Les jours se suivent et les consignes se resserrent pour les salles de spectacle et de cinéma de Montréal et de Laval, au point que certaines d’entre elles envisagent fermetures et annulations même si Québec ne les impose pas… pour l’instant.

Deux jours après avoir dû revoir à la baisse leur taux d’occupation pour assurer une distanciation minimale de 2 m au lieu de 1,5 m, des salles ont appris jeudi qu’elles devraient fermer plus tôt avec un couvre-feu ramené à 20 h dès dimanche sur l’île de Montréal et à Laval. Pour certains propriétaires, ça ressemble beaucoup à l’annonce de trop.

« Avec une séance de moins par jour, je passe d’une situation pas rentable à une situation vraiment pas rentable », dit Mario Fortin, directeur des cinémas Beaubien, du Parc et du Musée, qui calcule que la distanciation à 2 m, ordonnée mardi, ne lui permet pas de remplir ses salles à plus de 17 % de leur capacité.

Nos cinémas seront ouverts comme prévu jusqu’à dimanche, mais je vais retourner à ma calculatrice d’ici là pour prendre la meilleure décision possible pour la suite des choses.

Mario Fortin, directeur des cinémas Beaubien, du Parc et du Musée

M. Fortin fait savoir qu’il tiendra aussi compte des souhaits du public, dont l’appui n’a jamais faibli depuis le début de la pandémie.

Refaire les horaires

Avec un couvre-feu à 20 h, impossible de garder à l’horaire des spectacles à 19 h, comme ceux que Dumas doit recommencer à donner à La Tulipe à partir du 14 avril. Son équipe se réunit ce vendredi pour décider si l’heure des spectacles sera devancée ou s’ils seront plutôt reportés.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le Théâtre Outremont

Au Théâtre Outremont, cette deuxième annonce en 48 heures cause aussi quelques maux de tête. « Il faut refaire tous nos horaires », dit le directeur général, Denis Simpson.

Pour l’instant, je n’envisage pas d’annulation, mais il faudra voir avec les artistes. Il est aussi possible qu’on doive renoncer à la deuxième séance de cinéma du lundi… On jongle avec tout ça, en tenant compte du fait que notre salle reçoit seulement 99 spectateurs, et pas 156, depuis qu’il faut respecter les 2 m de distance.

Denis Simpson, directeur général du Théâtre Outremont

Parmi les spectacles à l’Outremont qui risquent d’être touchés par l’annonce de jeudi, il y a celui de Florence K, prévu le 30 avril à 19 h. Cette prestation avait été initialement programmée pour le même jour… en 2020 !

Rester ouvert à tout prix

Au Théâtre Duceppe, ce nouveau changement est accueilli avec philosophie. « Si on ne les ferme pas, c’est parce qu’on reconnaît que les salles sont des lieux à faible risque de transmission, alors notre responsabilité, c’est de tout faire pour rester ouverts », explique Jean-Simon Traversy, codirecteur artistique chez Duceppe.

« Nous avons déjà testé le scénario avec une représentation de L’amour est un dumpling un mercredi après-midi, poursuit-il. C’est la date qui s’est vendue le moins rapidement, mais si les acteurs sont disponibles, nous allons faire ce qu’il faut pour être là, même si c’est très dur pour notre équipe du service à la clientèle qui devra contacter 2000 détenteurs de billets… »

Au Théâtre La Chapelle, qui présente Face-à-face de Jérémie Niel jusqu’à lundi prochain, le directeur général et artistique, Olivier Bertrand, se montre tenace.

Si c’est possible avec les acteurs et l’équipe, nous irons de l’avant même s’il n’y a qu’un seul spectateur dans la salle. À l’heure actuelle, on peut jouer devant 15 ou 20 personnes. Je pense que nous pourrons présenter la grande majorité de notre programmation des prochaines semaines.

Olivier Bertrand, directeur du Théâtre La Chapelle

Sylvain Bélanger, directeur du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, se montre moins convaincu. « On ne veut pas lâcher notre monde, mais c’est des conditions vraiment limites pour faire du théâtre. » Une décision sera prise rapidement quant à la tenue du spectacle Corps Titan d’Audrey Talbot, au programme le 20 avril, dans une salle de 250 places où à peine 45 spectateurs peuvent désormais s’asseoir. « Notre but, ça reste tout de même de trouver une solution pour créer ce spectacle qui est en gestation depuis longtemps. »

Même s’ils n’en ont pas reçu la garantie, tous ceux que La Presse a interrogés s’attendent à ce que les programmes d’aide gouvernementaux soient adaptés aux nouvelles restrictions… et croisent les doigts pour qu’une nouvelle annonce ne vienne pas encore tout chambouler dans deux jours.