Une exposition allemande retrace l'influence des théories de Charles Darwin (1809-1882), le père de la biologie moderne né il y a 200 ans, sur la représentation artistique de l'homme et de la nature, proposant une approche originale de l'histoire de l'art.

Darwin. L'art et la recherche des origines à la Schirn Kunsthalle de Francfort rassemble 150 tableaux, dessins, affiches et autres documents qui témoignent d'une révolution artistique, notamment en France et en Allemagne, après la publication des premières théories évolutionnistes de Darwin en 1859.

«Les idées de Darwin ont changé la manière de voir le monde», explique Pamela Kort, la commissaire de l'exposition. «On a réalisé que rien n'était statique, qu'une infinité de formes étaient en perpétuelle évolution».

Ce fut un séisme pour les tenants d'une nature harmonieuse et bienveillante, comme pour la vision chrétienne de la Création. «Les artistes devaient réinventer la représentation de l'apparition de l'homme, remettre à plat l'iconographie du Jardin d'Eden», ajoute-t-elle.

En France, où l'on découvre simultanément la science de la préhistoire, Frantisek Kupka (1871-1957) livre dans son tableau Anthropoïdes une représentation moderne de premiers hommes figurant une lutte à mort entre deux bipèdes musculeux et velus pour la conquête d'une femme.

Odilon Redon (1840-1916) s'ingénie à dessiner des «monstres» alliant des traits humains ou animaux avec des formes végétales. «Ce qu'ils ont de plus étrange, c'est qu'ils auraient pu vraiment exister...», écrit-il.

En Allemagne, une profonde humanité se lit dans les yeux des singes de Gabriel von Marx (1840-1915), pour lesquels le peintre avait plus d'affection et d'estime que pour ses semblables, dit-on.

Avec froideur et angoisse, l'Autrichien Alfred Kubin (1877-1959) exprime la petitesse de l'homme face à la nature. Dans Marais, une femme nue progresse à tâtons dans de la vase, inconsciente de l'apparition derrière elle de trois énormes créatures aux corps phalliques.

Au 20e siècle, les dérives du darwinisme social, atteignant leur paroxysme avec les nazis et la Shoah, ont progressivement écarté les artistes des thèmes évolutionnistes. Peint durant la Seconde Guerre mondiale, L'Europe après la pluie de Max Ernst (1891-1976) est un amoncellement lugubre de corps et d'édifices fossilisés, où l'évolution paraît toucher à sa fin.

«Mais la découverte de la génétique avec l'ADN au début des années 1950 a renforcé la plupart des thèses de Darwin sur l'hérédité», rappelle Pamela Kort, ouvrant la voie à une «seconde révolution darwinienne».

«J'ai aimé le mélange de souci artistique et d'histoire naturelle dans certaines oeuvres», déclare Sebastian, étudiant en anthropologie de 26 ans venu voir l'exposition. Enseignante à la retraite, Monika ignorait qu'il existait «une relation aussi importante entre Darwin et l'art».

«La dissémination du darwinisme n'est certainement pas la seule façon d'approcher l'art, mais nous devons sûrement prendre ses effets en considération», conclu Mme Kort.

L'exposition dure jusqu'au 3 mai.