Ça ne nous prendra pas une étude de la revue scientifique The Lancet pour confirmer ce que nous expérimentons au quotidien depuis un an. Notre cerveau a ramolli pendant la pandémie.

Est-ce normal, docteur Doogie Dumas ? Bien sûr. Enfermés chacun dans nos bulles hermétiques, alors que les nouvelles inquiétantes fouettent notre anxiété collective, on recherche de la détente, de l’évasion, du réconfort et des trucs plus simples à comprendre que le séquençage du génome du variant du coronavirus.

Sur le ton du reproche, les plus crinqués (ou lourds) diront sûrement : oui, mais pourquoi ne pas consacrer tout ce temps libre à des choses nobles comme apprendre à jouer du thérémine ou jongler avec des quilles en feu ? Tiens, pourquoi ne pas relire À la recherche du temps perdu ou Guerre et paix ?

Parce que… parce que a) on laisse les briques de plus de 1000 pages à l’équipe trop motivée de Plus on est de fous, plus on lit et parce que b) il faut s’accorder un peu de répit sans se culpabiliser, cibole. À un moment donné, ça va faire, les cours d’espéranto en ligne.

Pourquoi s’imposer cette pression sociale de réussir un confinement parfait ? Pourquoi s’astreindre à un défi de 28 jours sans alcool, alors que l’on vient de franchir le cap des 11 mois sans vie sociale ? On mérite tous une maudite grosse médaille pour cet exploit, qui ressemble plus à de la torture, mais bon.

Même les critiques professionnels baissent leurs critères d’évaluation en cette période de mollesse jusque dans nos uniformes de travail ouatés. Dans le dernier numéro du magazine Entertainment Weekly, la spécialiste de la télé parle de sa propre « cote corona ».

La fatigue, l’ennui et le contexte anxiogène planétaire font que des émissions supra légères, qui auraient été démolies en temps normal, obtiennent des étoiles supplémentaires.

Par exemple, d’un désastreux C+, Emily à Paris de Netflix passe à un solide B+. Merci pour la jolie distraction, Emily, ça fait un bien fou. On se laisse ainsi attraper par des émissions sucrées comme Sweet Magnolias ou Firefly Lane. Ça devient bon après sept épisodes, et alors ? On ne peut pas dire que l’on manque de temps présentement.

PHOTO STÉPHANIE BRANCHU, ASSOCIATED PRESS

Lily Collins dans une scène de la série Emily in Paris

Ces émissions de type « sac de chips » – ou latte à la citrouille épicée – comblent un vide. Pourquoi s’en priver si notre moral en ressort renforcé ? On s’accroche à tous les petits bonheurs qui passent, qu’ils s’appellent Big Brother Célébrités ou Bling Empire.

Entre deux draps, c’est très bon

Avertissement : les prochains paragraphes n’ont pas été rédigés sous l’influence d’une quelconque cote corona. Je le redis : la comédie Entre deux draps, sur Noovo (mercredi à 19 h 30), c’est vraiment bon. Les textes sont modernes, piqués de références contemporaines, et sonnent « vrai » dans la bouche de leurs interprètes.

Le couple de jeunes parents, formé par Karine Gonthier-Hyndman et Guillaume Girard, demeure mon favori. La semaine dernière, Karine Gonthier-Hyndman a livré une tirade enflammée contre ses beaux-parents (et leur iPad) qui a été formidable. Il y a également un côté subversif à les voir « bitcher » leur petite Florence (Florence Pilotte) avant que la culpabilité parentale ne les regagne une minute plus tard.

PHOTO FOURNIE PAR NOOVO

Guillaume Girard et Karine Gonthier-Hyndman durant le tournage d'Entre deux draps

Le couple gai (Antoine Pilon et Simon Pigeon) s’éloigne de la caricature et on croit à cette relation. L’épisode où ils ont adopté la chienne Dandine, et acheté une garde-robe complète pour elle, était mourant. La dynamique tordue entre Pier-Luc Funk et Virginie Ranger-Beauregard donne lieu à des scènes très rigolotes.

C’est peut-être du côté des colocataires (Mathieu Pepper et Fayolle Jean Jr) que c’est plus faible. On les sent plus dans le cabotinage que leurs camarades.

Finalement, voici des réponses à vos questions sur le dernier épisode de Toute la vie à Radio-Canada. C’est normal de ne pas comprendre tout de suite les réactions d’Éric (Pierre-François Legendre), le père d’Éloïze (Élizabeth Tremblay-Gagnon). Ça s’éclaircira dans les prochains épisodes, me dit Fabienne Larouche, productrice du populaire téléroman, vu par 1 009 000 téléspectateurs mardi soir.

Dans une scène de sexe extrêmement troublante, nous avons vu l’adolescente Éloïze, qui vit avec une déficience légère, chevaucher son père Éric, qui somnolait sur le canapé du sous-sol. Comme le papa portait un masque de nuit pour dormir, il n’a pas réalisé sur le coup que sa propre fille était en train de le violer.

Évidemment, Éric a capoté, comme nous tous, quand il a retiré son masque. On ne sait pas, par contre, si le bébé que porte Éloïze est le sien. Ce que l’on décode, c’est qu’Éric a vécu dans un déni profond et que sa détresse ressort maintenant à retardement.

Et qu’en est-il du sort de Tina (Hélène Bourgeois Leclerc), qui démissionnera de l’école Marie-Labrecque à la fin de la saison actuelle ? Ne sautez pas trop rapidement aux conclusions. Nostradumas voit encore des cheveux bouclés et des portes battantes dans sa boule de cristal.