En l'espace de quatre mois, Paul Sauvé a engagé le Québec dans la plus formidable transition de son histoire. Une exposition et un documentaire retracent la vie et l'oeuvre de ce conservateur à l'esprit ouvert.

Il était le seul à ne pas soumettre ses discours au «Chef» pour approbation. Fidèle, mais toujours critique, Paul Sauvé a passé 30 ans aux côtés de Maurice Duplessis avant de lui succéder comme premier ministre du Québec, le 10 septembre 1959.

Fils de conservateur comme Duplessis, mort trois jours plus tôt, Paul Sauvé n'en croyait pas moins au changement - à l'urgence du changement, comme en font foi les 31 projets qu'il a tout de suite déposés à l'Assemblée législative. Loin de la génération spontanée, ces «bills» ne pouvaient découler que d'une patiente réflexion de la part de Sauvé, qui incarnait depuis longtemps l'aile progressiste de l'Union nationale, en tant que ministre du Bien-être social et de la Jeunesse, un ministère que Duplessis avait créé pour lui en 1953.

Reconnaissance du droit d'association des travailleurs, décriminalisation de la délinquance juvénile, permanence des fonctionnaires «désormais» soustraits à l'arbitraire partisan sont autant de mesures que réclamaient à grands cris les forces progressistes de «la Province» d'alors.

Paul Sauvé n'a pas eu le temps de mener à terme toutes ces réformes : il est mort subitement le 2 janvier 1960, après 112 jours au pouvoir. Les historiens ont parlé de «la Révolution des 100 jours», prélude immédiat à ce qui deviendra la Révolution tranquille (1) dont la phase active débutera avec l'élection des libéraux de Jean Lesage, l'été suivant.

«Paul Sauvé se comportait en chef d'État, alors que Duplessis n'avait toujours été qu'un chef de parti», dira Paul Labonne, auteur de la monographie Paul Sauvé - Désormais l'avenir! (Éd. Point de fuite, 2003) et concepteur de l'exposition du même nom inaugurée la semaine dernière au Château Dufresne.

En une vingtaine de tableaux, l'exposition retrace les débuts de Paul Sauvé qui, dandy de 23 ans, avait succédé à son père - le journaliste Arthur Sauvé, ancien chroniqueur agricole de La Presse - comme député conservateur de Deux-Montagnes.

On y découvre aussi le héros militaire décoré de la Croix de guerre française; opposé à la conscription, Paul Sauvé ne s'était pas moins enrôlé comme volontaire avant de commander le régiment des Fusiliers Mont-Royal dans la campagne de libération de la France en 1944.

Le clou de Paul Sauvé - Désormais l'avenir! reste toutefois le documentaire de Paul Carvalho, tiré du livre de M. Labonne (2), dans lequel d'anciens collaborateurs se rappellent l'homme et son oeuvre. Fernand Dostie a servi pendant la guerre avec Paul Sauvé, qui en fera plus tard son sous-ministre adjoint, puis son chef de cabinet. M. Dostie, mort l'an dernier, était avec Paul Sauvé quand celui-ci a ouvert «la mallette à Duplessis». Qui contenait entre autres la «liste de paye» de l'Union nationale, avec ses organisateurs, ses «espions» et ses informateurs, parmi lesquels des députés (libéraux)... et des évêques. «Maudite machine!»

Paul Sauvé aura au moins eu le temps de commencer le ménage de son propre parti.

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L'expo Paul Sauvé - Désormais, l'avenir est présentée jusqu'au 2 janvier 2010 au Château Dufresne (2929, avenue Jeanne-d'Arc, entre Sherbrooke et Pie-IX, métro Pie-IX); du mercredi au dimanche, entrée: 7 $; info: www.chateaudufresne.com.

(1) Michel Lacombe présente jusqu'au 18 septembre une série sur la Révolution tranquille; tous les jours à 13 h sur la première chaîne de Radio-Canada (rediffusion à 23 h).

(2) Le documentaire sera diffusé le printemps prochain dans le cadre de l'émission Zone Doc à Radio-Canada.