Il était dit que la mise aux enchères de la collection privée Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, du 23 au 25 février, serait la vente du siècle. Avec des ventes totalisant 373,9 millions d'euros, c'était déjà un record.

Les enchères avaient débuté sur un suspense. C'est-à-dire un référé (injonction) devant le tribunal de Paris pour faire interdire la vente de deux têtes d'animaux en bronze, hautes de 30 et 40 cm et datant du XVIIIe siècle. Avec quelques arguments : les têtes de rat et de lapin font partie d'une série de 12 sculptures réalisées dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour la fontaine du Palais d'été de l'Empereur Qianlong. Or le Palais d'été fut mis à sac en 1860 par les troupes francobritanniques, et les oeuvres d'art volées puis revendues en Europe.

 

Cette affaire des 12 sculptures volées en 1860 reste en travers de la gorge des autorités chinoises. Au cours des dernières années, cinq d'entre elles ont été récupérées par la Chine à la faveur de ventes publiques ou auprès de collectionneurs.

Cette fois, les deux pièces illustres, mises en vente le mercredi 25, avaient été achetées par un collectionneur anonyme pour la somme de 31,4 millions d'euros.

Hier matin, on a appris qu'il s'agissait d'un Chinois richissime, Cai Mingchao, agissant pour le compte d'une fondation pour la récupération d'oeuvres chinoises dispersées à l'étranger.

En se faisant connaître, Cai Mingchao a précisé qu'il ne règlerait pas la facture, puisque ces deux bronzes appartenaient à la Chine. Une position qui se défend sur le plan moral. Pour la justice, c'est autre chose: des oeuvres mises régulièrement en vente appartiennent à son acheteur, et un vol perpétré il y a 150 ans bénéficie de la prescription. Lundi 23, Pierre Bergé, dans l'attente de la décision du tribunal de Paris sur le référé, déclarait en toute candeur: «Je suis tout à fait prêt à rendre ces deux têtes aux Chinois, s'ils respectent les droits de l'homme et rendent sa liberté au Tibet .» Hier, l'homme d'a ffaires ajoutait: «Je ne suis pas très surpris. Je garderais donc ces deux pièces chez moi.»

Reste à savoir où sont effectivement les deux têtes de bronze: chez Christie's à Paris, en attente du paiement? Ou alors l'acheteur Cai Mingchao étant une personnalité honorablement connue du monde de l'art déjà en Chine?