Après avoir essuyé une défaite devant les tribunaux américains, une maison d’édition spécialisée en bande dessinée se tourne vers la Cour supérieure du Québec pour faire entendre sa cause. Elle accuse notamment Marvel et Disney de violation du droit d’auteur.

Les artistes montréalais Ben et Raymond Lai sont propriétaires de la maison d’édition Horizon Comics Productions. Ils ont entre autres créé la série Radix, publiée en trois volumes entre 2001 et 2002, qui est au cœur du litige. À propos des personnages de cette série, les frères Lai expliquent dans la poursuite déposée au palais de justice de Montréal le 22 avril qu’ils « portaient des armures corporelles très détaillées, futuristes, blindées et armées pour combattre les ennemis, ce qui était inhabituel dans l’industrie de la bande dessinée à cette époque-là ».

Ils auraient d’ailleurs attiré l’attention de l’éditeur en chef de Marvel, Chester Bror Cebulski, qui leur aurait offert de collaborer au sein de l’entreprise américaine au printemps 2002. Une offre que les deux Montréalais auraient d’abord refusée. Mais quelques mois plus tard, alors qu’une autre offre leur était présentée, ils ont décidé de sauter dans l’arène Marvel. Ils ont notamment collaboré sur les bandes dessinées Thor et X-Men.

Pour les frères Lai, il n’y a donc pas de doute : Marvel connaissait bien leur travail et, plus précisément, leur série Radix.

« Nous avons créé Radix en 1995 avec comme objectif de créer quelque chose d’unique », a répondu par écrit Raymond Lai, à La Presse.

C’est avec Radix que nous nous sommes fait connaître et que notre travail a été reconnu dans l’industrie américaine de la bande dessinée. Nous nous sommes fait un nom. Ça nous a permis de travailler un peu partout, y compris avec Marvel.

L’artiste Raymond Lai

Les différends entre les deux parties auraient commencé en 2013, avec le dévoilement du costume d’Iron Man, incarné par Robert Downey Jr. dans le film Iron Man 3.

Les avocates de l’entreprise québécoise, MJulie Desrosiers et MPatricia Hénault, affirment dans la poursuite que le costume porté sur l’affiche du film est « étonnamment similaire au costume porté par un Caliban, l’un des personnages de Radix, créé par Horizon ».

Après avoir constaté cette ressemblance, la maison d’édition québécoise a décidé d’intenter une poursuite américaine contre Marvel pour violation du droit d’auteur. Marvel a réfuté les allégations en disant qu’il y avait de nombreuses différences entre les personnages.

Le juge américain Paul Owtken a finalement tranché. Même s’il a noté des ressemblances, il a conclu qu’il n’y avait pas de violation du droit d’auteur dans cette cause.

Horizon a accepté que Marvel paie ses frais juridiques en échange d’une promesse de ne pas en appeler de ce jugement, lit-on dans la poursuite.

IMAGES TIRÉES D’UN DOCUMENT DE LA COUR

La poursuite présente de nombreux exemples de costumes portés par Iron Man qui ressembleraient à ceux des personnages de Radix, notamment dans le film à succès Avengers — Infinity War.

« Contrefaçon répétée »

Sauf que, selon Horizon, Marvel a continué de produire des films en violant à nouveau son droit d’auteur. « Marvel semble croire que, conformément à la décision d’Horizon de ne pas en appeler, Marvel a maintenant le droit de s’approprier les œuvres d’Horizon sans conséquence », affirme le document.

Raymond Lai a indiqué à La Presse que l’Institut de technologie du Massachusetts avait « copié un des personnages de Radix en 2002 pour obtenir une subvention de 50 millions de dollars ». Puisque l’Institut s’était par la suite excusé publiquement, les frères Lai n’avaient pas intenté de poursuites judiciaires. « Mais avec Marvel, c’est de la contrefaçon répétée », a-t-il ajouté.

Dans la poursuite d’une vingtaine de pages, de nombreux exemples de costumes portés par Iron Man qui ressembleraient à ceux des personnages de Radix sont présentés et détaillés, avec photos, notamment dans le film à succès Avengers — Infinity War, sorti en 2018. Il est également question des personnages Ant-Man et The Wasp, qui auraient aussi des similitudes avec leurs personnages.

Dommages importants

Puisque les artistes et l’entreprise sont montréalais, les avocates allèguent que l’infraction s’est ainsi produite au Québec. Les frères Lai se tournent donc vers la Cour supérieure du Québec pour cette possible deuxième bataille juridique pour violation de droits.

« Après des années de litige aux États-Unis et des sommes substantielles, ils continuent à copier nos personnages », a écrit à La Presse M. Lai. « Ça nous cause des dommages importants, et ceci a un impact sur notre capacité de gagner notre vie comme artistes. Il est clair qu’on ne peut accepter ce comportement répété. La seule façon de faire les choses correctement était de déposer ces procédures. »

— Avec Vincent Larouche, La Presse