Charles Alleyn se rappelle encore la première fois qu’il a eu l’idée de reproduire le Galopant, l’emblématique carrousel de La Ronde fabriqué en Belgique en 1885. C’était à l’Exposition universelle de New York en 1964. Aujourd’hui, l’artiste (modeste) souhaite voir la pièce de patrimoine dont il a réalisé une miniature être conservée.

Jusqu’à minuit la veille de sa rencontre avec La Presse, l’homme de 81 ans a nettoyé ses cinq reproductions de carrousels exposées dans son petit logement d’une résidence privée pour personnes âgées où il vit à Outremont. Une d’entre elles est facilement reconnaissable : le Galopant de La Ronde.

« Tu ne peux pas dire que ce n’est pas beau ! », lance Charles Alleyn, le sourire aux lèvres, lorsqu’on lui demande d’où vient son intérêt particulier pour les carrousels.

De son lit, l’homme qui a des problèmes de mobilité n’a qu’à peser sur une télécommande pour faire tourner le carrousel, allumer ses lumières et en faire jouer la musique. « Un carrousel, c’est un non-sens. C’est beau à regarder, mais c’est plate à embarquer », dit en rigolant Charles Alleyn.

  • Charles Alleyn, dessinateur industriel retraité, a réalisé cinq reproductions de carrousels, dont une du Galopant de La Ronde.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Charles Alleyn, dessinateur industriel retraité, a réalisé cinq reproductions de carrousels, dont une du Galopant de La Ronde.

  • Charles Alleyn a reproduit le Galopant, le carrousel de La Ronde, qui est hors service cet été.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Charles Alleyn a reproduit le Galopant, le carrousel de La Ronde, qui est hors service cet été.

  • Charles Alleyn expose ses cinq reproductions de carrousels dans son logement.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Charles Alleyn expose ses cinq reproductions de carrousels dans son logement.

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Amoureux des carrousels depuis 50 ans

Quand Charles Alleyn décide finalement de construire une reproduction du carrousel de La Ronde en 1973, il n’en est pas à sa première fois.

Quand j’étais jeune, je faisais des maquettes. Enfant unique, je n’avais rien d’autre à faire.

Charles Alleyn

Le jeune Charles s’est d’abord amusé avec les automobiles à coller de l’entreprise Revell, avant de s’aventurer dans sa première « vraie » reproduction à l’âge de 15 ans.

Il avait alors mis trois ans à construire un bateau de la grandeur de sa table de cuisine. Les miniatures de Charles Alleyn, dessinateur industriel, ont ensuite augmenté en complexité.

Depuis 50 ans, il travaille à recopier avec minutie chaque détail du Galopant. Bien qu’il ait par la suite reproduit d’autres carrousels provenant d’un peu partout dans le monde, le retraité continue à perfectionner l’œuvre à l’image du manège de La Ronde. « Je ne la terminerai jamais », affirme-t-il.

Or, sans les plans, comment s’y prendre pour le reproduire ? La Ronde lui a fourni une seule information essentielle : la mesure du diamètre. Ingénieux, l’homme a pris des photos de ses propres fils, dont il connaissait la grandeur (Patrick mesurait 3 pieds à 3 ans !), afin de mesurer les proportions du carrousel. Il a également recours à la photographie pour chaque sculpture et chaque fresque.

PHOTO FOURNIE PAR CHARLES ALLEYN

Une des photos prises par Charles Alleyn, afin de mesurer les proportions du carrousel de La Ronde. Sur la photo : Patrick Alleyn, un des deux fils du retraité.

Les sculptures, en bois de balsa, ont été réalisées à l’aide d’un fer chaud. Certaines moulures sont faites d’agar-agar et d’autres de fibres de verre. Le plancher est composé de bâtons pour brasser le café, qui ressemblent à de vieilles planches de bois.

Avant qu’il rencontre Nicole Renaud, sa copine, dans les années 1990, les carrousels de Charles Alleyn étaient bien ternes. Mais elle, qui est aquarelliste, l’a encouragé à aller au bout de son art et à laisser tomber son désir d’exactitude. M. Alleyn n’est peut-être pas un grand peintre ; les œuvres qui décorent la reproduction ne sont pas les mêmes que sur le « vrai », mais elles sont toutes de son cru. Les couleurs du carrousel, qui ont beaucoup changé au fil des années, sont celles de 1973.

« Je n’ai pas de talent naturel », affirme le retraité, en toute humilité. Mais selon son fils James Alleyn, son père ne réalise pas l’ampleur de ses réalisations : « Il devrait être fier. »

Un patrimoine à conserver

Le 7 juin dernier, La Ronde a annoncé que le Galopant serait hors service tout l’été. Arrivé à Montréal à l’occasion d’Expo 67, le manège a été restauré en 2007 pour une somme d’environ 1 million de dollars. Hélas, l’arrêt du carrousel, aux chevaux de bois sculptés à la main, pourrait bien être permanent.

Charles Alleyn aimerait que le Galopant soit installé à un endroit où on peut l’admirer et où il est possible d’en prendre soin.

La Ronde l’a rénové souvent, mais ils n’ont pas nécessairement fait toutes les rénovations parce que c’est une business. Le manège s’est détérioré encore plus malgré tout.

Charles Alleyn

L’homme de 81 ans, un vrai passionné, nomme plusieurs exemples où les carrousels ont été conservés avec plus de moyens, comme le musée Shelburne, à Burlington, aux États-Unis. « La Ville devrait l’acheter », croit le dessinateur industriel retraité.

Aujourd’hui, Charles Alleyn apprend à son fils les détails de la construction de ses miniatures. Comme le carrousel de La Ronde est une pièce du patrimoine montréalais, sa reproduction « est un pan de notre histoire familiale », souffle James Alleyn.