MM. Lanthier et Saint-Jacques, de la galerie Art mûr, ne s'attendaient pas à une telle réaction des visiteurs qui se disent «enchantés» par une si «belle exposition» ! Ce n'était pas leur intention de faire «beau» avec un thème aussi sérieux: la mort.

L'exposition qui occupe deux étages de cet ancien magasin de meubles regroupe des oeuvres de 18 artistes réunies sur le thème Memento Mori/Bone Again. Ces artistes québécois, canadiens, européens, américains... ont une chose en commun: ils sont attirés par les crânes, les ossements et d'autres motifs représentant la mort et la dégénérescence. Il faut voir ce qu'ils font sous le coup de cette inspiration.

Il y a là des pièces de taille impressionnante comme cet astronaute sculpté avec adresse dans le bois et dont la tête, sous le casque, est le crâne d'un mort. C'est lui, pétrifié, qui nous accueille quand on entre dans la galerie. Il est tellement bien fait qu'on en oublie la morbidité du sujet (Dead Astronaut de Brandon Vickerd). Parmi les sculptures de grande taille, il y a aussi les animaux préhistoriques grandeur nature de Bevan Ramsay qui a droit, lui, à une exposition solo (Jersey Girls) à l'intérieur de l'exposition thématique. Ses squelettes de tricératops sont construits à la manière des jeux miniatures pour enfants. Ils portent de jolis motifs de tapisserie décorative. Dans le cas de Ramsay comme celui de Vickerd, la qualité de l'exécution est remarquable. Même si le propos de Vickerd est sérieux: jusqu'où peut aller un artiste pour attirer l'attention sur son oeuvre sans perdre sa virginité créatrice.

Il y a de grandes pièces dans cette exposition, mais aussi de toutes petites, touchantes. Comme ces têtes d'oiseaux morts, en verre coloré. Si beaux, mais tellement morts, qui nous rappellent combien la vie est fragile (Bird Skull, de Shawn Ayerst). Aussi, la série de porcelaines de Catherine Heard (Memento Mori), minuscules squelettes blanchâtres déposés comme des bijoux dans leur écrin.

Au centre de l'exposition, une oeuvre de cette vedette internationale, et très coûteuse, qu'est devenu le Britannique Damien Hirst. On peut dire qu'il est à l'origine de cette tendance aux ossements dans l'art actuel... Il s'agit d'une sérigraphie réalisée à partie de la photo d'un de ses (vrais) crânes garni de pierres précieuses. Autour de l'oeuvre sur papier, de la poussière de diamants. (For the Love of God, Laugh). Vous verrez d'autres crânes, vrais ou faux, garnis de petites pierres miroitantes, qui servent de lampes kitsch chez Laura Kikauka. Ou d'objets disco chez Christoph Steinmeyer.

Sculpteur à découvrir

Al Farrow, sculpteur américain, est un artiste à découvrir. Même si la pièce qu'il présente semble modeste par rapport à d'autres dans cette exposition, elle est remarquable tant dans l'exécution que dans le propos. Humerus of Santo Guerro est constitué d'un os placé dans une sorte de globe dont tous les éléments sont faits à partir de pièces d'armes à feu: colonnes en bouts de fusils, motifs décoratifs en plombs de munitions, etc. Mais aussi des petits christs en croix qui semblent empruntés à des chapelets catholiques d'antan. Son propos est clair: la religion tue. On aimerait bien une exposition solo de cet artiste dans l'un de nos musées.

D'autres exemples d'oeuvres exposées: la série de 50 crânes de vaches et de chèvres badigeonnés de silicone rose de Karine Turcot, les sculptures en bois à crânes d'ours noir de Jean-Robert Drouillard, les montages photographiques de Nicholas et Sheila Pye...

Mais d'où vient donc cette attirance pour les crânes et les ossements qui se retrouvent depuis quelques années dans les bijoux, accessoires, tatouages, vêtements, etc. Même ceux destinés aux enfants? Sans oublier l'art contemporain.

C'est la question que pose cette exposition qui, malgré la gravité du sujet, est une des plus belles jamais présentées chez Art mûr. Une manière qu'a trouvée la galerie de marquer son 15e anniversaire.

Memento Mori/Bone Again, à la galerie Art mûr, 5826, rue Saint-Hubert, jusqu'au 23 avril. Ouvert mardi et mercredi, de 10h à 18h; jeudi, vendredi, de 12h à 20h; samedi: de 12h à 17h. Entrée libre.