BGL, le collectif écolo de Québec, se répand dans la Parisian Laundry, du bunker à la cave jusqu'à l'étage supérieur, avec des installations aux allures de fêtes qui ont mal tourné.

Le trio BGL, marque de commerce de Jasmin Bilodeau, Sébastien Giguère et Nicolas Laverdière, fait des performances et des installations depuis 13 ans aussi bien ici, Québec et Canada, qu'à l'étranger. Invité à passer l'automne dans les espaces convoités de la Parisian Laundry, une ancienne buanderie industrielle de Saint-Henri restaurée avec le maximum de bon goût, le collectif de Québec a décidé de présenter une manière de rétrospective qu'il a intitulée Postérité.

 

Les visiteurs sont accueillis par le derrière d'un stand de foire évoquant ceux des cirques d'antan, stand en bois surmonté du symbole du lys bleu. On y voit une affiche encadrée montrant les trois gars étendus en train de faire des ombres chinoises sur un mur, les ombres des lettres BGL. On peut mettre de la monnaie dans le cadre, elle dégringole comme dans une machine à sous. De l'autre côté du stand, un mur est rempli de ballons blancs et bleus salis et à moitié dégonflés. Des cochonneries traînent par terre. Plus loin, sur une sorte de bar qui sert aussi de vitrine à revues d'art, sont exposés des verres à vin et à champagne salis de boue. Encore plus loin, un vrai fauteuil en cuirette est traversé par une épée. On dirait les restes d'une fête à laquelle un séisme a mis fin brusquement. Méchant party!

Et tout cela est présenté comme s'il s'agissait d'objets d'une civilisation disparue. Ainsi, dans une autre salle, on trouve suspendue au plafond une motoneige accidentée prise dans un frimas comme si elle était congelée. Ou encore des panneaux de signalisation accrochés aux murs sont envahis de mites. Les immenses lettres rouges formant le mot REER sont, quant à elles, en train de se désagréger...

Ceux qui suivent BGL depuis longtemps reconnaîtront des objets qu'ils ont déjà vus ailleurs dans d'autres installations. Comme si le collectif lui-même, par cette manière de rétrospective «autodérisoire», appartenait lui aussi à une espèce en voie de disparition.

À l'étage, c'est pire. Un bric-à-brac déconcertant. On se croirait dans un marché aux puces bourré de cossins, reconstitué pour les besoins d'un film québécois d'époque. Mais en regardant bien, ces objets ont fait partie d'installations de BGL au fil des ans. Des ordinateurs et des téléphones cellulaires en bois, du linge plastifié sur une corde, des patins, des animaux empaillés, de vieux téléviseurs qui diffusent des vidéos sur les performances du collectif, et dans des toilettes, des résidus de pornographie. Entre autres.

En sortant de ce labyrinthe, on est surpris par l'immense espace qui reste quasiment inoccupé, comme dans les expositions muséales d'art contemporain, où l'on préfère que les oeuvres «respirent» dans leur rareté. Il y a là un immense dessin sur papier léger montrant un paysage aux vaches bucoliques broutant l'herbe de ce qui ressemble à l'île d'Orléans. Le dessin est entièrement fait à la main de traits verticaux et horizontaux comme s'il sortait d'une machine.

Mais ce qui rend le mieux l'état d'esprit de BGL se trouve dans le bunker, la cave en fait. C'est une sorte d'atelier de sapins de Noël. Sauf que les arbres, privés d'aiguilles, ont été trempés dans de la peinture verte et sèchent, suspendus au plafond comme des pièces de gibier, et qu'ils viennent avec leurs décorations. L'une de ces décorations est faite d'allumettes placées aux pointes des branches. On imagine ce qui arrive si on les allume...

Si on comprend bien le message, BGL s'amuse comme trois petits fous avec les restes de notre culture occidentale de surconsommation en voie de disparition. Et s'inquiète pour l'avenir de la nature.

Postérité, BGL, à la Parisian Laundry, 3550, rue Saint-Antoine Ouest. Jusqu'au 21 novembre. Ouvert du mardi au samedi, de 12h à 17h. Entrée libre.