L'exposition solo de l'artiste canadienne d'origine indienne Sarindar Dhaliwal à la Galerie d'Este, sa première au Québec, est un livre ouvert et émouvant sur ses souvenirs d'enfance, sa famille et ses racines. Ses peintures, photographies et installations, réalisées en majorité ces deux dernières années à Toronto, nous transportent au Punjab, en Inde, où elle est née en 1953, et à Londres où elle a grandi jusqu'à l'âge de 15 ans. Un livre ouvert passionnant, beau et enrichissant.

De son enfance, Sarindar Dhaliwal brosse un portrait à partir de photographies présentées en séries de trois. De vieilles photos classiques de sa mère, son frère et ses soeurs, avec ce charme suranné des poses prises devant le photographe et encadrées par des décorations de style indien ou rappelant le design de William Morris, au XIXe siècle. Elles côtoient des portraits d'enfants plus récents, saisissants de naturel, et des prises de vue du Londres industriel et pollué des années 60.

Une installation vidéo présente sur un écran de télévision trois images d'un même film réalisé avec des prises de vue de voyages qu'elle a faits en Inde ces dernières années. Une mère fredonne une chanson pour son petit. Des jeunes élèves en uniforme se coiffent mutuellement les cheveux dans une cour d'école. Elles se font faire des nattes avec des rubans colorés ou un shampooing par leur mère.

Le shampooing pique les yeux, l'huile d'olive enrichit les longs cheveux des jeunes filles indiennes, souvenirs d'une tradition vécue à Southall où vivent des communautés est-asiatiques, où Sarindar Dhaliwal a encaissé les désagréments de la vie d'un enfant immigrant.

On saisit son intérêt de jeunesse pour l'art avec l'installation The Green Fairy Story Book, un alignement de 14 gros livres d'artistes de 14 couleurs différentes posés sur une table. Le texte écrit horizontalement, passant d'un livre à un autre, expose d'où lui vient son amour des couleurs et des choses de l'esprit et du geste, soit de ses premières lectures de livres de contes de fées.

Une immense photographie évoque ses occupations de petite fille. Southall: Childplay est une référence aux rares objets qui ont construit son imaginaire et forgé par la suite sa pratique: les crayons de couleur.

«Quand j'étais petite, je n'avais pas beaucoup de jouets, dit-elle. Je m'amusais seule, tranquillement avec des crayons. Je me racontais des histoires avec ces crayons. Quand ils avaient le bout cassé, je me disais qu'ils étaient malades et qu'ils devaient aller à l'hôpital...»

Son tableau Hobson Jobson d-p lui est venu de la lecture d'un texte de Salman Rushdie sur l'apport de l'Inde à la langue anglaise. L'oeuvre en papier sculpté suggère les couleurs lumineuses et douces des temples indiens et symbolise le travail très personnel de Dhaliwal puisant dans la réflexion et le souvenir.

Avec 28 Ambassador Cars, l'artiste affiche des photos d'automobiles Hindustan Ambassador, voitures très prisées dans l'Inde des années 60, avec au centre de l'oeuvre un slogan écrit en anglais défiant tout possesseur de fourgonnette familiale Volvo, qui regrette son achat, de l'échanger contre une oeuvre d'art! On peut dire que celles de Sarindar Dhaliwal tiennent la route...