrestation et sa disparition il y a un mois. «Quand les gouvernements réduisent au silence les artistes, cela témoigne de leur barbarie», a estimé M. Kapoor dans une déclaration écrite à l'AFP.

Lancé en 2007 par le ministère français de la Culture, Monumenta est un événement culturel qui propose à un artiste contemporain renommé de créer une oeuvre inédite pour l'espace monumental de la nef du Grand Palais.

Après l'Allemand Anselm Kiefer en 2007, l'Américain Richard Serra en 2008, le Français Christian Boltanski en 2010, c'est au tour d'Anish Kapoor de se mesurer au Grand Palais et à son immense verrière.

«Le Grand Palais est un espace incroyable, merveilleux, qui paraît encore plus grand quand on est dedans», a déclaré Anish Kapoor à l'AFP, lors de l'un de ses passages à Paris à l'automne. «Son échelle représente une véritable défi», a relevé l'artiste, qui a reçu le prestigieux prix Turner d'art contemporain en 1991.

Le sculpteur, né en 1954 à Bombay, a choisi de réaliser «une seule oeuvre, une seule couleur, une seule forme». «Je veux que les visiteurs éprouvent une sorte de choc, esthétique mais aussi physique», a expliqué l'artiste.

Pendant des mois, les détails de l'oeuvre ont été tenus secrets mais à quelques jours de l'ouverture, les organisateurs ont accepté de lever une partie du voile.

La sculpture sera «impressionnante physiquement pour le visiteur qui se retrouvera face à une muraille de couleur rouge de plus de 35 m de haut avec extrêmement peu de recul. Cela lui donnera conscience de sa vulnérabilité», explique M. de Loisy.

Mais avant de prendre conscience de sa petitesse, le visiteur expérimentera un étrange voyage à l'intérieur du ventre d'un monstre. Il avancera dans un espace utérin, rouge sombre, faiblement éclairé.

«Quand vous approcherez de ce monstre, vous aurez une impression physique mais surtout une impression de mémoire», indique M. de Loisy. «Cette obscurité, nous la connaissons tous. Ce peut être le ventre de la mère. Mais de façon plus large, l'artiste essaie de nous plonger dans une situation psychique qui nous renvoie à des souvenirs oubliés», ajoute-t-il.

Le titre de l'oeuvre Leviathan renvoie à un monstre aquatique de la mythologie phénicienne, mentionné dans la Bible. Mais aussi au livre de Thomas Hobbes où le Léviathan est une métaphore pour l'Etat tout puissant.

L'oeuvre de Kapoor est une prouesse technique. Des milliers de lés (bandes) de PVC ont été soudés entre eux. Les soudures forment un dessin élégant et très travaillé, comme les tendons d'un muscle.

Mais l'artiste n'apprécie guère que l'on rentre trop dans les détails techniques de l'oeuvre. «Elle doit rester magique», souligne M. de Loisy.