Les falaises des Vaches Noires, sur la côte normande, regorgent de fossiles d'animaux marins contemporains des dinosaures. Le Paléospace, qui a ouvert la semaine dernière à Villers-sur-Mer, fait revivre cette faune jurassique où se côtoyaient ammonites, poissons filtreurs et crocodiles des mers sous le règne du redoutable Liopleurodon ferox.

«Nous sommes le seul musée à présenter les reptiles marins», souligne Karine Boutillier, la directrice du Paléospace.

Les paléontologues et les amateurs de fossiles connaissent bien Villers-sur-Mer, station balnéaire de la côte fleurie, située entre Deauville et Cabourg. Ses falaises des Vaches Noires s'étendent sur 5 kilomètres de long sur 100 mètres de hauteur; elles sont composées d'une argile très peu calcaire. Sous l'action de la mer, cette marne s'érode et dépose les fossiles qu'elle recèle sur la plage. Les plus anciens remontent à 165 millions d'années, c'est-à-dire à l'ère jurassique.

Les fossiles exposés au Paléospace proviennent tous des Vaches Noires, où ils ont été collectés au cours des deux siècles écoulés. Les vitrines présentent un fémur de crocodile, des vertèbres de reptile, des fossiles de moules jurassiques, d'huîtres griffées et d'ammonites - il faut imaginer une grosse coquille d'escargot dont dépassaient des tentacules de calamar.

À cette époque-là, la France était sous les eaux; seuls le massif armoricain, le massif central et une partie de la Côte d'Azur étaient émergés.

Pour redonner forme aux animaux qui s'ébattaient dans ces flots, le Paléospace a reconstitué des squelettes. Les falaises des Vaches Noires sont en effet tellement friables qu'«on trouve beaucoup de morceaux mais jamais l'animal en entier», explique Adeline Aumont, attachée de conservation du patrimoine. Ce sont donc des moulages qui recréent la carcasse du crocodile marin, du reptile au long cou et à petite tête et du Liopleurodon ferox. Doté de dents acérées de plus de 10 centimètres, ce pliosaure pouvant atteindre les 10 mètres de long faisait régner la terreur dans les mers. C'était en quelque sorte l'équivalent aquatique du tyrannosaure.

Aux côtés de ces répliques, le Paléospace présente un véritable squelette, celui d'un Ichthyosaure ophtalmosaurus, une sorte de dauphin aux yeux démesurés. C'est un collectionneur privé qui a prêté ce squelette surnommé Anna, découvert à 80 pour cent complet aux États-Unis. L'animal qui évoluait il y a 150 millions d'années dans la mer du Kansas est semblable à ceux qui peuplaient les eaux normandes. Il était capable de plonger dans les grandes profondeurs, où il fait sombre. Les scientifiques pensent donc que ses yeux immenses lui permettaient de récupérer le plus de lumière possible. Sur le squelette, Adeline Aumont montre l'os au milieu de chaque oeil: «on imagine que ça protégeait l'oeil des grandes profondeurs».

Le musée est adapté aux enfants, à qui sont proposés des ateliers et des activités. Sa visite peut se compléter d'une excursion guidée sur la plage au pied des falaises des Vaches Noires, où l'on peut récolter ses propres fossiles. Cette découverte du site géologique est organisée par le Paléospace pour les groupes, par l'office du tourisme pour les individuels.