Dans une nouvelle offensive pour réclamer la réforme immédiate des lois sur le statut de l’artiste, des collectifs artistiques et politiques ont scandé leur impatience devant les bureaux du ministère de la Culture et des Communications, vendredi, à Montréal.

Rue De Bleury, une trentaine de manifestants ont bravé le vent automnal pour se faire entendre. Des discours de comédiens, d'auteurs, de musiciens, ainsi que de la députée de Québec solidaire Manon Massé, ont été ponctués de performances artistiques. Par la danse, l’interprétation théâtrale et la musique, les artistes ont tenté de faire entendre leur message adressé à la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy : les conditions socioéconomiques de l’industrie culturelle québécoise doivent être améliorées et la révision immédiate des lois sur le statut de l’artiste est le moyen d’y arriver.

Ce n’est pas la première fois que les artistes manifestent avec ces mêmes demandes. Leur lutte est sans cesse à recommencer, estiment-ils, puisque le gouvernement ne semble pas prêt à agir concrètement. « C’est une urgence, mais on n’a jamais été la priorité », dit Ariane DesLions, artiste de scène et porte-parole du mouvement des Artistes reconnu.es par une rémunération équitable au travail (A R.T).

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LAPRESSE

Ariane DesLions, porte-parole du mouvement des Artistes reconnu.es par une rémunération équitable au travail

La précarité est extrême et le climat d’incertitude ne fait que se prolonger, . On a l’impression que ça va nous prendre un nouveau gouvernement pour réussir à se faire entendre. Il ne leur reste que deux sessions parlementaires.

Ariane DesLions, porte-parole du mouvement des Artistes reconnu.es par une rémunération équitable au travail

Le Front culturel QS, A.R.T et Rassemblement Diomède ont ensemble organisé ce rassemblement baptisé « Promesse cul-de-sac de la CAQ ». Lors de la manifestation, des panneaux signalétiques et une imagerie de chantier visaient à illustrer la « route cahoteuse des artistes du Québec, dont le filet social est plein de trous », explique Ariane DesLions.

La réforme des lois actuelles viserait principalement à assurer un encadrement adéquat en matière de santé et de sécurité au travail, « comme pour tous les autres secteurs », que ce soit pour les contrats, les relations de travail ou la rémunération, entre autres.

« L’âme du peuple » en péril

« Les artistes quittent la profession par milliers présentement, affirme Ariane DesLions. Non seulement la pandémie vient exacerber et relever la précarité, mais en plus les artistes portent à bout de bras une industrie fragilisée depuis des décennies. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Ce n’est pas la première fois que les artistes manifestent avec ces mêmes demandes.

Le revenu médian de la communauté artistique se situe sous le seuil de la pauvreté, fait-elle remarquer, et ce, même si 48 % des artistes québécois sont titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme d’études supérieures. Cette précarité pourrait être atténuée si on établissait des balises adaptées à l’époque et à la réalité que vivent les artistes. « Ce serait d’offrir une vraie protection sociale au métier d’artiste », résume Ariane DesLions.

Des mémoires ont été déposés à l’Assemblée nationale (dont celui du A.R.T, en février 2021, Être artiste, tout un contrat !), des lettres ouvertes ont été publiées, mais la pression ne semble pas suffire. Une « déception » pour les artistes. « On nous dit que l’art est l’âme d’un peuple, que c’est l’identité québécoise, qu’on en est fiers lorsqu’il rayonne à l’étranger, note Ariane DesLions. Mais lorsqu’on demande comment permettre de soutenir les milliers d’artistes, la réponse, c’est de faire appel à des subventions. C’est de la méritocratie culturelle et cette vision précarise le milieu. »

Vieilles de 30 ans

Cela fait des années que la communauté artistique réclame la réforme de ces lois adoptées en 1987 et 1988, qui ne donnent pas le même statut aux artistes de la scène, du disque et du cinéma qu’à ceux des métiers d’art, de la littérature et des arts visuels. Ces derniers n’ont, par exemple, pas accès à la négociation collective. Les demandes de révision exigent notamment qu’une seule loi englobe tous les domaines.

La révision des lois sur le statut de l’artiste a fait l’objet de vastes consultations en 2020. Malgré sa promesse électorale d’agir, le gouvernement Legault a fait volte-face le printemps dernier. La ministre Nathalie Roy affirmait alors ne pas avoir d’échéancier en ce qui concerne la réforme.

Fin septembre, le gouvernement caquiste a rejeté la motion présentée par Québec solidaire demandant qu’un projet de loi sur la réforme soit déposé dès l’automne.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La députée de Québec solidaire Manon Massé s’est adressée aux manifestants vendredi.

Comment peut-on dire d’un côté de la bouche que la culture est importante pour le Québec et, de l’autre, ne pas respecter l’engagement de revoir les lois sur le statut des artistes ?

Manon Massé, en entrevue avec La Presse pendant la manifestation

« Tous ces gens qui donnent le beau et la richesse de la culture dans toute sa diversité méritent que l’État québécois renouvelle ses lois pour en faire une qui sera adaptée, affirme-t-elle. Les artistes et artisans, qui ont eu la vie très dure dans la dernière année, sont légitimes d’attendre que le gouvernement réponde présent pour eux aussi et pas juste pour les ultrariches. »

« On ne peut pas faire pression en fermant boutique, on n’a pas pignon sur rue, mais on veut sonner l’alerte, dit Ariane DesLions. Il faut que d’autres se joignent à nous dans la rue, que les citoyennes et citoyens prennent conscience de la problématique. »