Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a annoncé mardi un investissement de 3 millions sur trois ans pour aider les artistes et les travailleurs du milieu culturel victimes de harcèlement et de violences sexuelles.

Dans les faits, il s’agit d’aider les travailleurs du milieu culturel à faire valoir leurs droits. Cette aide sera gérée par L’Aparté, de la Clinique Juripop, qui accompagnera ces travailleurs dans leurs recours juridiques. Les personnes admissibles seront ainsi accompagnées et représentées gratuitement par des avocats de L’Aparté devant le Tribunal administratif du travail (TAT).

Cette mesure inclut tous les travailleurs du milieu culturel, artistes et techniciens non visés par une entente collective dans des cas de harcèlement et de violence sexuelle en milieu de travail.

On vient combler un vide qui existait, où les nombreux travailleurs autonomes du milieu culturel étaient moins bien protégés que la plupart des autres travailleurs au Québec.

Mathieu Lacombe, ministre de la Culture et des Communications

« Ce sont des travailleurs qui évoluent dans un monde culturel où il y a beaucoup de jeux de pouvoir, de précarité, et où les revenus sont parfois très bas, ce qui les décourage d’aller jusqu’au bout des procédures », a précisé en entrevue le ministre Lacombe.

La directrice générale de Juripop, MSophie Gagnon, s’est réjouie de cette annonce, qui renforce le mandat de L’Aparté, qui a accompagné plus de 400 personnes depuis sa mise sur pied en 2018.

« Normalement, les travailleurs, quand ils vivent du harcèlement au travail, ils portent plainte d’abord à la CNESST. Ensuite, ils se présentent au Tribunal administratif du travail (TAT), précise MGagnon. Nous, on les accompagne à travers tout ce processus, mais on va maintenant pouvoir les représenter gratuitement devant le TAP. En matière civile, on n’offre pas de représentation légale, mais on les accompagne quand même à travers le processus. S’il s’agit d’une cause criminelle, c’est le procureur de la Couronne qui s’en occupe. »

Une « injustice corrigée »

MSophie Gagnon a souligné « le travail et le dévouement » de l’équipe de L’Aparté, qui travaille avec environ 85 organismes culturels. L’Aparté est devenu « une réponse directe » au mouvement #moiaussi et un « guichet unique » pour les victimes du milieu culturel, a-t-elle ajouté. MGagnon a parlé d’une « injustice corrigée » en évoquant le nouveau service de représentation.

Selon MGagnon, si le milieu culturel est plus touché que les autres milieux, c’est qu’il y a énormément de précarité financière.

« Il y a beaucoup de travailleurs autour du seuil de la pauvreté, il y a énormément de rapports de pouvoir, qui mènent à des inégalités exploitées par les personnes qui détiennent ce pouvoir et qui s’en servent pour obtenir des faveurs sexuelles ou pour intimider ces travailleurs. C’est un milieu où la réputation est également importante. Tout ça, ce sont des facteurs de vulnérabilité qui expliquent pourquoi en 2023 le harcèlement est plus prévalent dans le milieu culturel qu’ailleurs. »

La nouvelle présidente de l’Union des artistes (UDA), Tania Kontoyanni, a applaudi la mesure et salué le travail de sa prédécesseure Sophie Prégent, qui a participé aux discussions ayant mené à la mise sur pied de L’Aparté.

C’est une aide très précieuse.

Tania Kontoyanni, nouvelle présidente de l’Union des artistes

En ce sens, Mme Kontoyanni a ajouté qu’elle souhaitait la « pérennité » de l’organisme de Juripop.

Enfin, le directeur général de l’Union des écrivaines et des écrivains québecois (UNEQ), Laurent Dubois, a évoqué les nombreux témoignages de dénonciation reçus par les auteurs membres de l’UNEQ et le soutien reçu par L’Aparté. Une étude menée par l’organisme a d’ailleurs permis de révéler qu’une écrivaine sur trois disait avoir été victime d’un comportement inadéquat au cours de sa carrière. Le milieu littéraire serait l’un des plus touchés par la vague #moiaussi.

L’été dernier, la CAQ avait fait un premier geste en adoptant la nouvelle Loi sur le statut de l’artiste, offrant une protection additionnelle aux travailleurs du milieu culturel, notamment en ajoutant une mesure contre le harcèlement psychologique aux travailleurs autonomes. Une mesure équivalente à celle offerte par les normes du travail.