Le photojournaliste François Pesant s'est trouvé une cause: celle des réfugiés environnementaux, et il veut sensibiliser le monde à ces laissés-pour-compte qui ne reçoivent aucune aide. L'exposition Les réfugiés du climat, qui se tient à la TOHU, est un bouleversant témoignage de cette première incursion dans un univers troublant.

Il y a de 30 à 40 millions de réfugiés climatiques ou environnementaux sur la planète, nous apprend celui qui a signé un reportage sur le sujet dans le magazine L'actualité, en décembre 2008. «Les experts estiment qu'il y en aura autour de 250 millions en 2050. Ça pourrait être la plus grave crise humanitaire à laquelle nous aurons à faire face au cours du siècle», déclare-t-il lors de notre rencontre.

 

Le phénomène n'est pourtant pas nouveau. Le terme «réfugié environnemental» existe depuis une trentaine d'années. Il demeure toutefois sans définition officielle ni nature juridique, et n'est pas reconnu par les Nations unies. L'expression désigne généralement une personne ayant fui son lieu d'origine à cause d'une grave dégradation environnementale (désertification, catastrophe naturelle, etc.). Ainsi, on peut déjà affirmer que le tremblement de terre en Haïti a généré et générera encore des réfugiés environnementaux.

C'est pendant un voyage de bénévolat en Inde, au cours duquel il a travaillé pour le Tibetan Centre for Human Rights and Democracy, que François Pesant a eu son premier contact avec les réfugiés climatiques. À son retour au Québec, il a travaillé et économisé afin de retourner dans le nord de l'Inde, surtout dans l'Himachal Pradesh, pour un autre séjour de six mois au cours duquel il documenterait à fond le phénomène des déplacés.

Relation de confiance

Le photojournaliste, qui a fait un stage auprès de Jacques Nadeau, du Devoir, privilégie des projets qui demandent un investissement de longue haleine. Il cherche à établir une relation de confiance avec son sujet, ce qui explique pourquoi il passe habituellement plusieurs mois sur le terrain.

«J'ai mis du temps à établir une relation de confiance avec les réfugiés indiens. Comme ils étaient évidemment dans une situation extrêmement précaire, ils me voyaient avant tout comme un guichet automatique. J'ai commencé par aborder les gens dans la rue, ceux qui mendiaient, qui ciraient des chaussures, par exemple, et à leur expliquer ce que je voulais faire. Il a fallu quelques semaines avant que je puisse aller dans les camps pour les photographier sans qu'ils se jettent sur moi.

«Les Indiens plus fortunés n'aimaient pas beaucoup me voir en train de prendre des photos de mendiants. Ils me demandaient ce que je faisais là. Ils me disaient que l'Inde, ce n'était pas que ça. Ils craignaient l'image misérabiliste que ça donnerait de leur pays en plein essor économique.»

François Pesant a vécu entre autres dans un camp de plus de 1000 réfugiés, sans eau, sans électricité, sans égouts. «Le taux de mortalité infantile est extrêmement élevé. Les enfants sont tous malades, ils toussent, ils ont des maladies de peau. Pendant que j'étais là-bas, il y a une femme de 50 ans qui a accouché de son 11e enfant.»

Depuis ce séjour marquant, le photographe est allé au Sri Lanka pour faire un bilan des cinq ans du tsunami, reportage réalisé avec Lisa-Marie Gervais et publié dans L'actualité du 1er janvier. «Il y a encore 26 000 personnes qui vivent sous des toits de tôle», rappelle-t-il. Quelques jours à peine après son retour, il est reparti pour Haïti, où il a fait, entre autres, des photos pour La Presse. «J'aimerais y retourner bientôt, pour voir qui sera relogé et qui sera oublié, dans la reconstruction.»

Bien qu'il trouve l'aide déployée pour Haïti tout à fait justifiée, il ne peut s'empêcher de penser à tous ceux et celles qui n'ont pas droit à cette attention. «Une catastrophe comme celle d'Haïti, ça provoque la sympathie, et à juste titre. Mais la désertification, qui est un processus plus lent, n'attire pas l'attention médiatique.»

Chose certaine, par ses oeuvres autant que par ses paroles, François Pesant réussit à susciter une grande sympathie pour ses sujets. Il ne reste qu'à espérer que cette sympathie du spectateur se transforme un jour en action.

Les réfugiés du climat, de François Pesant, à la TOHU jusqu'au 25 avril.